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De la misère à la renommée (I)
Fédor Mikhaïlovitch Dostoïevski (1821-1881)
Publié dans La Nouvelle République le 02 - 01 - 2010

Fédor Mikhaïlovitch Dostoïevski est un grand écrivain russe, né à Moscou le 30 octobre 1821 et mort à Saint-Pétersbourg le 28 janvier 1881. Il est généralement considéré comme l'un des plus grands romanciers russes, et a influencé de nombreux écrivains et philosophes.
Jeunesse et premiers écrits
La famille des Dostoïevski avait des origines dans la noblesse de la Pologne, pays voisin de la Russie tsariste que celle-ci a en plusieurs occasions occupé. Le père de Dostoïevski, Mikhaïl Andréiévitch, médecin militaire à l'hôpital des pauvres de Moscou, possédait deux villages qu'il avait acquis en 1831. En 1839, il a été assassiné par des serfs, après qu'il les eut maltraités, car la société russe de l'époque était une société archaïque divisée en deux classes sociales principales : l'aristocratie au sommet, et en face les serfs qui représentait la majorité de la population. Pour le malheur du futur écrivain, sa mère, Maria Fedorovna Netchaiev, était morte deux ans plus tôt, en 1837, alors qu'il venait d'atteindre sa seizième année.
Après en avoir réussi l'examen d'entrée, Dostoïevski entra à l'Ecole supérieure des ingénieurs militaires de Saint-Pétersbourg en 1838. Il effectua sa scolarité dans l'indigence, n'ayant parfois pas de quoi se nourrir, car son père refusait de lui envoyer suffisamment d'argent. C'était un élève taciturne, au regard mystérieusement mélancolique, qui ne s'intégrait pas assez bien à l'école ni ne fréquentait ses camarades d'études dont il méprisait le matérialisme et le carriérisme auxquels ils pensaient tout le temps pour un avenir meilleur et sans difficultés. En 1842, il fut nommé sous-lieutenant et entra ainsi en tant que dessinateur à la direction du génie militaire. En 1844, lui le personnage rêveur et triste, pensait surtout à écrire des ouvrages comme une sorte de thérapie. Alors, dédaignant la carrière militaire qui se présentait devant lui, il demanda sa retraite pour pouvoir se consacrer à son premier roman, les Pauvres gens. Publié en 1846, celui-ci connut un succès certain et valut à son auteur d'être remarqué par le poète Nikolaï Nekrassov et un influent critique, Vissarion Belinsky. Il se retrouva alors immédiatement propulsé au rang de «nouveau Gogol» et paradait dans les cercles mondains de la grande ville et capitale russe du nord, Saint-Pétersbourg. Il ne se sentait pas du tout à l'aise dans ce milieu où régnaient, surtout, la superficialité et l'hypocrisie. Bientôt, l'élite commençait à railler son manque de tenue et son air abattu. Le célèbre auteur russe Tourgueniev le surnommait le «chevalier à la triste mine». Sa disgrâce va être accélérée avec la publication de ses romans suivants (le Double et la Logeuse) qui ne rencontrèrent pas, néanmoins, le succès auquel il s'attendait.
Au cours de l'année 1847, il commença à fréquenter le cercle du socialiste utopiste modéré Mikhaïl Petrachevski, fonctionnaire au ministère des Affaires étrangères. Il n'adhèra pas à un système en particulier mais cherchait à maintenir une présence dans les milieux intellectuels progressistes pétersbourgeois. Il ne fréquentait pas ces cercles pour fomenter de réelles actions révolutionnaires mais surtout pour discuter d'idées nouvelles et en particulier, parler de l'avenir de son pays, la Russie. Durant cette même année, il fit sa première crise d'épilepsie, alors qu'il venait juste d'avoir 26 ans.
Le bagne d'Omsk
En avril 1849, les membres du cercle Petrachevski furent arrêtés par la police du régime absolutiste russe, y compris Dostoïevski qui fut emprisonné. Le tsar qui régnait, alors, Nicolas Ier, voyait resurgir le spectre du complot des fameux Décembristes, un mouvement insurrectionnel qui se propageait dans l'armée et qui avait abouti à la sanglante émeute du 14 décembre 1825. Après un simulacre d'exécution sur la place Semenov, le 22 décembre 1849, le tsar ayant gracié les prisonniers au moment même où ils allaient être exécutés, la sentence est transformée en un exil de plusieurs années et la peine commuée en déportation dans un bagne de Sibérie.
En 1850, Dostoïevski arriva à la ville d'Omsk (Souvenirs de la maison des morts, 1860), épisode relaté dans le cycle romanesque la Lumière des justes de l'écrivain français, Henri Troyat. Cependant, les punitions corporelles lui sont épargnées sur l'intervention d'un officier d'origine française qui était au service de l'armée russe. Dans les baraquements, il partageait sa vie avec des forçats de droit commun. Ainsi, il écrivait dans sa correspondance : «Je n'ai pas perdu mon temps : j'ai appris à bien connaître le peuple russe, comme peut-être peu le connaissent.» Cela obligea l'intellectuel de salon qu'il était à commencer son évolution : «J'étais coupable, j'en ai pleine conscience... J'ai été condamné légalement et en bonne justice... Ma longue expérience, pénible, douloureuse, m'a rendu ma lucidité... C'est ma croix, je l'ai méritée... Le bagne m'a beaucoup pris et beaucoup inculqué. » Cette période déterminante dans son œuvre donnera lieu à plusieurs passages importants de ses livres dont une partie de Crime et Châtiment.
Enfin, sorti du bagne !
Sa peine se termina en 1854 et il fut affecté comme officier à un régiment de Sibérie. Il recommença à écrire : les Souvenirs de la maison des morts, récit romancé de sa vie au bagne, puis une comédie, le Bourg de Stépantchikovo et sa population. En 1857, il épousa Maria Dimitrievna Isaeva.
En 1860, il obtient sa retraite comme sous-lieutenant et l'autorisation de rentrer vivre à Saint-Petersbourg, sous la surveillance de la police secrète.
Il renoua alors avec les libéraux et fonde avec son frère Mikhaïl une revue modérée et nationaliste, le Temps.
Cette revue sera interdite, en 1863, car un article publié était jugé trop contestataire par la censure. L'arrivée au pouvoir du nouveau tsar Alexandre II, en 1855, amena de nombreuses réformes sociales en Russie.
Le servage est aboli en 1861. Malgré ces ouvertures politiques, on assista à l'émergence de mouvements révolutionnaires violents, ce qui inquiétait beaucoup Dostoïevski.
(A suivre)


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