Carnage à Sidi Aïssa «Ce qui s'est passé est un drame», s'accordent à dire tous ceux que nous avons rencontrés, hier et avant-hier, dans la daïra de Sidi Aïssa (wilaya de M'Sila). Les traces de cette tragédie sont visibles sur les visages des habitants. De notre envoyé spécial à Sidi Aïssa, Mounir Abi Le degré de la violence vécue par cette daïra des heures durant est apparent à l'hôtel Ennaga ou ce qu'il en reste. Un édifice bien gardé par des policiers et des gendarmes qui empêchent tout accès à l'hôtel. «Impossible de prendre une photo de l'intérieur de cet hôtel. Allez d'abord voir à la sûreté de daïra», nous lancent des policiers en faction. «Ordre nous est donné par le procureur de quadriller les lieux et de ne laisser personne s'en approcher», nous informe-t-on à la sûreté de daïra. Que s'est-il passé ? Des témoignages indiquent que cette affaire remonte à une dizaine de jours lorsqu'une dispute où était impliqué un des fils du propriétaire de cet hôtel, Saâd Barriasse, résidant dans cette daïra, âgé de près de 50 ans. Le fils du propriétaire de cet hôtel a écrasé son adversaire avec une voiture. Celui-ci, transféré au CHU Mustapha Pacha à Alger, est décédé mardi dernier et enterré le lendemain (mercredi dernier) à Sidi Aïssa. Après l'enterrement, à l'heure de la prière d'el assr (vers 16h30mn), des milliers de personnes en colère se sont dirigées vers cet hôtel. Le propriétaire de cet hôtel a commencé à tirer sur la foule. Plusieurs personnes ont trouvé la mort avant qu'il ne soit tué à son tour, témoignent des habitants ayant assisté à cette tragédie. «2 000 personnes se sont dirigées vers cet hôtel à la fin de l'enterrement», selon une source policière locale. Le propriétaire de cet hôtel a tiré sur une première personne, l'atteignant au niveau du cœur. Il croyait que cela provoquerait la fuite de la foule. Les choses n'ont fait qu'empirer. D'autres coups ont été tirés, atteignant plusieurs autres personnes dont deux mortellement. D'autres sont été blessées par balle. A bout de munitions, il se serait caché dans une cave de cet hôtel. Il a été rejoint par de nombreuses personnes en colère et là, il a été tué à coups de pierre, ajoute cette source policière, selon laquelle «le visage de ce mort n'existait presque plus». Le propriétaire de cet hôtel, probablement pris de panique, aurait, selon une source, utilisé un fusil à pompe pour tirer contre la foule, ce qui a ajouté à la colère des milliers de personnes qui se sont dirigées vers cet hôtel. Ils ont lancé des pierres et des cocktails Molotov contre cet édifice, selon une source policière. Quatorze véhicules ont été incendiés au cours de cette tragédie, ajoute cette source, selon laquelle plusieurs de ces véhicules appartenaient à des clients, dont certains ont pu prendre la fuite. Ce n'était pas le cas pour tout le monde malheureusement, puisque, avons-nous appris hier sur place, un des clients de passage a été tué par balle. Son corps ainsi que les corps des autres victimes ont été transférés aux urgences médico-chirurgicales de Sidi Aïssa. «Certains jeunes s'en sont pris aux filles qui se trouvaient dans cet hôtel, l'une d'elles a eu un œil crevé et une autre a failli être brûlée vive», selon une source policière. Certaines ont été blessées et transférées vers l'hôpital de M'Sila, ajoute cette source qui lance que des barbus sont intervenus pour demander qu'elles ne soient pas tuées. Des renforts de police arrivaient sur les lieux, «mais les policiers n'étaient pas intervenus rapidement. Ils assistaient sans entrer en action. On ne sait pas pourquoi», s'interrogent des habitants de Sidi Aïssa. Certains concluent que cette absence de «rapidité dans l'intervention devait éviter un face-à-face entre la population et les forces de l'ordre». «Ce n'est que vers 22h30mn que des renforts anti-émeutes sont arrivés de M'Sila et ont tenté de disperser la foule. La violence ne s'est arrêtée que vers 23h», ajoutent-ils. Des pillages auraient été pratiqués au cours de cette tragédie. «Des climatiseurs et autres matériels ont été saccagés et d'autres volés», selon des citoyens. Aux urgences médico-chirirgucales de Sidi Aïssa, la mobilisation est grande. Certains parmi le personnel médical et paramédical, en congé, ont réintégré leurs postes. Les corps des morts ont été transférés, ainsi que les blessés. «Il y avait des personnes blessées par balle. Des filles se trouvaient dans cet hôtel. Nous avons évacué plus d'une vingtaine de ces blessés vers plusieurs autres hôpitaux, dont 7 vers Sour El Ghozlane, d'autres vers Lakhdaria, vers Aïn Bessem et vers Kouba. L'un des blessés par balle est décédé à Hachimia au cours de son transfert», témoigne-t-on dans ces urgences. Le bilan de la tragédie de mercredi dernier est de quatre morts et une soixantaine de blessés. Un des blessés par balle, évacué vers Alger, se trouvait dans un état comateux mais aux dernières nouvelles, il est sorti du coma, selon des témoins. Il y avait foule devant les urgences. Les policiers quadrillaient les lieux pour protéger les filles qui y ont été évacuées pour soins. «Ces filles ont été volontairement évacuées par petits groupes dans des lieux différents pour les protéger contre d'éventuelles agressions. Aucune de ces filles ne présentait des blessures graves. Plusieurs parmi elles souffraient d'un choc psychologique à cause de ce qui venait de se passer. Elles avaient très peur», apprenons-nous dans ces urgences. L'un des fils du propriétaire de cet hôtel serait en fuite. L'hypothèse qu'il aurait quitté le territoire national n'est pas écartée, selon une source policière. La proximité de cet hôtel avec un bar et une boite de nuit ne serait pas étrangère à ce qui s'est passé, selon plusieurs de ces habitants. «Les citoyens étaient gênés par l'existence d'un bar et d'une boite de nuit en milieu urbain. Certains avaient trouvé dans ce qui c'était passé une raison supplémentaire pour en finir avec cette situation» ajoutent-ils. M. A. Le procureur général de la cour de M'sila a ordonné jeudi l'ouverture d'une enquête et l'arrestation de toutes les personnes impliquées dans les évènements survenus mercredi à Sidi Aïssa (M'sila) qui ont fait 4 morts et une soixantaine de blessés, dont 15 dans un état grave, selon un communiqué dont une copie est parvenue à l'APS ; les incidents ont éclaté suite au décès d'un citoyen qui a succombé à ses blessures au CHU Mustapha Pacha (Alger) après une dispute le 19 juillet dernier avec les gardiens de l'hôtel Ennaqa – situé à l'entrée de la ville – et le fils du propriétaire. «Les faits, précise la même source, ont fait l'objet d'une enquête préliminaire diligentée par les services de la police judiciaire conformément aux instructions du parquet». Le communiqué explique qu'au «retour des funérailles du citoyen décédé, la foule ayant assisté à l'enterrement s'est dirigée, à l'instigation de certains meneurs, vers l'hôtel pour procéder à sa fermeture et venger la personne décédée». «En dépit de l'intervention des services de sécurité qui ont tenté de disperser le groupe d'individus qui a fermé la RN 8 à l'aide de barricades et de pneus incendiés, la situation s'est aggravée au point de devenir incontrôlable», précise encore la même source. «La foule déterminée à prendre d'assaut l'hôtel a été rejointe par un groupe de jeunes dont la progression a été stoppée par des coups de feu tirés de l'intérieur de l'hôtel en réaction à cette attaque» , ajoute la même source qui précise que «les incidents ont fait 4 morts par balle dont le propriétaire de l'hôtel décédé suite à son agression et une soixantaine de blessés parmi lesquels 52 l'ont été par balles de type «Sachem». «Le frère du propriétaire de l'hôtel et un gardien ainsi que des personnes suspectées d'avoir tiré de l'intérieur de l'hôtel ont été arrêtées et leurs armes saisies», poursuit le communiqué qui fait également état de l'arrestation d' «individus en possession d'objets volés de l'hôtel qui a été pillé et son personnel agressé». La direction du tourisme ferme les cabarets de M'Sila La direction du tourisme de la wilaya de M'Sila a adressé, il y a une dizaine de jours, une note aux hôtels se trouvant dans cette wilaya et disposant d'une boite de nuit, leur demandant à procéder à la fermeture de ces boites de nuit, apprenons-nous de source locale. Cette mesure coïncide, en termes de temps, avec la rixe ayant opposé un des fils du propriétaire de l'hôtel Ennaga à Saâd Berriasse. Une rixe qui malheureusement a tourné à la tragédie avec la mort de ce dernier, écrasé par une voiture conduite par le fils de ce propriétaire. Les deux faits peuvent être liés. Les autorités craindraient la répétition de telles tragédies et des incidents entre la population locale et les personnes fréquentant ces lieux. Les bars se trouvant dans certains de ces hôtels ferment à 21h ou 22h30mn. La vidéo du propriétaire de l'hôtel sur youtube Une video montrant le visage défiguré du propriétaire de l'hôtel Ennaga est diffusée sur youtube et a fait le tour de la wilaya de M'Sila. De jeunes internautes de cette wilaya se ruent sur ce site internet pour visualiser cette vidéo. Cet enregistrement vidéo aurait probablement été réalisé avec un portable.