L'idée se concrétise en juin 2007 : le Paradou athlétique club (PAC D2) lance son école de formation de jeunes, «l'académie», une première en Algérie, qui attire actuellement au petit stade municipal de Hydra les adeptes du beau jeu et ceux venus constater de près le mythe des jeunes prodiges jouant… pieds nus. Que ce soit dans les quartiers, dans les cafés, et même dans les bureaux, les prouesses de ces gamins de 12 ans à 15 ans venus des quatre coins du pays, et sélectionnés minutieusement, reviennent sur toutes les lèvres. C'est un véritable phénomène de société, et le «bouche à oreille» a fait le reste : chaque jeudi, le stade de Hydra est archi-combe, l'engouement pour les matches de l'Académie est de plus en plus grand. La popularité de cette école de football est devenue telle qu'on croirait suivre un derby de l'élite. Le public présent, qui converge de tous les quartiers d'Alger et même de quelques wilayas limitrophes, a-t-on constaté, est devenu «accroc» : il suit chaque sortie de ces «graines de stars» avec une grande assiduité, et reste béat devant la technique pure de ces futures «stars». La particularité de cette équipe, qui a fait sa popularité, est qu'elle joue sans gardien de but, pieds nus, sur terrain sec ou détrempé, suscitant l'admiration des spectateurs et des «fans» de cette école. Le président du PAC, Kheireddine Zetchi, s'est rendu compte de la nécessité de se lancer dans la formation des jeunes, qui selon lui, est l'unique issue qui permet au football algérien de retrouver ses vertus. Une école pour talents en devenir Le formateur français Jean Marc Guillou, est celui par qui le succès arrive. Le président du PAC lui a confié en effet, la mission de monter et veiller à la bonne marche de cette académie. Ce globe-trotter est connu dans le continent pour avoir mis en place et dirigé plusieurs écoles de formation. En Côte d'Ivoire, il a dirigé notamment l'école de football du prestigieux club de l'Asec Mimosas. Dans cette terre où foisonnent les jeunes talents, il a été derrière l'éclosion des frères Kolo et Yaya Touré, qui jouent actuellement respectivement à Arsenal et au FC Barcelone, mais aussi l'attaquant de Chelsea, Salomon Kalou. En Algérie, le président du PAC a eu l'ingénieuse idée de permettre à 16 jeunes joueurs sélectionnés minutieusement parmi 20 000 candidats au départ, d'avoir un cadre propice à leur formation et à leur épanouissement. Selon Olivier Guillou, le neveu de Jean Marc, qui s'est vu confier la réalisation de cette mission de formation à la tête de l'Académie, cette dernière n'est pas trop différente de celles qui se trouvent partout dans le monde. «Les impressions sont bonnes, elles sont exactement semblables à celles qu'on peut avoir dans d'autres académies, que celles que j'ai pu avoir en Côte d'Ivoire et à Madagascar. C'est-à-dire que les enfants sont sérieux, ils travaillent bien et progressent à un rythme normal», a t-il déclaré à l'APS. Guillou estime que les jeunes joueurs lui ont facilité la tâche, avec leur bon comportement, et surtout leur sérieux sur et en dehors des terrains. «Ils sont sérieux et veulent apprendre les ficelles de la discipline avec une grande détermination. Ces enfants sont assez malléables et ils ont tous très envie de jouer. Ils m'ont vraiment facilité le travail avec leur assiduité», a-t-il ajouté. L'Académie compte 16 joueurs. Ils ont été sélectionnés selon des critères strictes. Guillou pense que ces jeunes éléments ont assez de qualités qui leur ont permis d'intégrer cette institution. «On a décelé chez eux du talent et une marge de progression importante vu le potentiel de départ. Il est vrai que la sélection est très dure puisqu'on a testé 20 000 enfants à peu près pour en prendre 16. Ils allient à la fois des qualités techniques, d'intelligence de jeu, et une bonne forme physique», explique Guillou. Pour ce qui est des installations qui ont été mises à la disposition de l'académie, le formateur français affirme que de ce côté là, il n'a pas à se plaindre. «La direction de Paradou fait de son mieux pour nous mettre dans les meilleurs conditions. Nous sommes en train de travailler dans un cadre agréable. On attend avec impatience d'être sur notre site puisqu'on doit s'installer à Tessala El Merdja, près de Boufarik, qui devrait abriter nos futures installations. Mais pour l'instant, travailler au stade du 5-Juillet, à Mahelma le matin ou à Hydra le soir, nous permet d'avoir des surfaces de bonne qualité et de travailler correctement sur le plan technique». Jouer pieds nus et sans gardien de but, c'est une première en Algérie. L'académie du PAC est en train d'attirer les curiosités par cette particularité unique dans son genre. Mais, pourquoi jouer pieds nus ? «Si on veut avoir un joueur doué techniquement, il n'a qu'à jouer pieds nus, comme cela se fait d'ailleurs dans les pays africains. Cela va permettre au jeune d'avoir une frappe de balle juste et précise, de tripoter le ballon avec une grande sensation». Programme de travail de professionnels Le programme de travail de l'académie est digne d'une équipe de joueurs professionnels de haut niveau. Avec une charge de travail assez conséquente à un rythme bi-quotidien, les joueurs sont soumis à des exercices technico-tactiques et d'endurance. Dès 7 heures du matin, ils sont tous présents au stade pour une séance d'une heure et demie. Entre 9h et 9h 30, ils ont à peine le temps de ranger leurs affaires au niveau de leur résidence à Baba Hassen, qu'un bon petit déjeuner préparé par les deux femmes chargées de s'occuper de leur confort dans la villa, leur est servi. En plus de leur chauffeur, il y a le surveillant de la maison, une personne chargée de l'approvisionnement et l'entraîneur-adjoint Aïch Djamel qui est avec eux 24 heures sur 24. A 10h, place aux études. L'académie dispose d'un responsable pédagogique, qui a pour mission de veiller au bon enseignement des joueurs. En plus des cours du CNEC (enseignement à distance) qui leurs sont dispensés par cinq enseignants, un examen est organisé chaque mois pour rendre compte aux parents du travail de leurs enfants. Les cours sont les mêmes que pour les autres enfants de leur âge. La moyenne du volume horaire est de 4 heures par jour. Après le déjeuner, et une bonne sieste, c'est reparti pour une heure de cours avant une nouvelle séance d'entraînement jusqu'à 17h ou 18h. Au retour du stade, les joueurs prennent leur dîner. La suite, comme tous les enfants de leur âge, ils ont le droit de regarder la télé pour les uns, ou de s'adonner à d'autres activités, pour d'autres. L'extinction des feux est fixé à 22h au maximum. «Je rêve de jouer au Real Madrid» Pour ces jeunes joueurs, issus parfois de milieux sociaux défavorisés, tous les rêves sont permis. Leur objectif est commun : vêtir le maillot de l'équipe nationale, et faire mieux que leurs aînés. Ils n'ont qu'une seule envie dans la tête : boucler avec succès leur apprentissage et rallier un club européen. Pour Abderaouf Benguit de Laghouat, son rêve est de disputer la prestigieuse épreuve de la ligue des champion européenne… avec le Real Madrid. «Si je suis au sein de cette académie, c'est pour être ambitieux. Je suis en train de travailler d'arrache pied avec mes camarades pour être un bon footballeur. Mon rêve est de jouer la champion's League avec le Real, et je ferais tout pour y arriver», affirme ce jeune plein de talents et également d'ambitions. Pour Mesibeh Zakaria de Constantine, porter les couleurs de l'un des deux clubs phares de sa ville, le MOC et le CSC, ne traverse nullement son esprit. Il rêve de partir exercer ses (futurs) talents ailleurs. «Le niveau technique de notre football est tellement médiocre que j'ai envie de jouer en Europe, là où j'aurai l'opportunité de progresser. Je veux aller doucement mais sûrement. L'académie va nous ouvrir des portes, à nous de saisir nos chances», a-t-il déclaré. Kheireddine Zetchi, concepteur de l'académie, est plus modeste : «Il est évident que ces jeunes formés par notre académie vont alimenter notre équipe, le Paradou AC». Zetchi coupe court cependant aux spéculations : les jeunes de l'école du Paradou AC joueront au sein de leur équipe. Mais, «en cas de propositions intéressantes, il y a évidemment l'intérêt de rentabiliser l'investissement», estime le président du PAC, qui (espère) que les jeunes prodiges de l'académie pourront un jour évoluer au sein de grands clubs européens. «Il y a, bien sûr, le retour sur investissements et dont le produit devrait financer les investissements futurs de l'académie», précise Zetchi. En clair, des jeunes de l'académie pourront intégrer des équipes européennes, a-t-il laissé entendre. «Vous savez, des Beckham ou des Robinho ont tous été un jour des enfants qui rêvaient de jouer dans de grands clubs», a-t-il répliqué à la question sur les rêves des jeunes de l'académie. La deuxième promotion de l'académie du Paradou AC sera lancée vendredi 6 février, avec le déroulement de plusieurs séances de disputement au niveau des stades annexes du 5-juillet pour les jeunes joueurs nés entre 1996 et 1998.