La fin de la lutte sanglante qui opposa ces deux grands généraux romains finit par la défaite – et la mort – du premier permettant à son ennemi de triompher définitivement à l'issue de la bataille de Pharsale (Thessalie, Grèce), en l'année 48 av. J.-C. Le général Cnéuis Magnus Pompée (106-48 av. J.-C.), qui avait son camp sur une hauteur, se bornait à ranger ses troupes en bataille, au pied de la colline, attendant sans doute que son rival, Jules César (101-44 av. J.-C.), s'engageât dans quelque poste désavantageux. César pensant qu'il ne pourrait jamais attirer Pompée au combat, crut que le mieux pour lui était de décamper et d'être toujours en marche ; il espérait qu'en ne cessant de changer de camp et de parcourir le pays, il aurait plus de facilités à avoir des vivres ; que chemin faisant il trouverait peut-être quelque bonne occasion d'en venir aux mains ; ou que, du moins, il épuiserait par ce mouvement continuel l'armée ennemie, peu accoutumée à la fatigue. Ce parti pris, le signal du départ donné et les tentes pliées, César s'aperçut que l'armée ennemie, contre sa coutume, venait de s'avancer un peu plus hors des retranchements, et qu'il pourrait la combattre sans désavantage. Alors, s'adressant à ses troupes, qui déjà étaient aux portes du camp : «Il faut, dit-il, différer pour le moment notre départ et songer au combat, si, comme nous l'avons toujours souhaité, nous sommes prêts à en venir aux mains : il ne nous sera pas facile de trouver plus tard une semblable occasion.» Aussitôt, il fait marcher ses troupes en avant. Pompée harangue ses troupes Pompée, de son côté, comme on le sut depuis, cédant aux instances des siens, s'était déterminé à livrer bataille. Il avait même dit, quelques jours auparavant, en plein conseil, que l'armée de César serait défaite avant qu'on en vînt aux mains. Et comme, à ces paroles, la plupart s'étonnaient : «Je sais, dit-il, qu'en cela je promets une chose presque incroyable ; mais écoutez mon dessein et vous marcherez avec plus d'assurance à l'ennemi. D'après mes conseils, notre cavalerie s'est engagée, lorsqu'elle serait à portée de l'aile droite de l'ennemi, à la prendre en flanc, afin que, l'infanterie l'enveloppant par derrière, l'armée de César soit mise en déroute avant que nous ayons lancé un seul trait. Ainsi, nous terminerons la guerre sans exposer les légions et presque sans tirer l'épée ; ce qui nous est facile, étant si supérieurs en cavalerie.» En même temps il les exhorta à se tenir prêts, et, puisque, enfin, ils allaient combattre comme ils l'avaient souvent demandé, à ne point démentir l'opinion que l'on avait conçue de leur expérience et de leur courage. Un légionnaire prend la parole Labiénus, l'un des lieutenants de Pompée, prend alors la parole, et, affectant de mépriser les troupes de César et d'exalter le projet de Pompée : «Ne crois pas, dit-il, ô Pompée !, que ce soit ici la même armée qui a conquis la Gaule et la Germanie. J'ai assisté à tous les combats et je ne parle pas à la légère de choses que je ne connais point. Il ne reste plus que la moindre partie de cette armée : la plupart ont péri dans tant de combats, comme cela devait être ; un grand nombre ont été emportés par le mauvais air qui règne pendant l'automne en Italie. Beaucoup se sont retirés chez eux ; beaucoup d'autres ont été laissés sur le continent. N'avez-vous pas vous-mêmes entendu dire que de ceux qui étaient restés malades à Brindes, on a formé des cohortes ? Les troupes que vous voyez sont composées de ces levées que l'on a faites, les années dernières, dans la Gaule citérieure, et le plupart dans les colonies transpadanes. D'ailleurs, tout ce qui en faisait la force a péri dans les deux combats de Dyrrachium.» Après ce discours il fit serment de ne rentrer au camp que vainqueur et invita les autres à prêter le même serment. Pompée, qui l'approuvait, se hâta de jurer la même chose, et pas un ne balança à suivre cet exemple. Après cela le conseil se sépara plein de joie et d'espoir : ils croyaient déjà tenir la victoire ; la parole d'un général aussi habile, et dans une circonstance aussi décisive, ne leur permettait aucun doute. Ordre de bataille de l'armée pompéenne Jules César, s'étant approché du camp de Pompée, observa son ordre de bataille. À l'aile gauche étaient les deux légions nommées la première et la troisième, que César avait envoyées à Pompée au commencement des troubles, en vertu d'un décret du sénat ; c'est là que se tenait Pompée. Scipion occupait le centre avec les légions de Syrie. La légion de Cilicie, jointe aux cohortes espagnoles qu'avait amenées Afranius, était placée à l'aile droite. Pompée regardait ces dernières troupes comme les meilleures. Le reste avait été distribué entre le centre et les deux ailes, et le tout montait à cent dix cohortes, qui faisaient quarante-cinq mille hommes. Deux mille vétérans environ, précédemment récompensés pour leurs services, étaient venus le joindre. Il les avait dispersés dans toute son armée. Les autres cohortes, au nombre de sept, avaient été laissées à la garde de son camp et des forts voisins. Son aile droite était couverte par un ruisseau aux bords escarpés ; aussi avait-il mis toute sa cavalerie, ses archers et ses frondeurs à l'aile gauche. Ordre de bataille dans le camp de César Jules César, gardant toujours son ancien ordre de bataille, avait placé la dixième légion à l'aile droite et, à la gauche, la neuvième, quoique fort affaiblie par les combats de Dyrrachium. Il y joignit la huitième légion, en sorte que les deux réunies n'en faisaient à peu près qu'une, et il leur recommanda de se soutenir l'une l'autre. Il avait en ligne quatre-vingts cohortes, environ vingt-deux mille hommes. Deux cohortes avaient été laissées à la garde du camp. César avait donné le commandement de l'aile gauche à Marc Antoine, celui de la droite à Pompius Sylla, celui du centre à Domitius. Pour lui, il se plaça juste en face de Pompée. Mais, après avoir reconnu la disposition de l'armée ennemie, craignant que son aile droite ne fût enveloppée par la nombreuse cavalerie de Pompée, il tira au plus tôt de sa troisième ligne une cohorte par légion, et en forma une quatrième ligne pour l'opposer à la cavalerie. Il lui montra ce qu'elle avait à faire et l'avertit que le succès de la journée dépendait de sa valeur. En même temps, il commanda à toute l'armée, et en particulier à la troisième ligne, de ne pas s'ébranler sans son ordre, se réservant, quand il le jugerait à propos, de donner le signal au moyen de l'étendard. (A suivre)