Dans ce "Meilleur des mondes" (tout à fait différent de celui d'Aldous) les portables «hypo-allergéniques» nouvelles générations ne peuvent plus se voler : ils se portent sous la peau et ne marchent que dans le corps de leur propriétaire. Devant la télé, les jeunes sont, alors, copieusement informés sur certaines «joies» bien avant leur premier rapport, à l'âge de 16 ans et 8 mois. (les nôtres y sont instruits dans à un stade néo-natal). Du coup, certains se pendent à leur mobile, pour éviter tout contact tactile. Les poussettes pour enfants obèses sont équipées d'air-bags, en série, en cas de choc frontal, et de pare-soleil pour protéger leurs petits yeux si importants, pour admirer la qualité des emballages jetables, recyclables à 99,99 %, et inciter leurs géniteurs à acheter tout ce qui passe à leur portée. Les stades de foot sont entourés de vitres blindées, pour protéger les joueurs millionnaires des projections intempestives provenant de supporters excités (nos vaillants joueurs n'ont pas besoin de tous ces câlins). Les rares contestataires ont accès, gratuitement, à des espaces d'expression spécifiques, situés à des endroits stratégiques, dans des tunnels ou au bord d'autoroutes à haut débit. De plus, ils peuvent s'ébattre sans dangers dans des zones sécurisées, lors de leurs épisodiques manifestations festives ou à vocation insurrectionnelle. Les gendarmes, soutenus par un dense réseau de «personnes de confiance», quadrillent sans relâche le moindre recoin oublié de campagne en voie d'urbanisation. Après tout matraquage policier, des médecins viennent, gratuitement, constater l'état des blessures et délivrent, illico, un certificat d'admission à l'hôpital le plus proche, si besoin. Les entreprises licencient, toujours, leurs personnels par le truchement d'un courrier poli. Les frontières étatiques sont étanches et laissent, seulement, passer le nombre exact de travailleurs étrangers précaires, nécessaires à l'exécution des travaux dégradants et mal payés, indispensables pour l'augmentation des parts de marché dont sont gourmandes les «saines» entreprises créatrices d'emplois et de richesses. Loin de nous ce cauchemar. Heureusement que ça se passe ailleurs.