Une vieille tradition veut, en effet, que dans chaque maison rurale, aussi modeste soit-elle, il doit exister une chambre pour recevoir l'hôte. Cette caractéristique avait encouragé, entre les années 1950 et 1980, le développement d'un certain genre de tourisme dans cette région des portes du Sahara. Ce fut un tourisme typique, original s'il en est, que l'on appelait alors «tourisme rural». Un vaste territoire, d'un million hectares, était mis à la disposition de cette activité, servie par la diversité des campagnes de cette région, riche de deux zones humides classées Ramsar depuis 1982, à savoir les chotts El Hodna et Zahrez, ainsi qu'une réserve naturelle à Morkob, de sites historiques et d'un couvert forestier important, qui fut la destination préférée des amateurs de chasse en quête de gibiers rares, dont la gazelle de l'Atlas. Les responsables locaux en charge du secteur du tourisme œuvrent, ce faisant, à «ressusciter» et à relancer ce tourisme rural dans ces aires steppiques, célèbres pour leur vocation pastorale, au travers, notamment, du développement des capacités d'hébergement et de restauration et de l'organisation d'activités de loisirs adaptées. La valorisation de ce type de tourisme relève, en premier lieu, des missions des collectivités locales, à leur tête les assemblées populaires communales, qui doivent y voir «une opportunité de développer leurs ressources», affirment toutefois ces mêmes responsables, qui notent que leur rôle est «complémentaire» et porte sur «l'orientation des touristes et l'encouragement de l'implantation d'établissements hôteliers et de refuges ruraux bien équipés». Les habitants des régions steppiques qui ont connu, vers le milieu du siècle dernier, une activité intense dans ce type de tourisme, doivent s'atteler à explorer de nouvelles voies pour la relance de cette activité économique, insiste-t-on. Selon une récente étude de la direction du Tourisme, des agriculteurs et des éleveurs de M'sila avaient pratiqué ce mode de tourisme, en assurant le gîte et le couvert à des touristes nationaux et étrangers, et en organisant des parties de chasse, des manifestations de tir et des activités de loisirs ainsi que des visites guidées vers les sites naturels. Cela engendrait un afflux de visiteurs, créant ainsi une «véritable dynamique de développement» et un «moyen de diversification des sources de revenus des ménages» de ces contrées à vocation agropastorale. Parties de chasse, «Chekhchoukha» et «Sviti» C'étaient les paysans et des éleveurs qui assuraient la restauration aux groupes de visiteurs qui pouvaient découvrir (et apprécier) la variété des traditions culinaires locales au travers de plats comme la «Chekhchoukha», la fameuse «salade du Mehras» (ou «Sviti», un savoureux mélange de galette fine, de piment et de condiments, écrasés dans un pilon de bois) et l'éternel couscous, en plus des veillées traditionnelles autour d'un thé à la menthe, au son des musiques populaires. Des barbecues géants étaient également organisés, notamment par les éleveurs qui s'y entendaient pour choisir, parmi leurs propres troupeaux, l'agneau à la meilleure chair avant de l'immoler pour un succulent méchoui, la carcasse étant cuite entière, à la broche, sur un feu de bois, dont les crépitements faisaient écho au son de la «Gasba» (flûte traditionnelle). Layachi, 75 ans, se souvient que l'on accompagnait le méchoui par «El-lefif», le foie de l'agneau enroulé dans une crépine (fine couche de graisse) cuit sur la braise. L'odeur qui s'en dégageait, assure-t-il, aiguisait l'appétit des invités, qui se souciaient peu, dès lors, du prix à débourser pour se régaler. Si le méchoui est plutôt une spécialité d'hommes, la Chekhchoukha constitue une occupation exclusivement féminine. Ce plat copieux, servi à la demande, se décline en deux variétés qui ne se différencient, en fait, que par la qualité de R'kak (fines feuilles à base de semoule, un peu plus épaisses que la pâte à bourek ou «dioul»). Il arrivait même, dit-on, que les touristes choisissent leur destination en fonction du type de Chekhchoukha qu'ils voulaient déguster, même si, en réalité, la sauce est préparée, pratiquement, de la même manière et avec les mêmes ingrédients. Des paysages superbes, des sites historiques réputés, une gastronomie originale et, ce qui ne gâche rien, une hospitalité proverbiale des gens du Hodna, devraient permettre à cette région de constituer, à nouveau, une destination privilégiée pour des touristes en quête d'évasion et d'exotisme. Il reste qu'une véritable relance du tourisme rural requiert, selon les responsables qui en ont la charge, la conjugaison des efforts de l'ensemble des acteurs locaux, dont les collectivités locales, les agences de voyage et les habitants, lesquels ne demandent, comme le soutient le vieux Layachi, qu'à renouer avec leurs traditions d'hospitalité et de bienséance.