Tamerlan, né en 1336 et mort en 1405, descend directement de Djagataï, l'un des fils du terrible conquérant tatar qui lui apprit à commander. Artisan de la restauration mongole en Asie centrale, génie militaire incontestable, certains historiens le considèrent supérieur à Gengis Khan lui-même. Néanmoins, beaucoup voient en lui une brute sanguinaire, alors que d'autres soulignent son rôle de bâtisseur, de législateur, d'organisateur et de propagateur de l'Islam. Tamerlan était le fils d'un Turcoman (ou Turkmène), nommé Teragaï, gouverneur de province au nom des Mongols. Très tôt, il s'identifia à son ancêtre supposé. Comme lui, il fut orphelin de bonne heure et privé de son héritage; comme lui, il lutta contre l'adversité, avant de devenir conseiller du gouverneur de Samarkand (1361). Dix ans plus tard, il s'empara du pouvoir et se proclama descendant du Grand Khan, sans toutefois prendre comme lui le titre de souverain universel (il se contenta de celui d'émir). Il ne prétendit à rien d'autre qu'à rénover l'Empire mongol et se retrancha jusqu'à sa mort derrière la légitimité royale de descendant de Gengis Khan, qui faisait alors figure de principe juridique incontesté. Gengis Khan, on le sait, puisait ses forces dans les tribus nomades. Celles de Tamerlan lui venaient de peuples sédentarisés, ce qui explique peut-être la différence avec son célèbre prédécesseur. De ce dernier, il conserva toujours l'œuvre principale, le Yassak, ou code des steppes, parfois peu adapté à la vie urbaine. Les conquêtes militaires Tamerlan était surtout un vrai musulman, disent les historiographes, dans la pure tradition des conquérants arabes. Ses guerres étaient saintes; sa mission était de convertir les païens ou les mauvais musulmans. Il mena, notamment, les guerres dans les pays suivants : la Perse, l'Irak et l'Azerbaïdjan. Dix ans après avoir pris le pouvoir en Transoxiane, Tamerlan entreprit la conquête de la Perse et s'empara des riches villes de Chiraz et d'Ispahan vers l'année 1387. Puis, il se retourna contre la province de l'Irak et le territoire de l'Azerbaïdjan. L'un de ses ennemis les plus acharnés, le khan de Crimée (sud de la Russie actuelle) profita alors de son absence pour envahir par deux fois la Transoxiane, avant d'être défait par Cheïkh Omar, fils de Tamerlan, en 1390; une victoire qui fut ponctuée de grandes réjouissances dans la splendide capitale Samarkand (Ouzbékistan). La guerre de Cinq ans Conscient de sa force, le grand conquérant mongol s'engagea dans la guerre de Cinq ans, qui devait voir la conquête de la Mésopotamie et des provinces caspiennes, tandis que ses fils envahissent le bassin du Turkestan chinois à l'est et s'avancent, du côté européen, jusqu'en Pologne vers le nord. En 1398, c'est la campagne de l'Inde, avec la prise de Kaboul et de Delhi. Revenu à Samarkand, en 1399, Tamerlan rassemble une nouvelle fois ses armées et se dirige vers les rivages méditerranéens et prend Alep en automne 1400. L'année suivante, la grande et belle métropole Damas est prise à son tour. Se dirigeant vers le nord-ouest le conquérant se jeta alors sur la Turquie dont il bat les armées à la bataille d'Ancyre (1402), durant laquelle il fait prisonnier le sultan Bajazet qui mourra en captivité. Projet de conquête de la Chine A nouveau, Tamerlan rentre à Samarkand pour mettre en œuvre son grand projet, un projet grandiose : la conquête de la Chine. L'empire des Ming, fondé en 1368 au lendemain de l'effondrement de la dynastie mongole, était alors au sommet de sa puissance. Ainsi, le succès probable de Tamerlan pouvait sembler douteux. Le destin l'empêchera de tenter cette aventure : tombé malade en chemin, il meurt au mois de janvier 1405. Durant ses conquêtes et ses invasions, Tamerlan rasa un grand nombre de cités florissantes et se livra à beaucoup de massacres comme beaucoup de ses semblables, d'ailleurs. Une œuvre durable Cependant, Tamerlan fit de Samarkand une ville splendide, la dotant de riches monuments. Les fastes de sa cour sont connus notamment par les récits de l'historien arabe Ibn Khaldoun (1332-1412), et de quelques voyageurs et ambassadeurs de pays européens. Protecteur des arts et esprit curieux, comme d'ailleurs tous les grands conquérants orientaux, on ne saurait, toutefois, lui attribuer aussi certainement que l'affirme la tradition, le recueil de règles de conduite laissées à ses enfants et où sont abordées la morale, la politique, la religion et l'administration des pays conquis. Ce dernier chapitre, si tant est qu'il soit de sa main, est le plus instructif. Il révèle en tout cas un Tamerlan toujours prêt à justifier ses conquêtes par quelque motif d'ordre moral ou religieux. Il s'y montre aussi, dans les principes, profondément humain envers les populations civiles. Contrairement à son ancêtre, Gengis Khan, Tamerlan ne sut pas faire l'unité entre Turcs et Mongols pour maintenir son empire, qui, dès sa mort, se trouva réduit à la seule province de la Transoxiane (région située au nord-est de l'Asie centrale). Les Timourides A sa mort, en 1405, Taïmour Lang laissa sept fils qui avaient pour noms : Djihanguir, Cheik Omar, Mirza Miran Chah, Khalil, Ibrahim, Saas Wakass et Chah Roukh. Ce dernier, né en 1377, était le quatrième fils de Tamerlan. Toujours en lutte contre ses frères, il réussit, néanmoins, à rassembler autour de lui les descendants de Djaghataï, et constituer un empire formé principalement de la Transoxiane et du Khorassan. Le fait d'avoir participé tout jeune aux campagnes militaires de son père, Chah Roukh avait acquis un sens aigu de l'art militaire. De plus, bon administrateur, il sut imposer et faire respecter son autorité dans son royaume et à l'extérieur. Il échangea des ambassades avec beaucoup d'Etats limitrophes et européens, mais c'est surtout avec la Chine des Ming qu'il avait entretenu des relations diversifiées et continues. D'autre part, et contrairement à son père, il ne s'établit pas beaucoup à Samarkand mais à Herat (en Afghanistan), où il réunit autour de lui l'une des cours les plus brillantes de son époque, cour qui était fréquentée par de grands écrivains de langues persane et turque, ainsi que par des artistes renommés. Quand Chah Roukh mourut, en 1447, il laissa le trône à l'aîné de ses fils, Ulough Beg, qui avait reçu de son père beaucoup de ses dons d'organisateur et de bon gestionnaire malgré que son règne ne dura pas plus de deux années. Après lui, le pouvoir passa alors à deux petits-fils de Chah Roukh, puis à ses descendants promis à un destin illustre. L'un d'eux, né en 1483, est Zahir Eddine Mohammed Baber (1483-1530) qui recueillit l'héritage de ses ancêtres alors que son âge ne dépassait pas les onze ans. Comme cela arrivait souvent, une lutte intestine pour le pouvoir eut lieu et ces rivalités le forcèrent à se contenter du petit Etat de Ferghana, qui commandait le passage vers le Turkestan chinois. Harcelé par les membres de sa famille, Mohammad Baber se mit alors à concrétiser un projet fou à la tête d'une petite armée composée de dix mille cavaliers : la conquête de l'Inde. Cette fabuleuse aventure fut couronnée de succès, puisqu'il parvint, loin de sa terre natale, à fonder un grand empire mongol qui dura jusqu'à l'arrivée des Anglais (au XVIIIe siècle) perpétuant et prolongeant ainsi glorieusement la descendance de Tamerlan. L'effritement de l'héritage timouride Entre-temps, plusieurs souverains timourides devaient régner sur une partie plus ou moins grande de l'empire légué par Tamerlan mais tous les sultans qui se sont succédé, à l'exception de quelques-uns, ne méritent guère de retenir l'attention. Néanmoins, on peut citer le sultan Hussein Baikara (1469-1506) -- petit-fils de Tamerlan -- qui fut un grand administrateur et un protecteur des arts digne de son ancêtre. Mais avec son fils Badioz Zerman (1506-1507), l'héritage timouride commença à s'effriter lentement pour disparaître complètement vers le milieu du XVIe siècle, éparpillé en petits khanats (royaumes) en lutte permanente et qui survécurent péniblement jusqu'à la colonisation de toute cette vaste région par la Russie tsariste de la dynastie des Romanov, au XVIIIe siècle.