Christophe Colomb prépare rapidement une nouvelle expédition beaucoup plus ambitieuse avec une flotte de 17 navires et environ 1 500 hommes dont 700 colons et 12 missionnaires ainsi que des chevaux, des bêtes de somme et du bétail. Son objectif est de fonder une colonie sur Hispaniola et de retrouver les 39 hommes de la Santa Maria qu'il a dû laisser. Il lève l'ancre pour ce nouveau voyage le 25 septembre 1493 de Cadix. La première terre qu'il aperçoit, 21 jours après avoir quitté les Canaries est La Désirade qu'il baptise ainsi Desirada, tant la vue d'une terre fut désirée par l'équipage. Les autres îles ne sont pas loin. Le dimanche 3 novembre 1493, une autre île est en vue, que Colomb nomme Maria Galanda (Marie-Galante), du nom du navire amiral. Une troisième se présente à l'horizon, ce sera Dominica (la Dominique) puisqu'elle apparaît un dimanche matin, où il débarquera. Le lendemain matin, 4 novembre, ils reprennent la mer vers une île plus grande dont ils avaient aperçu au loin les montagnes. Colomb décide alors de jeter l'ancre devant cette île afin d'accorder quelques jours de repos à ses hommes. C'est l'île de Caloucaera «Karukera» (nom donné par les Caraïbes) et qui fut rebaptisée «Santa Maria de Guadalupe de Estremadura» (c'est la Basse-Terre de la Guadeloupe), pour honorer une promesse (donner le nom de leur monastère à une île) faite à des religieux lors d'un pèlerinage, ou qu'il s'était faite à lui-même lors des tempêtes de son précédent retour. Puis, il repart vers le nord en direction d'Hispaniola. Il aperçoit ensuite une petite île qu'il baptise Montserrat, du nom du massif de Montserrat, une montagne voisine de Barcelone où se trouvent un sanctuaire et un monastère bénédictin en l'honneur de la Virgen de Montserrat. Le 11 novembre 1493, jour de la fête de saint Martin de Tours, la flotte aperçoit une île au large et la baptise du même nom : Saint-Martin, et aperçoit à l'horizon une autre petite île qu'il baptise du nom de son frère Bartolomeo, Saint-Barthélemy. Le 2 janvier 1494, il fonde Isabela et passe les quatre mois suivants à organiser la première colonie espagnole du Nouveau Monde. Le 2 février, il renvoie en Espagne douze bâtiments sous le commandement d'Antonio de Torres, à qui il confie un rapport destiné aux souverains catholiques, document qui a été conservé. Le 24 avril, Colomb décide de reprendre une activité d'exploration et il part avec trois navires, dont la Nina, explorer l'ouest pour, comme l'écrit Morison, «suivre la côté jusqu'au moment où il obtiendrait la preuve définitive du caractère continental de cette terre et, si possible, prendre contact avec le Grand Khan qui semblait toujours se dérober devant lui». Il suit la côté sud de Cuba. De là il part le 3 mai pour atteindre la côté nord de la Jamaïque. Il reprend, le 14 mai, l'exploration de la côté sud de Cuba et continue de faire voile vers l'ouest. À moins de cinquante milles du cap Corrientes, Colomb décide que Cuba est bien une péninsule du continent asiatique. Il ordonne à tous les hommes qui l'accompagnent de le certifier par écrit et de s'engager à ne jamais affirmer le contraire sous peine d'une amende de mille maravédis. Le 13 juin il s'engage sur la route du retour et en profite pour faire le tour de la Jamaïque. La navigation dans les cayes est difficile. Il revient à Isabela le 29 septembre malade et déprimé, premiers signes d'un dégradation de son état de santé, due en grande partie à l'arthrite. A Hispaniola, selon l'expression de Denis Crouzet, «un immense désastre a débuté». Les Espagnols pressurent les Indiens en leur imposant un tribut d'or et de coton. Ils sont nombreux à être réduits en esclavage. Les mauvais traitements, dont la torture, entraînent une très importante mortalité de la population. Les Indiens fuient et se réfugient dans les montagnes, abandonnant leurs activités agricoles, cédant au désespoir. Les rares insurrections sont matées avec la plus extrême férocité. Colomb déploie son énergie à «pacifier» l'île. Colomb repart pour l'Espagne en mars 1496. Il atteint Cladix le 11 juin. Troisième voyage (1498-1500) Il semble que ce soit à son retour du 2e voyage que Colomb ait décidé de se vêtir désormais de l'habit des frères Mineurs. Il souhaite organiser tout de suite un troisième voyage mais les Rois Catholiques sont occupés à contrer le royaume de France qui progresse en Italie, et ce n'est que le 23 avril 1497 qu'ils donnent les premières instructions pour préparer le prochain voyage. La préparation du voyage, affrètement des navires et enrôlement des épuipages est longue et difficile. Avant de partir, le 22 février 1498, Colomb établit, faveur des souverains, un majorat en faveur de son fils aîné Diego. Le 30 mai 1498, les six navires commencent leur voyage dans l'Atlantique en passant la barre de Sanlúcar. Colomb souhaite découvrir des terres au sud des Antilles, c'est pourquoi il descend d'abord jusqu'aux îles du Cap-Vert pour ensuite mettre le cap à l'ouest. Avant cela, au moment où la flotte fait escale à La Gomera aux Canaries, trois navires, commandés par Harana, Carjaval et Giovanni Colomb, partent directement ravitailler les colons d'Hispaniola. Territoires visités : Saint-Vincent, Grenade, Trinité, Margarita, Venezuela Le 31 août, Colomb arrive à Hispaniola. Cela fait deux ans et neuf mois qu'il avait quitté l'île. Il la retrouve en proie à des troubles sévères orchestrés par Francisco Roldan que son frère Bartolomè, capitaine général et président du Conseil des gouverneurs, a bien du mal à circonscrire. En août 1500, Francisco de Bobadilla, émissaire des rois, débarque sur l'île et fait jeter les trois frères Colomb au cachot avant de les renvoyer en Espagne. Fin octobre 1500, il débarque à Cadix humilié et accusé43. Quatrième voyage (1502-1504) Colomb attend six semaines avant que les souverains ne le libèrent et lui demandent de les rejoindre à la cour, le réconfortant d'un don de 2 000 ducats. En décembre 1500, il se rend à Grenade avec l'intention de faire réparer l'injustice dont il s'estime victime mais rien ne vient et l'amiral écrit lettres sur lettres pour appuyer ses revendications. Le 13 septembre 1501, Nicolás de Ovando est nommé gouverneur et magistrat suprême des îles des Indes, ne restent à Colomb que son titre de vice-roi désormais strictement honorifique et ses privilèges. Il décide, donc, de repartir en voyage d'exploration pour essayer de trouver plus loin à l'ouest des Caraïbes le passage permettant d'atteindre les riches royaumes de l'Inde, toujours persuadé que Cuba est la province chinoise de Mangi. Le 14 mars 1502, les souverains donnent leur accord, lui donnent des instructions précises et financent l'expédition. La flotte est composée de quatre caravelles pour cent quarante membres d'équipage dont une importante proportion de mousses : la Capitana, navire amiral, le Santiago, commandé par Bartolomeo Colomb, la Gallega et la Vizcaina. Colomb n'emporte donc aucun ravitaillement pour l'Hispaniola que ses instructions lui intiment de ne pas aborder, sauf en cas d'extrême nécessité. Aucun récit exhaustif ne décrit précisément les événements survenus lors de ce quatrième et dernier voyage entamé par Colomb le 11 mai 1502. Il semble en effet que l'Amiral n'ait pas tenu de journal, et seul peut-être son fils Fernando, alors âgé de treize ans, aurait pris sous la dictée des observations de son père, dont quelques traces figurent dans l'histoire qu'il a écrite plus tard. Seule une relation abrégée écrite par Colomb, rédigée vers les mois de juin/juillet 1503, et à destination des rois est parvenue jusqu'à nous. Le 15 juin 1502, il passe à proximité de la Martinique, le 18 il atteint la Dominique et parvient le 24 devant Saint-Domingue. Malgré l'interdiction royale d'aborder à cette île, Colomb a senti l'imminence d'un cyclone et souhaite abriter sa flotte. Colomb navigue le long des côtes du Veragua et du Panamá jusqu'en juin 1503. Ce sont des bâteaux faisant eau de partout que Colomb fait échouer dans la baie de Santa Gloria et hâler sur la rive sur l'île de la Jamaïque le 25 juin 1503. Ils y survivent un an jusqu'à ce que des secours les rejoignent à la fin juin 1504. Les survivants repartent finalement pour l'Espagne le 12 septembre 1504, et arrivent le 7 novembre dans le port de Sanlúcar de Barrameda. La fin de sa vie Il reste physiquement très diminué après son retour, souffrant en particulier d'une très invalidante goutte, ce qui l'empêche dans un premier temps de se rendre à la cour royale qui s'est installée à Medina del Campo. De Séville, où il s'est installé, il y envoie son fils Ferdinand et son frère Barthélémy afin qu'ils «s'occupent de ses affaires». Il reste en contact avec eux par lettres et par l'envoi d'émissaires, dont Amerigo Vespucci. Il travaille à essayer de faire reconnaître ses droits et les richesses qui lui reviennent. Il peut lui-même se rendre à la cour à l'été 1505, à dos de mule, permission temporaire accordé par le roi. Sa présence auprès du souverain Ferdinand ne se montre pas plus décisive, le roi ayant compris ce qu'impliquait la découverte de ces «Indes». Il «n'entend nullement restituer à l'Amiral les prérogatives financières et gouvernementales» telles que spécifiées le 30 avril 1493 au retour du premier voyage de Colomb. Il meurt, le 20 mai 1506, à Valladolid, entouré de ses fils et de son frère après avoir établi un testament qui confirme en particulier le majorat établi au profit de son fils aîné Diego. Il ne connaît pas la satisfaction de voir Diego être nommé par le roi gouverneur d'Hispaniola en 1508. Sa dépouille est transférée en 1541 dans la cathédrale de Saint-Domingue. Comme l'écrit Marianne Mahn-Lot : «Il faut abandonner l'image romantique de l'homme de génie mourant méconnu, dans l'oubli et la misère. Jusqu'au bout, l'Amiral gardera des amis fidèles, parmi lesquels d'importants personnages. Et il recevra de grosses sommes sur les revenus des Indes – avec des retards et incomplètement, il est vrai.» Christophe Colomb en son temps - Colonisation, évangélisation et esclavage Colomb est à l'origine du principe juridique de l'encomienda puis du repartimiento qui devaient se généraliser dans toute la Nouvelle-Espagne. Afin de satisfaire aux exigences royales de rentabilité de son expédition, Colomb mit au point, «sans disposer d'un cadre juridique véritablement préétabli», un système qui devait permettre de substituer au versement du tribut imposé aux Indiens, dont le versement était aléatoire, une exploitation directe des populations indigènes et des ressources locales. Denis Crouzet précise que si les «violences internes à la communauté des colons» s'en trouvèrent apaisées, les Indiens, quant à eux, furent plus directement exposés aux mauvais traitements et cela fut sans nul doute un «facteur d'aggravation du collapsus démographique» observé dans l'île. De l'or, des épices et des perles L'entreprise maritime de Colomb est avant tout une affaire commerciale et en la matière les découvertes de l'Amiral et de ceux qui l'accompagnaient ont déçu les espoirs placés en elles. Que ce soit en matière d'épices ou d'or, les bénéfices rapides et importants n'ont pas été au rendez-vous des îles abordées, au moins du vivant de Colomb. Colomb et la navigation Les historiens de Colomb, en particulier au XIXe siècle, ont souvent tenté d'expliquer le succès de son entreprise maritime par l'emploi de techniques nouvelles en matière de navigation, évoquant entre autres la boussole, le gouvernail d'étambot et la caravelle. Si Colomb a choisi la caravelle comme navire – type de navire déjà utilisé par les Portugais depuis le début du XVe siècle dans leurs explorations de la côté africaine – c'est en raison de son coût, relativement faible, d'armement et de son faible tirant d'eau qui permet d'approcher des côtes sans risquer d'échouer. Colomb et la «découverte de l'Amérique» Amerigo Vespucci est le premier navigateur à affirmer avoir découvert un nouveau monde qui n'est pas les Indes. Sa découverte est reconnue par les cartographes du Gymnase Vosgien, qui publient, en 1507, Universalis Cosmographia (aujourd'hui connu sous le nom de Planisphère de Waldseemüller), où le nom America figure pour la première fois. (Suite et fin)