La mission parlementaire pluraliste, présidée par un député communiste a travaillé depuis l'été sur le sujet de la burqa. Elle a auditionné des dizaines d'experts religieux musulmans ou de responsables de l'ordre public. Elle a pour objectif, difficile à atteindre de parvenir à une solution suscitant un large consensus, donc soutenue aussi bien par l'opposition que par la majorité, combattant le port de burqa sans pour autant stigmatiser une communauté musulmane dont moins d'une femme sur 1 000 s'affuble de ce voile intégral. L'exercice n'est pas facile. Le rapport préconise, notamment, une loi qui obligerait les femmes à se présenter et à rester à visage découvert dans tout service public : hôpitaux, écoles, transports en commun compris, faute de quoi elles ne pourraient prétendre, par exemple, aux prestations sociales qu'elles souhaitent. Une loi d'interdiction générale, qui introduirait une peine d'amende pour les contrevenantes, est, en revanche, écartée. Au moment où le débat sur l'identité nationale — mal posé, à un mauvais moment — se déchaîne à moins de deux mois des élections régionales de mars prochain, voici que l'éternelle querelle de la burqa vient se greffer sur la discussion et ajouter encore de l'acidité et de la complexité à un sujet qui n'en avait vraiment pas besoin. Certes, il est vrai que la quasi-totalité des Français est incontestablement hostile, au mot de la burqa dans l'espace public. Ces femmes emprisonnées par leur propre voile sont sans doute peu nombreuses (quelque 2 000 à l'échelle nationale) mais elles symbolisent un rejet de la société dans laquelle elles vivent, une méfiance vis-à-vis des individus qui la composent, une volonté d'imposer leurs mœurs et leurs rites intégristes dans l'espace public. Elles suscitent la méfiance, la crainte, voire l'aversion, elles caricatures l'image de l'Islam en France. Comment ne pas être gêné, attristé ou carrément choqué, quand on croise en pleine rue ces apparitions, tout droits sorties d'un épisode de Belphégor, qui semblent énumérées dans leur forteresse de coton noir ? On ne saurait rester inerte devant l'image d'un tel effacement, d'un tel signal de méfiance adressée à la société. D'un tel déni de soi. Et de provocation à l'égard des valeurs d'égalité de la société française. Le voile intégral n'est, pourtant, en rien une exigence religieuse. Il est l'emblème de la stratégie de certains groupes fondamentalistes (d'autres y sont opposés) d'engager une épreuve de force dans les pays occidentaux en majorité chrétiens. Jusqu'à une période récente, la burqa n'était qu'une curiosité exotique, caractéristique d'une poignée de pays du Moyen-Orient ou de quelques minuscules minorités intégristes. Depuis les attentats du 11 septembre, elle devient l'instrument d'une bataille de l'image. Leur port est interdit au sein des services publics : on ne confie pas un enfant à la sortie de l'école à une femme qui, portant la burqa, ne peut pas être identifiée. On ne dispense pas une femme couverte d'un voile intégral de contrôle d'identité. Pour remplir les formalités administratives, il faut montrer son visage et on ne peut le cacher à un médecin hospitalier. Reste que des incidents éclatent trop souvent avec les accompagnateurs des femmes portant la burqa. Peut-on pour autant en prohiber le port dans la rue ? La grande majorité des juristes ne le pense pas. Une loi globale risquerait, donc, être censurée par le Conseil constitutionnel ou par la Cour européenne des droits de l'homme, ce qui serait une défaite humiliante pour la France. Une nouvelle arme législative apparaîtrait, donc, comme une réponse inadaptée et probablement inconstitutionnelle. Au nom du respect des libertés individuelles. On peut s'habiller comme on veut ! — La commission Stasi avait préconisé en équilibre intelligent. Il paraît impossible, aujourd'hui, d'aller au-delà de «la loi sur le voile» de 2004, que les démocraties anglo-saxonnes — Barak Obama en tête --- trouvent déjà très excessive… Plutôt consensuelle, elle a généré un apaisement manifeste et constitue à l'usage, une protection solide et précieuse pour le principe de laïcité à l'école et dans les services publics. La loi sur le voile de la commission Stasi vaudrait mieux qu'une loi globale stigmatisant une communauté toute entière, d'ailleurs plus excédée qu'attirée par la burqa.