Monstre de précocité, d‘inventivité et de productivité, ce génial compositeur, qui esquisse ses premières mélodies à 3 ans, nous laisse en héritage pas moins de 700 œuvres - concertos, symphonies, opéras, messes - qui dévoilent chacune à leur façon les qualités, les humeurs, les joies ou les défauts de l'homme qui se cachent derrière le musicien. Un monstre, Johannes Chrysostomus Wolfgang Gottlieb - qui ne deviendra Wolfgang Amadeus Mozart qu'à partir du XIXe siècle - l'est dès son enfance, lorsqu'il est exhibé devant les cours des plus grands royaumes d'Europe par son père, Léopold Mozart, lors de tournées harassantes. D'exhibition en exhibition, il a néanmoins pu rencontrer un public, de grands compositeurs et surtout... des créanciers - parmi lesquels le prince-archevêque Colloredo qui le chassera de son palais en lui bottant la partie du corps dont les émanations étaient le sujet de plaisanterie favori du jeune compositeur. Monstre subissant l'arrogance des plus grands - princes et compositeurs - ses œuvres n'ont pas toujours été reconnues à leur juste valeur, mais n'oublions pas que Mozart a parfois brassé d'importantes sommes d'argent et que sa musique a été fort appréciée en son temps. L'enfant prodige a acquis très vite le sens de la poésie musicale, et ses compositions rendent compte à la fois d'une spontanéité désarmante et d'une extrême sophistication. Cette excellence, ce génie indéniable est d'ailleurs universellement reconnu comme en atteste Joseph Haydn, s'adressant au père du jeune prodige : «Je vous le dis devant Dieu, en honnête homme, votre fils est le plus grand compositeur que je connaisse (...). Il a du goût, et en outre la plus grande science de la composition.» O comme opéra, son genre de prédilection Si les œuvres de Mozart sont diverses, c'est qu'elles répondent pour beaucoup à des commandes, qui s'inscrivent dans une époque où le violon et le piano - commençant tout juste à détrôner le clavecin - sont au centre de l'attention musicale. Mais c'est l'opéra qui offrira à cet artiste la plus belle occasion d'exprimer toute la grandeur et la maturité de son talent. Genre à la fois lyrique et symphonique, l'opéra connaît une grave crise identitaire au XVIIIe siècle. Pourtant, d'Idoménée en 1781, à la Flûte enchantée dix ans plus tard, Mozart s'affirme comme un maître incontesté dans cette science de la polyphonie vocale. Sans doute, en lui consacrant son génie, participe-t-il à la réhabilitation de cette forme musicale. Il s'y fait l'explorateur des profondeurs de l'âme humaine, jonglant entre bouffonneries et chants majestueux, ce qui lui permet de donner une dimension à la fois populaire et princière à ce genre théâtro-symphonique, si particulier. L'Enlèvement au Sérail est le premier opéra qui lui offre la reconnaissance de son vivant, mais c'est avec les Noces de Figaro que Mozart trouve le genre théâtral qui lui convient le mieux : l'opéra bouffe. Suivront Don Giovanni, en 1787, - pour beaucoup, son plus grand opéra - ou Così fan tutte, en 1790, comédie d'apparence légère, mais qui recèle en réalité une profonde gravité. Un de ses thèmes favoris, le pardon, est une vertu très chère à l'homme et au compositeur. Il la développera en particulier dans la très pompeuse Clémence de Titus. Z comme die Zauberflöte (La Flûte enchantée), ou der Zauberer (l‘enchanteur) La Flûte enchantée, en 1791, est l'ultime opéra du maître. L'histoire, inspirée d'un roman français, et qui regorge d'allusions maçonniques, a été écrite par Schikaneder. Ce dernier, frère de loge de Mozart, lui donne là une formidable occasion de revenir sur le devant de la scène au moment où Vienne lui tourne le dos ; Schikaneder est aussi l'acteur complice, capable de lui lancer un «Ta gueule !» en pleine représentation, lorsque le génial compositeur, qui joue la partie de clochettes, s'attarde un peu sur ce tintement délicat si caractéristique de la Flûte enchantée. Mais enchanté, ou plutôt enchanteur, c'est l'auteur de cet opéra qui l'est. En effet, rares sont ceux qui ont su mettre autant de magie dans la musique et réaliser une telle alchimie des notes. Mozart sait sonder les âmes et faire rejaillir à travers la musique des émotions intimes. Aujourd'hui encore, il enchante, car sa musique capturant le temps, a rendu éternelles ses compositions qui n'en finissent pas de troubler nos coeurs. A comme amoureux dans la vie et dans la musique Le jeune Mozart a fait la connaissance des sœurs Weber à 21 ans. Après s'être follement épris de l'aînée, Aloysia, il épouse en 1782 Constance, contre la volonté de son propre père, qui condamne ce mariage d'amour. Sa vie de couple, bien que courte, est emplie de joie de vivre, et empreinte de passion, malgré les revers financiers et les continuelles recherches de protecteur menées par le compositeur. La troisième sœur Weber, Josefa, est devenue sa muse, et sa correspondance nous révèle qu'il a composé certaines de ses plus belles pages à son intention ; enfin, Sophie, la cadette, est restée jusqu'en 1791 la confidente du couple. Mais amoureux, Mozart l'était avant tout de la musique. A la fin de sa vie, il découvre Jean-Sébastien Bach grâce au baron van Switten. Les Chorals de ce compositeur, mort en 1750, constituent l'une des formes les plus épurées de la musique classique, et ont fortement marqué le jeune Wolfgang. Par ailleurs, c'est en parlant de la Préface grégorienne de la Messe que le compositeur prodige aurait dit : «Je donnerais volontiers toutes mes œuvres pour être l'auteur de la Préface de la messe.» R comme Requiem Jamais aucune œuvre musicale n'a suscité autant de polémiques et d'interprétations. Sa rédaction ainsi que les circonstances de fin de règne dans lesquelles elle a été composée participent de la légende qui entoure cette messe des morts. Ce qui est vrai, c'est qu'à partir de 1782, Mozart passe par des crises successives qui deviendront de plus en plus graves. Il est hanté par l'idée de la mort, surtout après celle de son père. En 1791, il reçoit la commande d'un requiem, par un client mystérieux, qui le presse de réaliser ce qui sera le dernier ouvrage du maître. Sentant sa mort arriver, le compositeur est persuadé qu'il rédige là son propre acte de décès. En effet, il meurt le 5 décembre 1791, laissant derrière lui une messe des morts inachevée, véritable testament musical pour nombre de ses admirateurs. L'énigme du Requiem reste entière dans la mesure où seuls les deux premiers mouvements - le Requiem et le Kyrie - sont entièrement de la main de Mozart ; son élève Süssmayer a complété la fin de l'œuvre à partir des notes de l'auteur. On ne peut dire précisément quelles ont été respectivement les contributions du maître et de l'élève, mais il est frappant de remarquer que c'est en composant le poignant Lacrymosa que Mozart a rendu son dernier souffle, à la fin de la huitième mesure, après ces mots : «judicandus homo reus», en français «cet homme coupable que vous allez juger»… T comme Tout Mozart… aujourd'hui… et demain 250 ans après sa naissance, Mozart reste plus que jamais une figure emblématique de la musique du XVIIIe siècle. A peine vient-on de célébrer le bicentenaire de sa mort, qu'il est à nouveau mis à l'honneur pour le 250e anniversaire de sa naissance. Icône vénérée, dont les oeuvres doivent être réservées aux seuls initiés ? Ou compositeur classique - au sens d'incontournable - comme le suggèrent les éditions Brillants qui proposent l'intégrale Tout Mozart en 170 CD pour 99 euros ? A vous de juger. Le grand Wolfgang est célébré par tout type de support culturel. Vous pouvez redécouvrir sa vie avec la pièce de théâtre Amadeus, ou avec le film du même nom. Des concerts portes ouvertes sont organisés à la maison de Radio France. Le Bas-Rhin propose 50 événements tout au long de 2006, qui célébreront le grand compositeur dans le cadre des «Voies de Mozart». En Autriche aussi, où il est né, il sera mis à l'honneur avec de nombreuses représentations, expositions, etc. Cette année de commémorations nous donne l'occasion de lire beaucoup - peut-être trop - de choses passionnantes sur le prodige, le musicien, le franc-maçon… mais il arrive un moment où il faut se taire, et écouter… On rapporte que, quand on demanda à Mozart ce qui était le plus important dans sa musique, il répondit «les silences». Alors, laissons là les biographes et commentateurs en tous genres et écoutons ces silences si chers à Mozart, entrecoupés de «notes qui s'aiment»… car ses œuvres ont sans doute autant à nous apprendre que sa biographie.