Dans une interview accordée à Jeune Afrique sur la situation socio-économique et les perspectives de l'Algérie face à la crise mondiale, l'économiste algérien Abderrahmane Mebtoul a fait le point de l'économie nationale. Pour lui, la situation financière ne doit pas faire illusion ni pour le gouvernement ni pour la population, car les hydrocarbures ne sont pas inépuisables et leurs prix ne dépendent pas de notre pays. Or, 98% des exportations proviennent des hydrocarbures payés en dollars et 50% d'importation payés en euros et 50% en dollars donc équilibre. Les exportations hors hydrocarbures, qui peinent à atteindre le demi milliard de dollars représentent à peine 2% des exportations dont 50% sont des déchets ferreux et non ferreux. La facture alimentaire a dépassé les 7 milliards de dollars en 2008 et l'Algérie est le plus gros importateur de blé, le PNDA n'ayant pas donné les résultats escomptés malgré des dépenses colossales. L'Algérie importe presque tout et le tout tiré par les dépenses publiques via les hydrocarbures. Dans ce sens, le président Bouteflika a affirmé à plusieurs reprises que les dépenses publiques sont trop lourdes par rapport aux moyens réels du pays. Pour Mebtoul, les dépenses retenues pour l'année 2009 représentant l'équivalent de 80 milliards de dollars, et le seul budget de fonctionnement équivaut à 40 milliards de dollars. Concernant précisément le programme de soutien à la relance économique 2004/2009, le volume des dépenses est passé fin 2004 à 50 milliards de dollars, puis fin 2005 à 100 milliards de dollars intégrant le Sud et les Hauts-Plateaux, fin 2006 à 140, fin 2007 à 180 milliards atteignant à fin 2008 un cumul de 200 milliards de dollars US. La réévaluation des projets aurait été supérieure à 40 milliards de dollars sur 200 milliards de dollars. Selon le rapport de la Banque mondiale remis aux autorités algériennes en septembre 2007, le bilan est peu reluisant car il ne s'agit pas de confondre la réalisation physique, en supposant que les normes techniques sont respectées, ce qui est loin d'être le cas, et les dépenses monétaires, mais surtout de saisir les impacts économiques et sociaux. Ainsi, selon ce rapport, chaque projet a fait l'objet de six réévaluations en moyenne avec des retards de 6,5 ans, ce programme soulevant de sérieuses interrogations concernant la viabilité à long terme des tendances budgétaires actuelles et sur la qualité des dépenses. Ce programme, toujours selon ce rapport, engendre des difficultés à différends niveaux. Pour notre expert, la Banque mondiale doute que ce programme puisse pérenniser la croissance et promouvoir un développement fiable à moyen et long terme, car n'ayant aucune cohérence globale et n'étant qu'une compilation de projets accompagnés d'affectations budgétaires spécifiques, n'intégrant pas d'une manière claire les objectifs et, à ce rythme, il y a risque d'une accumulation des besoins et d'un divorce croissant cumulatif entre les objectifs et les moyens de réalisation, entraînant un gaspillage croissant des ressources financières. Pour preuve, Mebtoul a estimé qu'il n'existe pas de corrélation entre le taux de croissance réel et ces importantes dépenses monétaires. Le taux de croissance n' a été que de 1,8% en 2006, moins de 3% en 2007/2008 et pour 2009 il est estimé à 4,5%, prévisions et non clôture et établi sur la base d'un baril à 120 dollars, prévisions qui viennent d'être revues à la baisse le 15 novembre 2008 par le FMI à moins de 2,5%. Car, au sein des dépenses globales, les dépenses publiques représentent entre 85/90% des dépenses tirées essentiellement des hydrocarbures. En effet, à partir de la méthode de calcul de la triangularisation du fameux tableaux d'échange interindustriel, technique, connue des économistes, l'on peut aisément démontrer que sur les 130 milliards de dollars du produit intérieur brut algérien en 2007, moins de 30 milliards de dollars relèvent de la création de la richesse interne, 100 milliards de dollars étant tirés directement ou indirectement des hydrocarbures. Synthèse Yazid Idir