La menace du "Chapter 11", la loi américaine sur les faillites, plane désormais un peu plus sur les constructeurs automobiles General Motors (GM) et Chrysler. Le Sénat américain a finalement rejeté, jeudi 11 décembre, le prêt d'urgence de 15milliards de dollars (11,3 milliards d'euros), qui leur était essentiellement destiné. Lors du vote de clôture de leur cession, les sénateurs ont repoussé le plan par 52 voix contre 35. Mercredi, la Chambre des représentants avait voté à une large majorité pour ce plan après qu'un accord de principe eut été trouvé entre la Maison Blanche et le Congrès. Barack Obama, le président élu, et George Bush avaient parlé d'une même voix devant le danger de laisser les constructeurs américains faire faillite. La Maison Blanche a rappelé que l'économie était très affaiblie et que le pays ne pouvait pas se permettre de voir un constructeur faire faillite. GM et Chrysler se sont dits extrêmement déçus de la décision du Sénat. "Nous allons évaluer toutes les options pour travailler à notre restructuration", a déclaré GM dans un communiqué. Malgré leurs efforts, les démocrates n'ont pas réussi à convaincre les plus farouches opposants des républicains. "Nous n'avons pas été en mesure de franchir la ligne d'arrivée. Nous pourrions passer toute la nuit, samedi et dimanche, nous n'arriverions toujours pas à franchir la ligne d'arrivée", a déclaré Harry Reid, le chef de la majorité démocrate. M.Reid propose désormais d'utiliser une partie des 700milliards de dollars votés en octobre pour sauver les banques. Mais Henry Paulson, le secrétaire au Trésor, a toujours refusé cette possibilité. De nombreux républicains, mais aussi des économistes estiment que la meilleure solution consiste désormais à étudier une faillite permettant aux constructeurs de se restructurer rapidement. Depuis le début des tractations entre politiques et constructeurs automobiles, certains républicains, Richard Selby, sénateur de l'Alabama, ou encore Jon Kyl, sénateur d'Arizona, ne se sont pas privés de dire que cet argent serait gaspillé. Ils veulent que les "Big Three" (GM, Ford et Chrysler) alignent le coût de leur main d'oeuvre sur celui des constructeurs étrangers, notamment japonais, installés aux Etats-Unis. Les ouvriers des groupes américains gagnent deux ou trois fois plus que ceux de Toyota, Honda ou encore Nissan. Ils bénéficient aussi d'un système d'assurance santé et de retraites très généreux. A plusieurs reprises, le président du syndicat des ouvriers de l'automobile UAW, Ron Gettelfinger, a répété au Congrès que les salariés et retraités du secteur étaient "prêts à de nouveaux sacrifices". Mais jusqu'où ? Certes, une mise sous la protection des faillites permettrait à GM et à Chrysler d'obtenir un répit sur le plan financier. En effet, celle-ci suspend temporairement les remboursements aux créanciers et les poursuites éventuelles. Durant cette période, l'entreprise poursuit ses activités. En contrepartie, elle se soumet au contrôle d'un comité réunissant ses créanciers sous la houlette de l'Etat. Delta Airlines est resté sous Chapter 11 de septembre 2005 à avril 2007. L'équipementier Delphi est toujours sous ce régime depuis octobre 2005. Les démocrates et les constructeurs continuent de rejeter l'idée d'une faillite, estimant que cela mènera à liquidation pure et simple. Ils craignent que les consommateurs n'achètent plus un véhicule d'une marque dont le groupe est menacé de faillite. Rick Wagoner, le patron de GM, en est persuadé. Selon lui, les automobilistes s'inquiéteront du prix de revente du véhicule. "Pour certains politiques, c'est plus un problème de produit qu'un problème de statut", indique Xavier Mosquet, du Boston Consulting Group. En attendant, GM se prépare à se placer sous la protection des faillites. Il a confirmé, jeudi, avoir embauché des conseillers juridiques et des banquiers. Dans une interview accordée à l'agence AP, Tom LaSorda, vice-président de Chrysler, et Ron Kolka, directeur financier, ont déclaré que les liquidités du groupe tomberont à 2,5milliards de dollars, le minimum requis pour payer les salaires, les fournisseurs et faire tourner les usines. Les dirigeants voient avec inquiétude arriver le mois de janvier, l'un des mois les plus difficiles pour les ventes. "Nous devons payer nos fournisseurs 7milliards de dollars tous les quarante-cinq jours. S'ils viennent nous demander d'être payés, ce sera juste impossible", explique M. Kolka. En attendant, les immatriculations continuent de chuter dangereusement.