Lorsque Christophe Colomb avait découvert le Nouveau Monde, en l'an de grâce de 1492, il nomma les premiers habitants qu'il avait rencontrés «les Indiens» pensant qu'il était, lui et ses compagnons de voyage, sur le territoire des Indes, en Asie, sa véritable et initiale destination. Cela avait même été convenu avec ses bailleurs de fonds privés et les Rois Catholiques, Ferdinand d'Aragon et Isabelle de Castille, sans lesquels l'expédition n'aurait jamais eu lieu. Les Européens accostent en Amérique Quoi qu'il en soit, les Espagnols débarquèrent sur les terres d'un continent qui était inconnu de tous, y compris des Européens, un immense continent qui s'étendait des terres boréales glacées jusqu'à l'extrême sud, au-delà de la Terre de Feu, pour atteindre l'autre continent où règne la glace éternelle : l'Antarctique. Les Espagnols furent suivis par d'autres conquérants – Portugais, Anglais, Français — qui partaient à la recherche de l'or, des diamants, des épices, du bois d'ébène, des esclaves, en un mot de l'Eldorado. Puis, ce fut les terres à coloniser – dans ce continent neuf et fertile, les bonnes terres ne manquaient pas — qui accaparaient leur esprit et leurs efforts. Mais la part du lion revint aux héritiers de Charles-Quint qui dominèrent la quasi-totalité du continent américain, suivis des Portugais qui occupèrent le Brésil, ensuite des Anglais qui mirent la main sur l'Amérique du Nord et se la partagèrent globalement avec les Français (sud des Etats-Unis et la province du Québec). Quel était le sort réservé par les nouveaux maîtres de ces territoires – forts d'une suprématie matérielle incontestable – aux anciens habitants pacifiques et désarmés et qui n'aspiraient qu'à continuer de vivre en paix selon leurs coutumes ancestrales ? Le début du long et pénible calvaire des Indiens Bien vite, les terres indiennes furent accaparées par les puissants arrivants sans scrupule aucune, le pays fut pillé de façon systématique et les richesses minières exploitées en asservissant les autochtones de manière inhumaine. Peu de temps après, on ramena de force des millions d'esclaves africains qu'on adjoignit aux malheureux Amérindiens dans de pénibles et exténuants travaux de toutes sortes. En Amérique du Nord, les territoires situés au sud-ouest (Californie, Arizona, Nouveau-Mexique, Texas) étaient sous la domination espagnole. La Louisiane était la chasse gardée de la France, tandis que la façade située au nord-est était sous l'influence britannique. Le reste du territoire américain – immense et s'étendant à perte de vue – était habité par les nombreuses tribus indiennes qui vivaient presque de façon primitive, de la cueillette, de la pêche et de la chasse, principalement des troupeaux de bisons qui pullulaient dans tout le pays, particulièrement dans les grandes plaines centrales. Il y avait, évidemment, plusieurs groupes indiens et des tribus plus connues que d'autres parce que le cinéma – particulièrement le western — avait beaucoup contribué à immortaliser certaines tribus au détriment d'autres. Citons quand même les groupes principaux : Sioux, Apaches, Comanches, Hurons, Iroquois, Navajos, Séminoles, Cheyennes, Cherokees, Delawares , Omahas… Geronimo, un grand guerrier et chef apache Quand Geronimo vit le jour, en juin 1829 à Nodoyohn Canyon (Arizona), pas loin du Nouveau-Mexique, il porta le nom indien de Go Khla Yeh qui signifie littéralement «celui qui baille», mais le nom qui l'a rendu célèbre lui a été donné bien après par des soldats mexicains. Cela a eu lieu, le 30 septembre 1859 (jour du martytr chrétien Saint-Jérôme), quand ces derniers subirent une sévère défaite devant les guerriers apaches conduits par leur chef. En pleine débandade, les soldats mexicains invoquaient le saint et criaient : «Geronimo ! Geronimo !» et le chef indien garda ce nom toute sa vie. Le groupe des Apaches auquel il appartenait était composé de plusieurs sous-groupements. Ces derniers vivaient surtout au sud-ouest des Etats-Unis (Texas, Nouveau-Mexique, Mexique et Arizona) mais aussi dans les Grandes plaines centrales. Ils avaient eu des chefs valeureux dont l'histoire avait gardé les noms, comme le fameux Cochise (1812-1874) et ses fils, Tazha et Naiche, Avant de devenir le chef de tribu, Geronimo occupait la fonction enviée d'homme-médecin en même temps qu'il était un guerrier reconnu et respecté, ce qui lui permettra, plus tard, d'avoir une grande influence sur ses semblables. Déjà, à l'âge de dix-sept ans, il faisait partie du conseil de guerre des Apaches (1846). Son destin fut bouleversé, en 1858, à la suite du meurtre de sa famille – dont sa mère, sa femme et ses trois enfants — par l'armée mexicaine. En représailles, il dirigea plusieurs raids en territoire mexicain pour venger la mort des siens. Une lutte permanente contre l'oppression et l'injustice Quatre années après ces événements, en compagnie d'autres chefs apaches (Cochise et Mangas Colorados) il prit part à la bataille d'Apache Pass contre les troupes armées américaines. La lutte contre les contingents militaires envoyés par le gouvernement de Washington dura plus de dix ans, à l'issue de laquelle, Cochise, qui était alors le chef des Apaches, dut entrer en pourparlers avec les représentants du gouvernement américain et négocier un accord de paix pour mettre fin aux hostilités. Après la signature du traité, les Américains accordèrent aux Apaches une réserve sur leurs propres terres ! Celle-ci fut fermée finalement, en 1876, sur décision des autorités des Etats-Unis en dépit des engagements pris solennellement. Mais la raison du plus fort étant toujours la meilleure, les pauvres (aux sens propre et figuré) Indiens furent obligés de quitter leurs terres et de rejoindre une autre réserve, celle de San Carlos (Californie), aride et inculte car désertique. Geronimo et quelques autres chefs apaches refusèrent le fait accompli et se réfugièrent dans les montagnes pour se mettre à l'abri de leurs poursuivants. L'année suivante, il fut pris au Nouveau-Mexique par un agent américain et jeté en prison dans la ville de San Carlos où il resta quelques mois. Dès qu'il fut libéré, il s'enfuit de nouveau de la réserve et franchit la frontière en direction du Mexique où il mena une vie pénible faite de souffrances et de privations jusqu'en 1879, date à laquelle il devait retourner à San Carlos. En automne 1881, après la mort d'un leader spirituel apache de la main de soldats, Naiche, Geronimo et Juh durent s'enfuir une autre fois et quittèrent précipitamment leur réserve. Ils organisèrent plusieurs brutales et sanglantes attaques contre les colons blancs qui accaparaient les terres autrefois propriété des Indiens, et chaque fois ils allaient se réfugier dans les montagnes mexicaines toutes proches. Ils se défendaient dans le même temps contre l'armée mexicaine qui leur donnait la chasse sans interruption durant tout cette pénible période. Les attaques surprises des Apaches avaient lieu du côté des Etats-Unis, principalement en Arizona et au Nouveau-Mexique, tandis que l'armée américaine intervenait constamment pour protéger les colons et pionniers américains. Les autorités militaires décidèrent, alors, de traquer les Apaches dissidents dans les contrées mexicaines où ils se rendaient après chaque raid pour échapper aux recherches. Les officiers américains faisaient appel souvent aux éclaireurs apaches qui connaissaient parfaitement le terrain. A l'issue d'une sanglante attaque, en mai 1883, les chefs indiens se trouvaient acculés à se rendre, et au courant de l'année 1884, Geronimo se constitua prisonnier de nouveau dans la réserve de San Carlos, pour s'évader encore une fois avec ses compagnons avant qu'ils ne soient repris tous ensemble. Ce n'était pas la dernière fois, loin s'en faut, car une nouvelle évasion eut lieu, en mai 1885, avec 35 hommes et 109 femmes et enfants vers le pays voisin du Mexique, d'où ils lançaient des attaques meurtrières dans les Etats américains proches. Découvert par des éclaireurs apaches, en 1886, Geronimo accepte de rejoindre la réserve sous la surveillance des militaire. Quelque temps plus tard, il s'échappe en direction des montagnes accompagné par une quinzaine de guerriers et quelques femmes et enfants. Une lutte courageuse mais inégale L'état-major américain confia, alors, au général Nelson A. Miles la mission de le poursuivre en mobilisant 5 000 hommes et des milliers de volontaires. De l'autre côté de la frontière au sud, le gouvernement mexicain se mit lui aussi de la partie et engagea 3 000 soldats contre les Apaches. Geronimo et ses amis résistèrent plusieurs mois en parvenant à passer entre les mailles du filet tendu par les deux armées, en utilisant la surprise, la mobilité et leur connaissance admirable du terrain ainsi que leur capacité d'adaptation et de survie dans des conditions extrêmes. Mais épuisée et fatiguée par cette lutte incessante, la petite troupe des Apaches se résigna à déposer les armes, en septembre 1886, alors qu'il ne restait plus que 16 guerriers, 12 femmes et 6 enfants. Le Président américain Grover Cleveland (1837-1908) ordonna que les Apaches soient placés sous une étroite surveillance militaire loin de leur région natale, en Floride, située à des centaines de kilomètres plus loin. Mais le climat de ce territoire, humide et chaud, eut raison de ces enfants du désert plutôt habitués à un air sec et, ainsi, une bonne partie mourut ne résistant pas à ce changement climatique. Ceux qui survécurent furent dirigés vers l'Oklahoma où Geronimo se convertit, dit-on, au christianisme et devint exploitant d'une petite ferme, regrettant jusqu'à sa mort, en 1909, de s'être rendu aux autorités. Les historiens s'accordent tous à dire que la guérilla que Geronimo et ses compagnons ont menée est un bel exemple du genre. Ces valeureux indiens possédaient, en effet, incontestablement de grandes capacités à exploiter leurs ressources limitées et les contrées hostiles où ils étaient contraints de vivre difficilement, car ce sont des territoires arides, inhospitaliers et aux ressoureces presque inexistantes. Les montagnes étaient hautes et difficiles d'accès également, ce qui compliquait singulièrement la vie de ces Indiens fiers et au courage admirable et qui ne comprenaient pas l'acharnement des Blancs sur eux. Ce courage et cette bravoure reconnue prouvent que Geronimo, authentique héros de la nation indienne, était un stratège né et un tacticien hors pair, en parvenant à tenir tête, durant plusieurs années de surcroît, à la puissante armée américaine au nord et à l'armée mexicaine au sud.