Si les avancées, sur la scène politique, sont importantes, la pauvreté et le manque d'accès à l'éducation, et à l'emploi, mettent à mal les objectifs de parité affichés par les pays du continent. 2005 marque le dixième anniversaire de la Quatrième Conférence mondiale sur les femmes, qui s'est tenue à Beijing (Chine) en 1995. Comme leurs homologues d'autres régions, les femmes africaines font le point des progrès réalisés et se demandent dans quelle mesure les réformes promises ont été mises en œuvre. Elles cherchent, également, à déterminer pourquoi les progrès ont été limités dans de nombreux pays. Des signes d'amélioration sont apparus, au cours des trente dernières années (...). Cependant, au cours des trente années qui se sont écoulées, depuis la première Conférence mondiale sur les femmes, organisée à Mexico, «les hommes sont allés sur la lune, et en sont revenus, mais les femmes sont restées au même endroit... c'est-à-dire qu'elles essaient de sensibiliser le monde entier à la marginalisation, injustifiée et inacceptable, des femmes, qui les prive de leurs droits fondamentaux», a indiqué à New York, en mars dernier, Mme Mayanja, Conseillère spéciale pour la parité des sexes et la promotion de la femme, aux délégués venus de 165 pays. Des progrès mais... En Afrique, notamment, les femmes ont réalisé d'importants progrès sur la scène politique au cours des dernières années. L'organisation politique du continent, l'Union africaine (UA), a franchi une étape importante en encourageant la parité des sexes à ses postes de décision les plus élevés. En 2003, cinq femmes et cinq hommes ont été élus commissaires de l'UA. L'année suivante, Mme Gertrude Mongella a été nommée à la direction du Parlement panafricain de l'UA, dont les femmes représentent 25 % des membres. Un autre organe de l'UA, le Mécanisme d'évaluation intra-africaine, qui fixe des critères de bonne gouvernance, est dirigé par Mme Marie-Angélique Savané. Les Africaines ont, également, soutenu avec succès des conventions qui font progresser leurs droits. À la fin de l'année dernière, 51 des 53 Etats membres de l'UA avaient ratifié la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, adoptée en 1979 par l'Assemblée générale des Nations Unies. Et en 2003, des militantes ont réussi à convaincre leurs chefs d'Etat d'adopter un protocole portant sur les droits des femmes. Elles demandent, maintenant, aux Etats de passer à l'étape finale, en ratifiant ce protocole de façon à le rendre exécutoire. «Nous savons bien que malgré les avancées, et les progrès réalisés, les Africaines sont confrontées à d'importants défis et obstacles», reconnaît Mme Farkhonda Hassan, présidente du Comité Femmes et développement de la Commission économique pour l'Afrique de l'ONU. Dans de nombreux pays, les principales politiques de développement, connues sous le nom de stratégies de réduction de la pauvreté, ne prennent toujours pas en compte les différences de revenus, et de pouvoir, entre les hommes et les femmes, ce qui freine le financement de programmes visant à réduire les inégalités. En outre, dit-elle, la majorité des femmes africaines restent privées d'éducation et d'emploi, et n'ont qu'un accès limité aux secteurs du commerce, de l'industrie et à la fonction publique (...) La pauvreté touche plus les Africaines Pour de nombreuses Africaines, le Programme de Beijing, et les divers instruments internationaux qu'ont signés leurs gouvernements, ne se sont pas encore traduits par des améliorations de leur vie quotidienne. Elles restent au bas de l'échelle sociale, n'ayant qu'un accès limité aux terres, au crédit, à la santé et à l'éducation. Si certains des accords que les gouvernements africains ont ratifiés consacrent les droits de propriété et d'héritage, dans la plupart des pays, les femmes sont privées de ces droits. À cela vient s'ajouter la pandémie de VIH/sida, qui affecte plus de femmes que d'hommes en Afrique et anéantit certains des progrès que les femmes avaient réalisés en matière de développement. Par conséquent, la pauvreté en Afrique continue de se décliner au féminin, note Mme Gladys Mutukwa, de Women in Law and Development in Africa (WILDAF), organisation non gouvernementale du Zimbabwe. Il est, à son avis, désolant de constater que dix ans après Beijing, les femmes africaines sont beaucoup plus pauvres. Entre 1990 et 2000, le nombre de personnes vivant dans la pauvreté a diminué dans toutes les régions en développement, à l'exception de l'Afrique, où il a augmenté de plus de 82 millions. Les femmes constituent la majorité de ces pauvres, leur proportion pouvant aller jusqu'à 70 %, dans certains pays. Il est, en général, plus facile pour les hommes de trouver un travail, et les entreprises dirigées par des hommes ont plus facilement accès au soutien des banques (...) 23 millions de filles non scolarisées Mais, l'obstacle le plus important tient, peut-être, au manque d'accès des Africaines à l'éducation, qui constitue, souvent, la seule porte de sortie de la pauvreté. Les disparités entre filles et garçons apparaissent à l'école primaire, et se creusent à tous les stades du système éducatif. En ce qui concerne le taux total d'inscription dans le primaire, l'Afrique est, de toutes les régions, celle qui a enregistré la hausse relative la plus importante au cours des dix dernières années. Mais, du fait de la faible proportion de filles scolarisées, le continent est encore loin de l'objectif qui consiste à atteindre la parité des sexes, à la fin de cette année. En 2000, l'Afrique subsaharienne était la région qui comptait le plus de filles non scolarisées : 23 millions contre 20 millions, 10 ans plus tôt (...) Des politiques s'adressant spécifiquement aux filles ont toutefois permis des améliorations considérables au Bénin, au Botswana, en Gambie, en Guinée, au Lesotho, en Mauritanie et en Namibie. Au Bénin, par exemple, l'écart entre les sexes a diminué, passant de 32 à 22 %, grâce à des politiques qui ont, notamment, consisté à sensibiliser les parents au moyen des médias et à réduire les frais de scolarité pour les filles des écoles primaires publiques des régions rurales (...) De nombreux autres obstacles continuent de freiner le développement de l'éducation en Afrique. Les programmes d'austérité, introduits dans de nombreux pays, pendant les années 80, ont réduit les budgets consacrés à l'éducation. Quand les ménages appauvris ont dû décider qui, de leurs enfants, envoyer à l'école - ce sont, souvent, les filles qui sont restées à la maison - . Les frais de scolarité, l'obligation de porter un uniforme, les longs trajets, entre le domicile et l'école, le manque d'eau et d'assainissement, sont autant de facteurs qui ont contribué à réduire l'accès des filles à l'éducation (...) (A suivre)