Cette région est peu peuplée de ruraux, qui occupent les collines et les plaines entre 800 m et 1 000 m d'altitude et dont le mode de vie, lié à la terre, est soumis aux aléas du climat méditerranéen avec des étés chauds et secs (40°C), des hivers froids (-5°C) et des précipitations d'environ 1 000 mm par an. Là où l'arboriculture (forêt : chêne, pins, noyer, peuplier, mûrier ; plantations fruitières : olivier dominant, figuier, grenadier, agrumes) s'associe à un élevage domestique (vache, mouton, volaille). On y rencontre la maison en pisé à cour centrale et toiture plate ou inclinée à double pente, le moulin à bras en pierre, les moulins et les presses à huile, les silos à grains, à paille ou à olives, le puits à poulie, le mode de transport animal (âne), ou de labours (mule, âne) et la poterie domestique féminine d'argile rouge moulée à fond plat, proposée l'été sur le marché de Tizi Lakhmis et Ith Khellifa. Arrivé au sommet de la montagne, les premiers oliviers parviennent à l'horizon. Par leurs grandeurs et leurs profils particuliers, ces arbres sont ancrés dans la mémoire collective de la région. Nous commençons lentement la descente de cette route, jusqu'à notre arrivée à la destination. C'est une oliveraie d'une centaine d'arbres, perchée près de l'oppidum de Djamaâ Oudhrar. Cet événement annuel, qui ressemble à une véritable fête. L'olivier, cet emblème kabyle, est un arbre méditerranéen, qui se pousse bien dans la région, frontalière avec la wilaya de Béjaïa. Il craint les basses températures, préférant donc la douceur des hivers des Hauts-Plateaux, appréciant les pluies d'automne et de printemps, adorant les étés secs, chauds et ensoleillés. Les fruits de l'olivier se cueillent depuis novembre jusqu'à février. Chaque variété arrivant à des périodes de maturité différentes. Le soleil étant au rendez-vous, les champs sont envahis par les paysans dont certains sont venus de loin pour l'occasion. Cette occasion sera non seulement celle du ramassage mais aussi celle de s'enquérir de la situation du patrimoine oléicole de la famille et faire des rencontres qui aboutissent généralement à des mariages. Dans tout le village, les femmes participent à cette tâche avec patience et responsabilité. Elles ont les tâches les plus délicates de la cueillette : en plus du ramassage, prendre soin du fruits et de toute la famille et amis qui participent à l'opération. Comme la chance était de notre côté, cette journée qui coïncide avec le week-end a été choisie par la population du village comme jour de la Twiza (forme de solidarité interfamiliale pour la récolte de leurs olives). Les familles se sont rassemblées devant l'entrée du champ. Après s'être assurés de la présence de tous les effectifs et après un contrôle minutieux des provisions, les volontaires ont entamé sa marche, vers la conquête des champs d'olives. Cette dernière nous a donné l'impression d'être aux côtés des chercheurs d'or. Pour Da Mouloud, un vieux paysan, l'organisation de la twiza est une forme de solidarité sociale dans laquelle les familles et les personnes oublient leurs querelles, pour se pencher sur un seul objectif, celui d'honorer l'olivier et les traditions ancestrales des Amazighs. Selon lui, l'olive, en tant que symbole de la région incite la population à des efforts importants. Les ouvriers, composés de toute la famille, même les petits, étalent une bâche en plastique au pied de l'arbre, se munissent d'une gaule en bambou ou en roseau avec laquelle ils vont secouer délicatement les branches chargées de fruits. Aujourd'hui encore et malgré l'introduction de nouvelles techniques, les cueilleurs préfèrent les outils agricoles manuels. Cet héritage, entretenu au fil du temps, n'a point connu de changement aussi bien dans la forme que dans la méthode. La cueillette se fait à la main. On a de moins en moins recours au gaulage comme cela se faisait par le passé, de peur de blesser l'arbre, avec en conséquence des séquelles qui se traduisent souvent par un rendement faible. Les fruits se détachent des rameaux et tombent dans le filet formant un tapis. Il faudra alors ramasser les olives une à une. Il est parfois nécessaire de pénétrer sous le feuillage de l'olivier pour avoir accès aux branches qui ploient sous le poids des fruits. Les olives sont déchargées dans des caisses ou des corbeilles en paille. A dos d'âne, les fruits sont transportés au village. Chaque soir, les adultes étalent la récolte dans des chambres bien aérées et exposées au soleil. Le matin avant de repartir aux champs, il faut remuer la récolte, séparer les olives de tout ce qui est léger (feuilles, poussière, brindilles). Les feuilles sont utilisées comme aliment de bétail alors que les branches sont transformées en charbon. Autre activité liée à la saison, le labour à la charrue fabriquée à partir du bois d'olivier. Une technique qui permet de s'approcher de l'olivier sans abîmer ses racines. Les flûtes ne sont pas écartées de leurs cortèges. Ils profitent de leur repos pour se mettre à chanter, tout en dégustant leur goûter. Durant ces moments, tous les membres de la famille se régalent à fond. Pour les vieux et les veilles, il s'agit là d'une manière de remercier Dieu pour ses dons. Ils considèrent ses chants également, comme une reconnaissance vis-à-vis de leurs coutumes et leurs traditions. (A suivre)