La grande œuvre qui a fait la réputation de La Rochefoucauld, ce sont les Maximes. Il avait commencé à y travailler, en 1658, mais la première édition ne paraîtra qu'en 1664. Une fois encore, il s'était inscrit dans la perspective du public des salons : il avait adopté le genre de la maxime qui avait pour but d'exprimer une vérité de façon concise, paradoxale et brillante. Il se servait de ce moule plaisant pour développer une morale profonde et lucide. La boucle de sa vie était ainsi bouclée. Après avoir vécu les désillusions de l'action, La Rochefoucauld avait tiré les conséquences de son échec, en donnant une vision pessimiste de l'homme. Les Maximes (1664) Les Maximes, œuvre de près de vingt années, sont l'ouvrage de la maturité et de la vieillesse d'un écrivain qui s'engagea tardivement dans la voie de la littérature. Elles montrent l'évolution d'une pensée progressivement enrichie par l'expérience, mais aussi assombrie par les désillusions. La Rochefoucauld avait quarante-cinq ans, lorsque, en 1658, il avait commencé l'élaboration de ses Maximes. Il avait soixante-cinq ans, lorsqu'en 1678 il avait fait publier la dernière édition de son vivant. La première édition était parue, en 1664, en Hollande sous le titre de Sentences et maximes morales. La seconde édition avait vu le jour en France, en 1665, sous l'appellation de Réflexions ou Sentences et maximes morales et a été suivie de bien d'autres. C'est que le succès de ce livre était considérable. Les bons esprits de l'époque se reconnaissaient dans cette vision lucide et désabusée du monde. Durant ces vingt années d'élaboration, l'œuvre prenait progressivement de l'ampleur. Forte de cent quatre-vingt-huit maximes, en 1664, elle devait compter finalement six cent quarante et une maximes et dix-neuf remarquables réflexions sur des sujets divers, dont la rédaction était plus développée. Dans ces remarques sur le comportement humain qui se succédaient sans ordre établi, s'affirmait, en fait, une pensée cohérente. La Rochefoucauld y démontrait cruellement la véritable motivation de l'homme. Il montrait comment toute action s'explique par le jeu de l'amour-propre, pulsion instinctive qui pousse chaque individu à tout ramener à soi, à raisonner en fonction de son propre intérêt. Il développait, ainsi, une philosophie pessimiste reposant sur l'idée que l'être humain était incapable de rechercher l'absolu et d'aspirer à l'idéal du bien. Quelques citations de La Rochefoucauld Les réflexions de cet auteur remarquable étaient teintées d'un réalisme acerbe, direct et sans ambages. En voici quelques-unes tirées pour la plupart de son œuvre maîtresse. «Ce que nous prenons pour des vertus n'est souvent qu'un assemblage de diverses actions et de divers intérêts, que la fortune ou notre industrie savent arranger ; et ce n'est pas toujours par valeur et par chasteté que les hommes sont vaillants, et que les femmes sont chastes.» (Réflexions ou sentences et maximes morales) - «Nous aurions souvent honte de nos plus belles actions si le monde voyait tous les motifs qui les produisent.» (Maximes) - «L'amour-propre est le plus grand de tous les flatteurs.» (Maximes) - «Tout arrive en France.» (Maximes, réflexions morales) - «Il y a peu d'honnêtes femmes qui ne soient lasses de leur métier.» (Maximes) - «Qui vit sans folie, n'est pas si sage qu'on croit.» (Maximes) - «On peut trouver des femmes qui n'ont jamais eu de galanterie, mais il est rare d'en trouver qui n'en aient jamais eu qu'une.» (Maximes) - «Il est du véritable amour comme de l'apparition des esprits : tout le monde en parle, mais peu de gens en ont vu.» (Maximes) - «Le plaisir d'amour est d'aimer ; et l'on est plus heureux par la passion que l'on a que par celle que l'on donne.» (Maximes) - «Les amants ne voient les défauts de leurs maîtresses que lorsque leur enchantement est fini.» (Maximes) - «C'est plutôt par l'estime de nos propres sentiments que nous exagérons les bonnes qualités des autres, que par l'estime de leur mérite; et nous voulons nous attirer des louanges, lorsqu'il semble que nous leur en donnons.» (Réflexions ou sentences et maximes morales) - «Il n'y a point de déguisement qui puisse longtemps cacher l'amour où il est, ni le feindre où il n'est pas.» (Maximes) - «Dans la vieillesse de l'amour comme dans celle de l'âge on vit encore pour les maux, mais on ne vit plus pour les plaisirs.» (Maximes) - «La politesse de l'esprit consiste à penser des choses honnêtes et délicates.» (Réflexions ou sentences et maximes morales) - «Il y a dans la jalousie plus d'amour-propre que d'amour.» (Maximes) - «La véritable éloquence consiste à dire tout ce qu'il faut et à ne dire que ce qu'il faut.» (Maximes) - «Ce qui fait que les amants et les maîtresses ne s'ennuient point d'être ensemble, c'est qu'ils parlent toujours d'eux-mêmes.» (Réflexions ou sentences et maximes morales) - «Les vieux fous sont plus fous que les jeunes.» (Réflexions ou sentences et maximes morales). (Suite et fin)