Les dernières provocations du gouvernement israélien à leur égard confirment la politique agressive de judaïsation entreprise depuis plusieurs années par les autorités israéliennes. Cette tension au sujet des Lieux saints, particulièrement de l'esplanade des Mosquées et de la mosquée Al-Aqsa, arrive dans un contexte de crise qui présage de lendemains orageux. Des provocations en cascade Depuis quelques semaines, le gouvernement israélien a, coup sur coup, pris plusieurs mesures rendant la situation explosive en Palestine. En l'espace de trois semaines, le cabinet de Benyamin Netanyahou a décidé d'annexer deux édifices religieux islamiques particulièrement sensibles dans le patrimoine national de l'Etat juif, d'humilier le vice-président américain Joe Biden en annonçant lors de sa venue le projet de construction de centaines de colonies israéliennes à Jérusalem-Est, d'empêcher à de nombreuses reprises les Palestiniens de moins de 50 ans de prier sur l'esplanade des mosquées, de boucler totalement la Cisjordanie pendant plusieurs jours, le tout dans une Palestine qui continue de subir les foudres d'une occupation de plus en plus insupportable. Sans parler de Gaza qui croupit toujours dans son isolement infâme et où chaque jour qui passe la rapproche de la catastrophe humanitaire. De provocations honteuses en déclarations fracassantes, le gouvernement israélien poursuit sa politique du pire. Et ce n'est pas le tollé qu'ont provoqué ces différentes annonces auprès de la communauté internationale qui semble freiner la détermination des faucons israéliens. Car ce gouvernement, largement dominé par l'extrême droite religieuse, applique méthodiquement une politique qui, non seulement, tourne le dos à la paix, mais met en place toutes les conditions pour la reprise d'une confrontation. Composé d'ultras, sa stratégie est simple et cynique : réduire à néant toute idée d'Etat palestinien, faire le grand Israël et forcer les Palestiniens à signer une paix de la soumission. Les derniers évènements le prouvent : ce cabinet a fait de l'intransigeance et de l'arrogance ses principales caractéristiques, et l'obstination de M. Netanyahou à soutenir l'extension des colonies, malgré la désapprobation unanime des capitales occidentales, en est la dernière illustration. La vraie question est aujourd'hui celle de savoir jusqu'où les Israéliens iront dans cette fuite en avant outrancière et que se cache derrière cette stratégie de la terreur. Car les dirigeants israéliens ne se contentent pas seulement de brutaliser la population palestinienne ; ils ne ratent jamais une occasion de menacer ouvertement l'Iran d'une attaque militaire préventive qui, si elle est déclenchée, suscitera un véritable apocalypse. Des lieux saints en danger En fait, les décisions prises ces dernières semaines révèlent au grand jour la véritable nature du gouvernement israélien, lui-même reflet de l'état de l'opinion israélienne qui s'est radicalisée au fil des dernières années. La récente décision, que M. Netanyahou savait foncièrement provocante pour les Palestiniens, d'ajouter les deux lieux saints de Cisjordanie à la liste des sites enregistrés au patrimoine archéologique d'Israël a été prise suite aux pressions du parti juif ultra-orthodoxe Shass. C'est le président du même parti Shass, Eli Yishaï, également ministre de l'Intérieur, qui a annoncé, en pleine visite du vice-président américain, la construction de 1.600 nouveaux logements dans la colonie ultra-orthodoxe Ramat Shlomo, située dans un secteur à majorité arabe de Jérusalem-Est. Au même moment, le journal Ha'aretz dévoilait le plan de la mairie de Jérusalem qui prévoirait de bâtir 50.000 nouveaux logements dans le secteur oriental de la Ville sainte. Le cabinet israélien ne pouvait ignorer que ces concessions répétées à l'extrême droite religieuse ne pouvaient qu'embraser la situation et éloigner encore davantage le retour aux négociations indirectes, sapant ainsi les efforts américains en vue d'une reprise, même timide, des pourparlers de paix. On comprend, dans ces conditions, l'exaspération et la colère de l'opinion palestinienne. Depuis plusieurs semaines, pas un jour ne passe sans qu'éclate ici ou là des affrontements avec la police ou l'armée israélienne faisant craindre l'émergence d'une nouvelle Intifada. La tension est à son comble, notamment au sujet de la mosquée Al-Aqsa. Lundi 15 mars 2010, une nouvelle synagogue, située à quelques dizaines de mètres de la mosquée, était inaugurée en grande pompe. Cette synagogue, dite de la Hourva – appellation que les Palestiniens traduisent par le terme arabe Al-Kharab, lui-même signifiant démolition, terme qui en dit long sur la portée d'un tel édifice – a mis le feu aux poudres. Les colons présents à son inauguration n'ont jamais caché leur sombre projet de détruire la mosquée Al-Aqsa. En effet, tout un courant juif fanatique – soutenu en cela par la mouvance des protestants évangélistes américains – prône depuis de nombreuses années la destruction du troisième lieu saint de l'islam pour construire à sa place le Temple de Salomon, et la nouvelle synagogue serait, selon ces derniers, le prélude à son édification. Alors, ce qui devait arriver se produisit : la journée du mardi 16 mars a été marquée par de violents affrontements dans de nombreux quartiers de Jérusalem et ailleurs en Cisjordanie tandis que le Hamas à Gaza appelait à une journée de la colère. Toutes les chaînes de télévision arabes ont ainsi retransmis ces images de centaines d'adolescents affrontant à coups de pierres des soldats israéliens surarmés. Tout porte à croire que les prochaines semaines seront marquées par une recrudescence des affrontements. Après maintes provocations et dans un pays où une partie de la classe politique (tout comme certains organes de presse) revendique ouvertement un droit à la haine, on a presque envie de dire que cette dégradation de la situation était dans la nature des choses. C'est certainement ce que cherchait à susciter la politique machiavélique – et à terme suicidaire – du gouvernement israélien. Dans ce contexte, les dernières annonces du Premier ministre israélien ne font qu'accentuer la politique de judaïsation des lieux saints musulmans. De tout le monde arabe et musulman des appels sont lancés et les initiatives se multiplient pour protéger le patrimoine culturel et religieux de la Vieille ville. L'émotion à l'égard de la mosquée grandit à mesure que s'accroissent les menaces qui pèsent sur elle. Le problème est que cette mobilisation peine à faire effet. A part quelques courageuses institutions, organisations non gouvernementales ou autres leaders religieux, tout le monde, la Ligue arabe et l'Autorité palestinienne en tête, se cantonne à des déclarations de principe où l'on se limite à exprimer sa préoccupation. Une mobilisation urgente, massive et plurielle Au vu de l'évolution dramatique de la situation, l'heure doit être à la mobilisation pour les musulmans du monde, particulièrement ceux d'Occident. En effet, à l'inverse de leurs coreligionnaires du monde arabe et musulman – qui vivent pour la plupart sous des régimes autoritaires dont les politiques servent, à bien des égards, les intérêts d'Israël –, ils bénéficient d'un cadre leur permettant de s'engager pleinement pour dénoncer ces dérives scandaleuses. Il leur incombe de faire savoir ce qui se passe là-bas pour mieux agir ici, de mettre leur citoyenneté au service de la promotion du droit et d'user de tous les moyens pacifiques pour condamner avec force ce nouvel Apartheid qui, outre ses violations répétées du droit international, porte gravement atteinte aux libertés fondamentales de culte et de religion. Toutefois, l'émotion considérable que soulève la question de la mosquée Al-Aqsa dans le monde musulman peut être salutaire mais pourrait dangereusement déplacer le conflit. En effet, cet émoi légitime de la part de nombreux musulmans du monde pourrait entraîner comme effet pervers l'émergence croissante de la dimension religieuse du conflit aux dépens de sa dimension territoriale et politique. Or, ce glissement serait fortement préjudiciable pour deux raisons au moins : d'abord parce que l'origine du conflit est avant tout le fait d'une occupation et d'un processus colonial. Jérusalem-Est, tout comme les autres territoires palestiniens, est illégalement occupée et colonisée par Israël depuis 1967. De très nombreuses résolutions internationales l'attestent, comme le rappellent aujourd'hui l'administration Obama et l'ensemble des pays du monde. Ensuite, car la réduction du conflit à une querelle entre religions est à la fois simplificateur, dangereux et préjudiciable au mouvement de solidarité avec la Palestine. C'est tout l'intérêt de l'obscure politique de M. Netanyahou de renforcer la dimension religieuse du conflit et d'en faire l'axe principal. Il ne faudrait pas tomber dans ce piège et il faut dire et répéter que la question des lieux saints musulmans de Palestine s'inscrit dans une démarche de protection des libertés fondamentales et du respect des conventions internationales. Bien au contraire, il faut et faudra continuellement tisser des liens avec toutes celles et tous ceux qui partagent une vision commune de la justice, du respect du droit et oeuvrent pour une égalité de traitement. C'est ce cadre qui permettra aux Palestiniens de continuer à jouir d'une large sympathie dans le monde entier et d'entrevoir le bout du tunnel. Les ponts qui existent déjà sur ces questions avec les partenaires non musulmans sont à consolider, de même que les passerelles avec les tenants d'autres traditions. C'est déjà le cas avec la communauté chrétienne de Palestine qui, dans un document récent, a courageusement pris position pour l'arrêt de l'occupation et la dénonciation des crimes israéliens. La question des lieux saints musulmans de Palestine ne doit donc pas être uniquement défendue par les musulmans, et ce pour une raison simple : elle est le symbole du traitement indigne et inique exercé par la puissance occupante israélienne.