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Zama : une d?faite carthaginoise d?sastreuse
Malgr? le g?nie d?Hannibal
Publié dans La Nouvelle République le 14 - 02 - 2009

La bataille de Zama (octobre 202 avant l'ère chrétienne) a été un tournant déterminant de la deuxième guerre Punique (218-201 av. J.-C.). En effet, la plaine située à environ 150 kilomètres du golfe de Tunis, où se trouve la ville actuelle Le Kef (nord-ouest de la Tunisie), fut le théâtre d'un affrontement décisif ente les puissantes légions romaines, commandées par le consul et questeur (c'est-à-dire magistrat chargé de la perception des impôts et du financement de la guerre) Scipion l'Africain (235-185 av. J.-C.), et l'armée hétéroclite carthaginoise sous les ordres du grand général Hannibal (247-183 av. J.-C.). Néanmoins, ce dernier fut vaincu et Carthage, la cité centenaire et maîtresse de la mer Méditerranée perdit la guerre au profit de sa mortelle ennemie qui avait juré sa perte, Rome, et à laquelle aucune puissance, à cette époque, ne pouvait résister. Une paix humiliante pour la capitale punique fut signée comportant des conditions draconiennes auxquelles elle était contrainte d'y souscrire la mort dans l'âme. Avait-elle, au fond, le choix ? Aucunement, car continuer la lutte équivalait à un suicide pur et simple. C'est ainsi que le Sénat (assemblée politique suprême) carthaginois agréa le traité de paix qui a mis un terme à une longue et âpre guerre qui a duré une vingtaine d'années. Elle eut pour théâtre non seulement l'Afrique du Nord, mais aussi l'Espagne, le sud de la Gaule et la presqu'île italienne de son extrémité nord jusqu'au sud.
Une guerre qui aurait pu être en faveur de la grande et célèbre métropole africaine, tant la campagne de son génial chef d'armée, Hannibal, a failli porter ses fruits si ce dernier avait continué directement son chemin vers Rome au lieu – disent les historiens – de rester avec ses troupes quelques temps, pour passer l'hiver, dans la ville balnéaire de Capoue (ville située en Campanie, sud de l'Italie). D'ailleurs, diverses explications avaient été avancées sur le séjour des Carthaginois dans cette ville mais aucune n'a convaincu. Etait-ce pour passer l'hiver ? Hannibal attendait-il les renforts que sa ville mère devait lui envoyer incessamment ? Ses hommes étaient-ils fatigués après une très longue marche tout au long de centaines et de centaines de kilomètres à travers des plaines hostiles et des montagnes aux sommets enneigés comme les Pyrénées et les Alpes, chaînes de montagnes grandioses et qui comptent parmi les plus hautes du monde ? Est-ce une erreur tactique de la part de ce chef militaire considéré parmi les plus grands génies de l'histoire militaire de tous les temps ? A-t-il été mal conseillé par son entourage ou arrêté par une injonction quelconque du gouvernement carthaginois ? Sur cette cruciale question au demeurant très importante, nous n'avons aucune réponse satisfaisante et l'énigme demeure entière jusqu'à nos jours.
Effectifs des deux armées rivales
Au moment de la bataille, l'armée carthaginoise comptait 50 000 combattants de nationalités différentes (Berbères, Gaulois, Espagnols…) et 4 000 cavaliers (des Numides, surtout) aux grandes qualités militaires. A ces soldats, il faut ajouter 80 éléphants qui avaient semé la terreur au sein des lignes romaines. Cette armée comprenant des hommes différents par leurs origines et leurs nationalités, par leurs langues, leurs armes et leurs façons de combattre, il n'était pas du tout facile de parvenir à harmoniser les instructions du combat ainsi que les ordres traduits par des interprètes. Sachant tout cela, Hannibal s'efforçait de stimuler ses hommes et de les motiver par des récompenses matérielles et des soldes supplémentaires pour les mercenaires. Pour les autres éléments (Carthaginois, Numides et autres Africains) il essayait de leur représenter la ruine et le désastre que pouvait amener pour leur pays une probable défaite.
Rome, pour sa part, avait mis en ligne une armée de 34 000 légionnaires à la grande expérience, 3 000 cavaliers venus d'Italie ainsi que 6 000 autres qui sont des Numides de l'aghellid Massinissa.
Déroulement de la bataille
Les généraux carthaginois et romains avaient imaginé un minutieux plan de bataille comptant, chacun de son côté, surprendre son adversaire. Le célèbre fils d'Hamilcar Barca avait placé aux premiers rangs les 80 éléphants ramenés d'Afrique. Puis, venaient les mercenaires de la Gaule et de la Ligurie (nord de l'Italie). Aux derniers rangs, se placèrent les combattants carthaginois et africains qui composaient le corps de l'infanterie puniques. A une certaine distance, il y avait d'autres mercenaires, surtout des vétérans embrigadés quand Hannibal avait mis les pieds dans la péninsule italienne. Ces derniers éléments composaient surtout la réserve. Quant aux cavaliers, ceux venus de la Numidie – commandés par le roi Syphax, rival de Massinissa allié de Rome —occupait l'aile gauche, tandis que les cavaliers carthaginois proprement dits étaient placés sur la droite. La tactique carthaginoise visait à faire charger les lignes romaines par les éléphants, puis les troupes des mercenaires gaulois et ligures donneront un premier assaut qui doit affaiblir les Romains. Dans les moments qui suivront, les soldats carthaginois beaucoup plus solides interviendront avant que les vétérans italiens ne passent à l'action pour assurer la victoire éventuelle.
Dans le camp romain, les dispositions prises par le rusé Scipion l'Africain rendaient la tactique punique pratiquement inefficace. C'est ainsi que procédant différemment de la formation de combat compacte suivie jusque-là par les armées romaines, le rusé chef militaire latin avait laissé volontairement des passages libres entre les unités de chaque légion, dans ces intervalles il avait ordonné de placer des soldats d'infanterie légère capables de se mouvoir et d' évoluer avec beaucoup de facilités pour harceler et désorienter les éléphants. Aux ailes, il avait disposé la cavalerie italienne (à gauche) et la cavalerie numide commandée par le grand roi berbère Massinissa lui-même (à droite).
La grande confrontation armée débuta par la charge effrénée des éléphants alignés par l'armée carthaginoise d'autant plus que ces animaux massifs étaient affolés par le vacarme des clairons et des cors romains, et au lieu de foncer droit sur les lignes romaines, les pachydermes firent volte-face en se retournant contre les troupes d'Hannibal à l'exception de quelques-uns parmi ces animaux qui continuèrent à attaquer les légions romaines.
A ce moment précis, comme prévu dans le plan de Scipion, les conducteurs des éléphants engagèrent leurs bêtes dans les passages laissés libres et les soldats ennemis avaient toute la latitude de lancer des deux côtés leurs javelots sur les flancs des animaux. La débandade généralisée et brusque qui s'en est suivit mit en difficultés les formations punique et personne n'en échappa : l'infanterie et les deux cavaleries carthaginoise et numide qui furent submergés par les animaux affolés et qui piétinaient tout le monde sur leur chemin. Résultat prévisible : quand les cavaliers antagonistes se trouvèrent face à face la supériorité numérique était en faveur des Romains et le combat était évidemment inégal. A ce moment, les soldats auxiliaires, Gaulois et Ligures, ne pouvaient résister davantage et, de ce fait, commencèrent à reculer vers la ligne arrière occupée par les Carthaginois et les soldats africains. Ces derniers, remarquant ce mouvement arrière, refusèrent de reculer à leur tour et de leur faire place, et durent se battre contre les fuyards en tentant de repousser les soldats romains en même temps.
A ce moment précis du combat, Scipion l'Africain appliqua une tactique déjà utilisée par Hannibale en personne lors de sa grande victoire à Cannes (216 av. J.-C.). Autrement dit, il ordonna aux soldats de la deuxième et de la troisième lignes des légionnaires romains de foncer vers les ailes en entreprenant un mouvement tournant pour encercler les Carthaginois qui continuaient encore à se battre contre la première ligne romaine.
Arrivé à ce point précis, il était clair que l'issue de la bataille ne pouvait qu'être favorable aux combattants de Scipion surtout que les cavaliers numides sous les ordres de Massinissa amorçaient une manœuvre circulaire et prenaient à revers l'infanterie d'Hannibal qui fut proprement décapitée et écrasée. Sans la protection des éléphants et la couverture de leur cavalerie et des mercenaires, quelques rares rescapés carthaginois s'enfuirent dans une anarchie indescriptible, laissant sur le champ de la bataille quelque 20 000 cadavres de leurs camarades tués au combat. D'autre part, environ 10 000 autres soldats puniques tombèrent aux mains des Romains et furent faits prisonniers. On compta aussi 15 000 soldats blessés dans les rangs de l'armée d'Hannibal. En face, l'armée de Rome ne perdit qu'environ 1 500 combattants qui périrent et enregistra 4 000 blessés, des chiffres nettement inférieurs aux pertes carthaginoises comme on le voit.
Hannibal se dirigea rapidement à Carthage et s'efforça de convaincre le Sénat de la nécessité de continuer le combat et les citoyens de ne pas céder au désespoir de la défaite subie à Zama. Carthage préféra se plier aux conditions de paix désastreuses et humiliantes imposées par le vainqueur : perte de la grande et riche province d'Espagne, livraison de sa magnifique flotte et de ses éléphants de combat, payement d'une importante indemnité de 10 000 talents (un montant très important à l'époque équivalent à 50 millions de francs-or) durant un demi-siècle. De retour à Rome, Scipion reçut un triomphe magnifique et ses soldats lui décernèrent le surnom d'«Africain» pour sa campagne victorieuse en Afrique du Nord contre l'ennemie jurée, Carthage, que les Romains détruiront entièrement cinquante ans plus tard (146 av. J.-C.) sur ordre de son petit-fils Scipion Emilien. Quant au grand et digne fils d'Hamilcar Barca, Hannibal, après cette terrible défaite subie à Zama, il s'exila en Orient dans la cour du roi de Bithynie mais en apprenant que son hôte voulait le livrer aux Romains, il préféra se donner la mort que de subir l'ultime humiliation de figurer enchaîné dans le triomphe de son vainqueur (183 av. J.-C.).
La fin tragique
d'une cité séculaire
En conclusion, la désastreuse défaite de Zama, en terre africaine de surcroît, consacra le triomphe de Rome et son hégémonie sur le Bassin de la Méditerranée occidentale. C'était aussi le début de la fin pour Carthage qui perdit toute influence et ne conserva qu'un faible pouvoir de contrôle sur les territoires périphériques. Elle fut incapable par la suite de s'opposer aux grignotements opérés par le roi numide Massinissa qui élargissait son royaume dans son grand dessein d'unir le pays des Numides de l'Atlantique jusqu'aux frontières de l'Egypte, en profitant de l'affaiblissement de son ennemie surtout que l'épée de Damoclès romaine était constamment suspendue sur sa tête.
La fin de l'orgueilleuse citée fondée par Elissa Didon des siècles auparavant viendra une cinquantaine d'années plus tard quand elle sera détruite après trois ans de siège héroïque et désespérée à l'issue duquel elle sera incendiée totalement et ses cendres livrées au vent qui les dispersera à jamais et pour toujours de la carte du monde antique.


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