En 2006 sortait Le jour où la France a fait faillite, un livre d'économie et de politique- fiction un peu angoissant, rédigé par Philippe Jaffré et Laurent Mauduit. Tout commençait par la dégradation de la note de la dette publique de la France par les agences de notation. Les auteurs, bons connaisseurs des arcanes politiques et économiques, décrivait la cascade de conséquences catastrophiques d'une telle décision, d'un guichet de banque aux plus hautes sphères de l'Etat. Quand on voit la situation de la Grèce aujourd'hui, on ne peut qu'être inquiet... Alors que son endettement public est déjà supérieur à la valeur de son PIB national, la Grèce vient d'apprendre que les agences de notation dégradent la note de sa dette à long terme. Le scénario catastrophe de Philippe Jaffré et Laurent Mauduit peut-il s'enclencher? La dégradation de note de la dette entraîne un renchérissement des taux d'intérêt demandés par les marchés, ne faisant qu'étouffer un peu plus le pays dont les caisses sont déjà vides... L'équation grecque est un casse-tête particulier: l'économie souterraine, qui représente 40% du PIB, prive de recettes les finances publiques tandis que le système de retraite très avantageux pèse lourdement sur le budget. La Grèce n'est pas un cas isolé en Europe. Mercredi dernier, l'agence de notation Standards & Poor's laissait entendre que la note de la dette espagnole pourrait être rabaissée, après l'avoir déjà été début janvier. L'année 2009 a aussi vu les dégradations des notes de l'Irlande, de la Lettonie, de l'Estonie, de la Hongrie, et du Portugal. Certains affirment que les dangers de l'endettement excessif ne menacent que des pays du sud de l'Europe, des Etats baltes ou des émirats lointains. La vérité, c'est que la France n'est pas non plus à l'abri d'une dérive de ses comptes publics. Il ne s'agit pas d'être prophète de malheur: une baisse de la note de la France n'est pas d'actualité. Les fondamentaux économiques de notre pays sont infiniment plus solides que ceux de la Grèce. Notre pays appartient d'ailleurs au club très envié des triple A, les pays dont la dette est la mieux notée. L'agence Moody's a même confirmé cette semaine qu'elle plaçait la France au sommet de son classement à côté de l'Allemagne, et au dessus des Etats-Unis et du Royaume-Uni. Mais ne nous leurrons pas : les marchés ne pourront pas éternellement faire confiance à la France si elle continue de glisser aussi vite sur la pente de l'endettement massif. De pire en pire Quelques chiffres permettent de prendre conscience de l'ampleur du problème: nous allons atteindre les 165 milliards de déficit en 2009 (140 milliards pour l'Etat, 25 milliards pour la sécurité sociale) soit plus de 8% du PIB, pour une dette publique qui approchera probablement 1 654 milliards, soit 84% du PIB en 2010. Cela risque d'empirer: le gouvernement prévoit que la dette publique atteindra 88% du PIB en 2011, 90% en 2012 et 91% en 2013. Pour l'année prochaine, la charge de la dette est estimée à 42,5 milliards d'euros, c'est le deuxième poste de dépense de l'Etat, derrière l'éducation nationale. Très concrètement, cela veut dire que plus des deux tiers du produit de l'impôt sur le revenu sont uniquement consacrés à payer les intérêts de la dette. Et encore, nous bénéficions actuellement de taux d'intérêt extrêmement bas. La moindre remontée alourdirait considérablement la facture. Avec de tels niveaux, la dette n'est plus qu'une question technique ou économique, elle devient une question de société qui préoccupe de plus en plus les Français.