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Face ? la crise, pourquoi l??conomie alg?rienne ne b?n?ficie-t-elle pas de la baisse des prix au niveau mondial ?
Interview du docteur Abderrahmane Mebtoul par la t?l?vision Al Djazeera
Publié dans La Nouvelle République le 03 - 01 - 2009

Al Djazeera : l'économie algérienne est–elle touchée par la crise mondiale ?
Abderrahmane Mebtoul : Evidemment, la crise touche l'Algérie, qui n'est pas une île déserte. La valeur globale des hydrocarbures représente plus de 50% du produit intérieur brut et indirectement, par ricochet, tirant le bâtiment travaux publics et les autres secteurs, puisque 90% des dépenses publiques proviennent des hydrocarbures, dont les exportations algériennes représentent plus de 98% qui sont libellés en dollars, le prix du gaz étant lui même indexé sur celui du pétrole, avec un prix de cession inférieur d'environ de 50%.
Avec des réserves de change d'environ 138 milliards de dollars, si l'on maintient le rythme des dépenses au même niveau que celles de 2008, (environ 60/65 milliards de dollars de dépenses annuelles), les nouvelles dispositions gouvernementales obligeant l'Etat à être majoritaire dans tout projet, soit l'intégralité de l'investissement, soit au minimum 51%, des tensions budgétaires devraient se manifester en juin 2011 pour un cours entre 50/55 dollars. Les recettes de Sonatrach, pour un cours de 50 dollars, seront d' environ 35 milliards de dollars moins son autofinancement (ne pas confondre la loi sur la Monnaie et le crédit qui oblige toute entreprise à transiter, pour le versement de ses recettes en devises, par la Banque centrale d'Algérie, et l'autofinancement de Sonatrach la nouvelle loi l'obligeant à être majoritaire, même dans des projets peu rentables, comme les canalisations) évalué entre 15/20 milliards de dollars, les recettes restant à verser au Trésor entre 15 et 20 milliards de dollars . Les tensions devraient se manifester fin 2010, avec un cours de 40 dollars, donnant moins de 30 milliards de dollars de recettes de Sonatrach. La situation serait plus dramatique s'il y a, corrélativement, baisse du cours du pétrole entre 30/35 dollars et baisse du cours du dollar, ce qui est prévisible, courant 2009, avec les taux d'intérêts directeurs de la FED approchant zéro, et l'important déficit budgétaire américain, le dollar représentant, environ, 60% des transactions mondiales. Pour un cours de l'euro 1,40, et tenant compte de l'inflation mondiale, le cours du baril à 30 dollars en janvier 2009 équivaut à un cours entre 15/18 dollars de l'année 2000, avec des répercussions sur la valeur de nos importations (plus de 50% libellés en euros)et la valeur de nos réserves de change libellées en dollars. Cela impliquera, à l'avenir, une meilleure gestion et une révision des choix budgétaires certainement pour 2010, et au-delà, 2009 ne devant pas poser de problèmes, car la crise actuelle n'est pas conjoncturelle mais structurelle. L'année 2009 sera pire que le dernier trimestre 2008 : l'Asie est rentrée en récession avec la Chine ,le Japon, l'Inde, fin 2008, et la Corée du Sud pour 2009. D'ailleurs, le Premier ministre, Ahmed OUYAHIA, devant les deux chambres, fin décembre 2008, a parlé d'un programme de relance 2009/2014 entre 100 et 150millairs de dollars, et la différence est énorme, qu'on nous dise (il faut être précis) si c'est 100, ou 150, (50% de différence) ce qui représente, pour 100 milliards de dollars, 50%du programme de 2004/2009 qui sera clôturé à un montant supérieur à 200 milliards de dollars, alors qu'il était programmé, au départ, à 140 milliards de dollars, avec des résultats mitigés, comme en témoigne le faible taux de croissance 2007/2008.
Pourquoi baisse des prix au niveau mondial ?
La stagflation signifie hausse des prix, hausse du chômage et chute de la production, c'est ce qui s'est passé avec la crise de 1929 ; la déflation signifie baisse des prix hausse du chômage et chute de la production, c'est ce à quoi on a assisté le dernier trimestre 2008. Cette déflation est dramatique, car signifiant baisse de la demande, qui se répercute sur les capacités productives et, donc, sur la croissance future.
Or, que se passe t-il face à ce phénomène, qui devrait entraîner une baisse des prix tant des équipements, des consommations intermédiaires (pour l'outil de production ) que des produits finis, en Algérie, des produits importés.
Le dollar, qui était coté officiellement d'environ 60/63 dinars, est passé depuis, le 15 décembre 2008, à 70/73 dinars, et l'euro, qui était coté à 80 dinars, est passé au dessus de la barre de 100 dinars, le marché parallèle ayant répercuté cette dévaluation.
La baisse des prix au niveau mondial ayant été d'environ 20/25% (beaucoup plus pour certains produits), la Banque centrale d'Algérie a manipulé le taux de change, certainement, pour éviter l'accroissement des importations : cependant, nous assisterons, si l'on maintient le rythme de 2008 (38 milliards de dollars) à la même valeur, mais à une diminution en volume physique, ce qui signifierait du fait que la production locale est faible à l'arrêt de certains chantiers programmés. Ainsi, l'impact de la dévaluation du dinar par rapport à l'euro, et au dollar, d'environ 20% du dinar, explique qu'il ne peut y avoir de répercussion positive de la baisse des prix en Europe/USA. Plus le prix final sera amplifié par les taxes douanières appliquées à la valeur entrée marchandises en dinars, plus les marges bénéficiaires des grossistes et détaillants. Cette dévaluation pourrait s'expliquer pour l'euro, mais il y a un paradoxe pour le dollar, qui connaît une chute par rapport à l'euro, ce qui, d'ailleurs, accroît, paradoxalement et artificiellement, les recettes de Sonatrach, reconversion du dollar en dinars, car la fiscalité pétrolière est reconvertie sur le marché intérieur en dinars, diminuant ainsi, artificiellement, le déficit budgétaire, voilant ainsi la mauvaise gestion .
Cette dévaluation peut–elle avoir un impact sur les exportations hors hydrocarbures?
Depuis fin 1995, et à ce jour (après l'ajustement structurel du rééchelonnement de 1994), le dinar continue sa dévaluation. Si dans une économie de marché concurrentielle, structurée, la dévaluation doit, en principe, dynamiser les exportations, force est de reconnaître qu'en Algérie, qui souffre non pas d'oisiveté des facteurs de production, mais de blocage structurel (qui implique l'approfondissement de la réforme globale en panne n'étant, depuis 1986, ni dans une économie de marché ni dans une économie administrée, - interminable transition du fait de rapports de forces contradictoires qui se neutralisent, au sommet de l'Etat, expliquant l'incohérence des politiques socio-économiques) les exportations hors hydrocarbures représentent, à peine, 2% du total, et sur ces 2%, 50% proviennent des déchets ferreux et semi- ferreux. Donc, la dévaluation, dans un pays déstructuré, comme l'Algérie, où domine la sphère informelle marchande, qui représente plus de 40% de la masse monétaire en circulation, faute d'entreprises compétitivesconcurrentielles dans le cadre des valeurs internationales, n'a pas les mêmes impacts que dans les pays développés, où la politique keynésienne de relance de la demande globale (consommation plus investissement), à travers des déficits budgétaires ciblés, peut relancer la croissance et les exportations. D'où, d'ailleurs, la non pertinence, en cette période de crise, de parler de stratégie industrielle au moment où nous assistons à de nouvelles mutations technologiques (voitures électriques, par exemple) du fait de l'ancienne culture matérialiste des années 1970, qui raisonne en termes d'offre, alors que c'est une question de demande , le marché algérien étant fortement limité, d'où l'importance de l'intégration maghrébine. Car, cette dévaluation du dinar diminue, à la fois, l'ensemble des salaires reconvertis en dollars et euros et, surtout, risque conjointement, avec le manque de considération du fait d'une politique salariale incohérente, donnant le primat aux emplois-rentes, de dévaloriser le savoir et, donc, d'accélérer l'exode de cerveaux. En effet, rien ne dit que des bas coûts salariaux, par rapport au marché mondial, attireront l'investissement si les contraintes d'environnement (bureaucratie et corruption, système financier sclérosé, absence d'un marché foncier libre, un marché de travail et une main d'œuvre adaptée) ne sont pas levées. C'est que les piliers du développement, du XXIe siècle, reposent sur une bonne gouvernance, l'organisation en réseaux, tant des institutions que des entreprises, et la valorisation du savoir. Le paradoxe est que l'on risque d'arriver au gonflement du poste «services de la balance des paiements» (appel aux compétences étrangères à des coûts faramineux) et de faire fuir le peu de compétences existantes.


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