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H?ros de la paysannerie mexicaine
Emiliano Zapata (1879-1919)
Publié dans La Nouvelle République le 04 - 01 - 2009

Porfirio Díaz dont le régime se caractérisait par un autoritarisme démeseuré devait tôt ou tard abandonner le pouvoir sous la pression de plusieurs forces. Il devait compter non seulement sur les révolutionnaires du Nord – conduits par Pancho Villa comme on l'a vu – ou ceux du Sud (les Zapatistes), mais également sur les forces affiliées à Francisco Madero et même ceux qui se prétendaient être ses amis et fidèles. Il est vrai que Diaz d'une certaine façon a permis au Mexique d'acquérir un certain développement à l'aide des capitaux européens et américains investis dans l'industrie et l'extraction du pétrole en particulier. Mais ces progrès n'ont profité qu'à la classe des riches et des nantis bien que cela ne se fit qu'aux souffrances des classes populaires et à leur asservissement par les capitalistes nationaux et étrangers.
La Révolution triomphe du Dictateur Diaz
Finalement, après avoir longtemps résisté pour se maintenir au pouvoir «à la force des baïonnettes» (à cette date il avait atteint quatre-vingt ans !), et devant la victoire inéluctable des forces coalisées, il se trouva contraint de lâcher du lest avant de se résoudre à abandonner la partie – et le pouvoir – et quitter le pays (1910) pour aller mourir, en 1915, à Paris. Le poste vacant fut occupé par Francisco Madero grâce en grande partie au mouvement de révolte généralisée des peones (paysans et ouvriers agricoles) conduite par Pancho Villa, Emiliano Zapata et lui-même. Aussitôt que ce dernier prit les commandes de l'Etat, il initia de nouvelles réformes et essaya de démocratiser le pouvoir pensant que seule la démocratie pouvait faire entrer le pays dans la modernité. C'était louable et digne de respect de la part d'un homme qui appartenait à l'une des plus riches familles mexicaines, mais sa culture approfondie et son idéalisme le firent pencher vers les couches populaires qu'il voulait sincèrement aider et améliorer le sort. Mais pour cela, il devait concrétiser les promesses de réformes foncières qu'il avait toujours avancées auparavant. Dans la réalité, c'était une tout autre affaire, car il ne devait pas ignorer les oppositions qui devaient surgir de toutes parts : gros propriétaires terriens, chefs militaires et seigneurs de la guerre, anciens «porfirioristes» en grand nombre, les hommes d'affaires locaux et étrangers …mais aussi les révolutionnaires (zapatistes et villistes) qui n'entendaient pas se laisser «voler» une victoire chèrement acquise après des années de lutte pénibles. Des élections générales devaient suivre ces réformes prévues afin de répondre aux vœux du peuple mexicain et faire entrer la société dans une ère nouvelle.
Cependant, la position assez ambiguë et attentiste de Madero – qui resta dans ses fonctions de chef de l'Etat trois années seulement -- sur la question de la réforme agraire ne satisfaisait pas du tout Zapata.
Reprise de la lutte armée
Cela situation – certes difficile – du nouveau président est due certainement à la résistance des grands propriétaires et des aristocrates caciques, qui demeuraient puissants, ainsi que des milieux réactionnaires dans tous les rouages de l'administration et de l'armée, tous acharnés à défendre leurs privilèges contre les revendications légitimes des masses paysannes. Malgré ses efforts continus et sa patience, Emiliano Zapata fut incapable, en dépit de ses efforts assidus, de faire prendre conscience à Madero sur l'importance du problème foncier et de l'urgence qu'il y avait à agir en appliquant le plan des réformes promises. Finalement, après la nomination par Madero d'un gouverneur favorable aux propriétaires terriens, et devant le manque de gestes encourageants en termes de politique foncière de sa part, Emiliano mobilisa de nouveau son Armée de libération pour continuer le combat.
Madero, effrayé, lui demanda alors de désarmer et de démobiliser ses troupes qui lui étaient fidèles et entièrement dévouées. Zapata lui fit comprendre que le peuple avait besoin de ses armes pour conquérir ses droits et les défendre, car désarmé et sans aides, il serait à la merci des forces réactionnaires. Le nouveau président envoya, alors, plusieurs généraux afin d'essayer de neutraliser Zapata et ses compagnons mais sans succès. Devant cette situation, les ennemis de la révolution entrèrent en scène pour activer la répression et perpétuer les privilèges de la classe dominante, en la personne de Victoriano Huerta, un général ambitieux, cruel et ancien soutien notoire de l'ex-président Porfirio Diaz.
En guerre contre Huerta
Il ne se contenta pas de renverser Madero – un président pourtant légitimement élu -- et l'assassina sans état d'âme, puis réprima impitoyablement la résistance indigène. La réaction paysanne à cette politique de répression sanglante fut telle que les forces zapatistes augmentèrent considérablement aidées par les révolutionnaires du Nord (les Villistas de Pancho Villa), composés principalement de partisans acquis à la cause de leurs frères du Sud (Convention dite d'Aguas Calientes, 1914). La capitale fédérale, Mexico, est facilement occupée par les troupes des deux chefs révolutionnaires qui contrôlèrent la moitié du Mexique grâce au soutien populaire. L'opposition à Huerta, qui s'accapara le pouvoir durant une année et demie (février 1913-juillet 1914), se renforça aussi et connut son apogée avec l'apport d'un chef constitutionnaliste, Venustiano Carranza, lequel avait contribué à la chute de P. Diaz, et qui s'allia à Zapata et à Villa. Huerta fut renversé par ces forces unies, enfin, alliées et nombreuses. Suite à cela, les constitutionnalistes mirent en place une convention chargée de former le nouveau gouvernement dans lequel Zapata refusa de faire partie tellement il était désintéressé et n'avait aucune ambition politique ni attirance pour les richesses matérielles ou autre. Ce qui importait pour lui était le bien-être et le bonheur de son peuple. Conscient de l'intransigeance de Zapata et de sa nature incorruptible, Carranza, qui prit la tête de ce gouvernement se prépara à mater la nouvelle grogne populaire et éteindre le vent de la future rébellion.
trahison d'un allié d'hier
Réunissant une armée nombreuse, Carranza, ami et allié d'hier, dirigea une forte contre-attaque contre les troupes zapatistes qui furent vaincues et la défaite qu'infligea le général progouvernemental, Alvaro Obregón (un autre ex-allié), obligea Zapata à se retirer dans l'Etat de Morelos et à y installer son quartier général, tout en conservant l'implantation du mouvement révolutionnaire au sud du Mexique.
Depuis sa retraite, il n'arrêta pas d'affronter en permanence les attaques de l'armée de Carranza, défendant l'instauration d'une authentique réforme agraire capable de faire disparaître la répartition inégale des terres, et de prendre en compte les droits légitimes des indigènes, modèle implanté par Zapata dans sa région natale. Les Zapatistes, en dépit des massacres et de la politique de la terre brûlée appliquée par leurs ennemis, restèrent mobilisés mais se fractionnèrent progressivement après de longues années de campagnes militaires pénibles et sanglantes.
Las de se débarrasser par la force des armes de Zapata, le nouveau régime, aussi réactionnaire que les précédents, recourut à la traîtrise et promit une forte rançon à quiconque pourrait livrer le héros authentique des paysans. Carranza espérait une trahison de ses compagnons repentis, tout en essayant d'éloigner les autres chefs de l'armée zapatiste, mais sans succès. Le 9 avril 1919, une ruse pour se débarrasser du grand révolutionnaire fut appliquée. Un général de l'armée gouvernementale, simulant la trahison, invita Zapata à le rencontrer, feignant la sympathie envers lui et soi-disant pour lui livrer une importante cargaison d'armes et de munitions. Mais lorsque Zapata arriva dans une ferme isolée lieu du rendez-vous, il fut criblé de balles par des soldats embusqués et son corps fut présenté à la population comme exemple à ne pas suivre. Après sa mort, l'Armée de libération du Sud se fractionna progressivement, disparaissant définitivement après la chute du dictateur Carranza, lui-même assassiné par son ami et chef militaire, Obregon, en 1920, et qui prit sa place. Malgré sa disparition tragique, l'influence de Zapata, est restée vivace dans tout le Mexique et avec lui, s'est éteint le plus farouche défenseur des droits des Indiens mexicains. Il est demeuré un héros presque légendaire de la réforme agraire et un exemple vivant pour les damnés de la terre.


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