Mondial féminin U17/Algérie-Nigéria (0-0): un parcours honorable pour les Vertes    Signature d'un mémorandum d'entente entre la cour constitutionnelle algérienne et son homologue turque à Istanbul    Conseil de sécurité: les A3+ appellent à une transition inclusive en Syrie    Judo/Championnats d'Afrique individuels: l'Algérie décroche sept médailles    Agressions sionistes: le PAM a "épuisé tous ses stocks alimentaires" à Ghaza    Décès du Pape François: Attaf signe le registre de condoléances au nom du Gouvernement algérien    63e anniversaire de la création de la Cour constitutionnelle turque: Belhadj salue les bonnes relations entre la Cour constitutionnelle algérienne et son homologue turque    CAF: Walid Sadi à Accra pour assister aux travaux du Comité exécutif    Secousse tellurique de 3,2 dans la wilaya d'Oran    Signature d'un mémorandum d'entente entre l'ENSUP-énergies renouvelables et la société chinoise LONGI en matière de recherche et de développement    Ghaza: le bilan de l'agression génocidaire sioniste s'alourdit à 51.439 martyrs et 117.416 blessés    Boudjemaa préside la cérémonie d'installation de la commission chargée de la révision du Code de procédure civile et administrative    Projection à Alger du film documentaire "La Saoura, un trésor naturel et culturel"    Averses orageuses, vendredi et samedi, sur plusieurs wilayas du pays    Abdelhamid Bourayou, un parcours au service du patrimoine amazigh    Rebiga préside la réunion de la Commission nationale de préparation des cérémonies commémoratives des journées et des fêtes nationales    Exposition à Alger en hommage au militant anticolonialiste yougoslave et ami de l'Algérie, Zdravko Pecar    Le président de la République achève sa visite à Béchar : des projets stratégiques reflétant la volonté de l'Etat de réaliser un développement intégré dans le Sud    Grande campagne de nettoyage durant ce week-end    Quand les abus menacent la paix mondiale !    La famine se propage..    «Les relations qui ont connu un développement notable doivent évoluer vers une nouvelle étape»    Ooredoo brille lors de la 2e journée de l'ICT Africa Summit 2025    Naissance d'un club sportif du nom du chahid Pr Djilali-Liabes    Des armes de guerre du Sahel et des drogues du Maroc saisies par l'ANP    Manuel de survie pour un régime en sursis    Guerre ouverte contre la violence !    «Ziani va nous rejoindre à la DTN»    Condoléances du président de la République à la famille de la défunte    Une vision prospective claire, selon les experts    L'arbitre de la rencontre USMK-PAC au box des accusés !    Les tombeaux royaux de Numidie proposés au classement ''dès l'année prochaine''    Convergences transcendentalement divergentes entre l'art et la religion    Un programme sportif suspendu    «Construire un front médiatique uni pour défendre l'Algérie»    Hamlaoui présente trois projets d'aide pour les femmes du mouvement associatif    La Fifa organise un séminaire à Alger    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



La m?canique raciste
Publié dans La Nouvelle République le 06 - 11 - 2008

À rebours des discours convenus de «l'antiracisme d'État», qui réduisent complaisamment l'oppression raciste à un réflexe naturel et compréhensible de «peur de l'autre», il souligne le caractère social et systémique du racisme français, et son enracinement dans notre culture : loin d'être naturel, le racisme est une production culturelle, et loin d'être une pathologie individuelle, qui ne concernerait que quelques extrémistes, il traverse toute la société, sous des formes plus ou moins distinguées, adaptées à tous les univers sociaux et à toutes les sensibilités politiques.
A l'heure où le passé colonial, le présent postcolonial et la question des «minorités visibles» font un retour violent dans le débat public, ce livre remonte à la racine du problème et en mesure tout l'enjeu : non pas «l'intégration», «le vivre-ensemble» et autres mascottes de l'antiracisme d'État, mais ni plus ni moins que l'égalité de traitement. Nous en publions, en exclusivité, l'introduction.
L'engagement dans différentes luttes politiques m'a, ces dernières années, amené à rencontrer et combattre le racisme sous diverses formes et à l'envisager sous des angles divers : comme concept, comme percept et comme affect. Le racisme est, en effet, une réalité complexe et multiforme, qui peut être appréhendée à la fois comme
- un corpus théorique, un édifice conceptuel, une conception du monde ;
- un rapport aux autres, une manière de percevoir l'autre, sa présence, son corps, sa parole ;
- un rapport à soi, un choix de vie, une manière d'être affecté et de vivre cette affection.
Le racisme comme concept
Envisagé sous l'angle de la logique, le racisme se caractérise par plusieurs opérations, dont la combinaison produit une conception du monde, une philosophie, une idéologie qui, à défaut d'être pertinente et estimable, possède une cohérence relative :
- la différenciation , c'est-à-dire la construction mentale d'une différence sur la base d'un critère choisi arbitrairement (la race, la culture, la religion, la couleur de peau…) ;
- la péjoration de cette différence (sa transformation en stigmate, c'est-à-dire en marqueur d'infamie ou d'infériorité) ;
- la focalisation sur ce critère et la réduction de l'individu à son stigmate (quiconque est – entre autres choses – noir, arabe, musulman ou juif, devient «un Noir», «un Arabe», «un musulman», « un juif », et chacun de ses faits et gestes trouve son explication dans cette identité unique) ;
- la naturalisation, l'essentialisation, l'amalgame, autrement dit : l'écrasement de toutes les différences d'époque, de lieu, de classe sociale ou de personnalité qui peuvent exister entre porteurs d'un mêmes stigmate («les Noirs», «les Arabes», «les musulmans» ou «les juifs» sont «tous les mêmes») ;
- la légitimation de l'inégalité de traitement par la moindre dignité des racisés (ils «méritent» d'être exclus ou violentés en tant qu'inaptes ou dangereux).
Pour résumer, le racisme est, sur le plan logique et idéologique, une conception particulière de l'égalité et la différence, une manière d'articuler ensemble ces deux concepts sur un mode particulier : celui de l'opposition radicale. Pour le dire plus simplement encore, le racisme est sur le plan conceptuel l'incapacité de penser ensemble l'égalité et la différence. C'est à cette incapacité – et à sa déconstruction – qu'est consacré le premier chapitre de ce livre.
Le racisme
comme percept
Mais le racisme n'est pas qu'une théorie. Comme toute idéologie, il s'insinue partout et se répercute directement dans la pratique en orientant, informant, construisant notre perception du monde extérieur. Il construit en particulier notre perception du corps de l'autre, ou plus précisément la différence entre notre perception des «autres ordinaires» – appréhendés, sans a-priori négatif, comme des êtres singuliers inconnus – et notre perception de «certains autres», «plus autres que les autres» : les racisés – appréhendés au contraire comme des exemplaires interchangeables d'une série déjà connue, et à ce titre identifiés a priori comme méprisables, redoutables ou repoussants. En même temps qu'une logique qui pose l'égalité et la différence comme antinomiques, le racisme est donc une esthétique, au sens où l'entend Jacques Rancière : une certaine manière de sentir – et de ne pas sentir. C'est à cette esthétique raciste qu'est consacré le second chapitre de ce livre, et à la manière dont elle «fait exister» les racisés comme des «corps d'exception» invisibles, infirmes, ou «furieux».
Le racisme comme affect
Enfin, le racisme n'est pas seulement une manière de penser l'altérité et une manière de sentir l'autre : c'est aussi une manière de se sentir et de se penser. En même temps qu'un rapport au monde et aux autres, c'est un certain rapport à soi. Sartre l'a souligné avec force dans son analyse de l'antisémitisme : adhérer au racisme, c'est non seulement adopter une certaine opinion sur les Noirs, les Arabes ou les juifs, mais aussi se choisir soi-même comme personne. S'il y a dans le racisme une part de choix individuel, elle réside moins dans le choix de la cible – construite et mise à disposition par la collectivité, en fonction d'enjeux socio-historiques, et simplement reçue en héritage par l'individu – que dans le choix préalable d'un certain mode de vie – et donc d'un certain personnage, d'un certain rôle pour soi-même. Le choix d'une «vie raciste», qu'on peut résumer par le mot privilège. Saisir la perche que nous tend une société, un État, une culture, une tradition racistes, choisir de mépriser, redouter ou détester les juifs, les Noirs ou les Arabes, c'est en effet choisir pour soi-même la position enviable du «Blanc», de l'«Aryen», du «vrai Français», bref :
- de celui qui, en infériorisant le groupe racisé, peut se vivre comme supérieur ;
- de celui qui, en l'accusant de tous les maux, peut du même coup s'en innocenter ;
- de celui qui, en choisissant l'aveuglement et les «raisonnements passionnels», échappe du même coup au doute, à l'incertitude, et à l'effort incessant vers le vrai ;
- de celui qui, en s'appuyant sur une discrimination systémique, accède plus facilement à des positions sociales dont sont exclus d'office les discriminés.
Pour le dire plus vite encore, le racisme est, sur le plan éthique, le choix d'adhérer à un certain rôle et de jouir d'une certaine position sociale : celle du dominant. C'est à cette question éthique qu'est consacré mon dernier chapitre. J'y aborde la question : «Que faire face au racisme ? » du seul point de vue qui m'est accessible : le mien – celui d'un Blanc qui occupe, dans les «rapports de race» tels qu'ils sont socialement construits dans notre république postcoloniale, la place du dominant.
Il manque donc un chapitre dans ce livre, que je ne suis par définition pas en mesure d'écrire : celui qui décrirait les multiples manières dont les concepts, percepts et affects racistes font système, alimentent une oppression, se manifestent sous forme d'actes – regards, paroles, discriminations – et sont de ce fait vécus, endurés, affrontés par celles et ceux qui les subissent. Ce chapitre, ce sont elles et eux – les racisé-e-s, les stigmatisé-e-s, les discriminé-e-s, les corps d'exception – qui l'écrivent, sous forme de livres, mais aussi de journaux, de tracts, de banderoles, de chants et de bien d'autres canaux d'expression.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.