Encore faut-il investir donc payer, pour atteindre cette perfection. Là, les choses se compliquent. Généralement, le doigt se pointe sur le voisin prié de faire les premiers efforts. C'est dans cet état d'esprit que travaillent depuis hier quelque 100 chefs d'Etat et de gouvernement réunis en sommet à Copenhague. La grande conférence doit définir et codifier, jusque dans les détails, jusqu'aux quotas d'émissions autorisées, l' «après Kyoto». Un chiffre, une date et un pourcentage sont à retenir du Sommet de Copenhague. Ou sur la plage des grands succès de l'humanité. Ou sur celle des échecs cuisants de l'homme. Le chiffre est de deux degrés en moyenne de réchauffement climatique tolérable par rapport au début de l'ère industrielle (XIXe siècle) jusqu'en 2100, la date butoir. Au-delà, selon les études scientifiques enfin prises au sérieux, y compris par les Américains, les conséquences seront inimaginables. Avec vraisemblablement en plus de diverses catastrophes naturelles, la fonte des glaces des pôles entraînant l'augmentation du niveau des mers qui submergerait une partie des terres habitables. Pour limiter le réchauffement à deux degrés, les dirigeants de la planète jonglent avec les pourcentages. Celui de 80% d'émissions en moins jusqu'en 2050 est le plus important. Il porte sur l'effort que doivent faire les pays industrialisés «anciens» ceux du G8, pour enrayer le cycle fatidique et ensuite permettre une réduction globale des gaz à effet de serre — tous pays confondus — de 50% par référence à l'année 1990. Et paraît-il, après 2050, il sera trop tard, l'objectif des «deux degrés» ne pourra plus être atteint. Le sommet de Copenhague consiste en une belle unanimité sur ces constats. Le réchauffement climatique est vraiment devenu une cause mondiale. Reste à trouver les moyens pour combattre le fléau. La Conférence de Copenhague sur le climat qui, depuis des mois est inscrite au calendrier de tous les grands pays comme une échéance capitale, nous fait vivre un rêve collectif. Rêve planétaire,pour nous avertir de l'immense pesanteur des incertitudes climatiques qui peu à peu s'installent dans nos consciences et brouillent notre vision de l'avenir dans la fumée ôcre de l'anxiété. C'est d'abord cela Copenhague. Un fantasme évanescent qui part à l'assaut d'une grande peur surgie, elle, du réel. On voudrait tellement ne pas être déçus. Ne pas devoir refermer la page de grand rassemblement, le 18 décembre prochain, sur une note désenchantée. Mais rien n'indique aujourd'hui que ce péril-là pourra être conjuré. Derrière les lumières du grand show qui attire plus de 2 000 diplomates, experts et journalistes dans la capitale du Danemark rôdent les ombres menaçantes de l'échec. Les acteurs qui vont décider de l'ampleur et de la rapidité de la réaction mondiale au réchauffement de la planète arrivent divisés sur des points essentiels. Si l'engagement de Barack Obama sonne, enfin, la mobilisation des Etats-Unis, si les résolutions de la Chine sont encourageantes, si l'attitude moins fermée de l'Inde change la donne, si la détermination d'un grand pays émergent comme le Brésil est une force, si le volontarisme du Japon illustre une ambition inédite, la totalité des efforts des grands du monde demeure nettement en-deçà du niveau nécessaire pour inverser, dans les délais, l'inéxorable et fatale progression des émissions de CO2. Les divergences sur les promesses pour limiter à 2° la hausse moyenne des températures, les laborieuses contorsions des pays du Nord pour aider le Sud et les pays les plus pauvres à participer eux, aussi, à la lutte contre le réchauffement, la réticence des pays tropicaux à cesser ou au moins ralentir la surexploitation de leurs forêts, sont autant de limites inquiétantes à l'enthousiasme. Copenhague ne se présente pas vraiment bien. Mais une chose est sûre, il y aura, l'après-Copenhague ! Dans ce rendez-vous pour le siècle, il reste dix jours pour faire mentir les pessimistes. Pour démentir l'ambiance délétère qui règne au sommet de Copenhague, le secrétaire général de l'ONU Ban ki moon se veut rassurant et optimiste. Mais au fond, nul ne sait si cela montre une vraie et rare volonté politique. Avec un autre avantage : elle fait oublier le problème du moment, la crise économique apparemment hors de portée des dirigeants de la planète. On voudrait tellement y croire et espérer que le Sommet de Copenhague marquera un tournant dans l'histoire de l'humanité. On voudrait tellement assister au jour zéro, cet instant impossible où toutes les nations s'accorderaient enfin pour sauvegarder leur bien commun : la terre. Hocine Eldrup Lire sur Internet