L'Empire omeyyade est resté dominé, au début, par des éléments arabes constitués en caste sociale héréditaire. Organisation sociale Cette aristocratie jouissait de grands privilèges. Elle ne payait pas d'impôt foncier, mais seulement une dîme religieuse personnelle. Elle constitue la majorité des guerriers et reçoit, outre les pensions mensuelles et annuelles, de nombreuses indemnités, provenant du butin des conquêtes. Au surplus, elle continue à acquérir des terres par achat à des propriétaires non arabes ou par concession reçue du gouvernement. Les immenses domaines hérités des Perses et des Byzantins lui sont concédés par les califes sous forme de fermages. Les fermiers sont tenus de cultiver la terre pendant une certaine période et de percevoir les impôts pour le compte du gouvernement. Les fermages ne tardent pas à se transformer en propriétés privées, qu'on peut acheter et revendre. Les propriétaires ne résident pas dans leurs domaines, dont ils confient l'exploitation à des fermiers autochtones ou à de la main-d'œuvre semi-servile. Les mawali dans l'empire omeyyade L'aristocratie arabe qui domine l'Empire, constitue, dans les provinces conquises, une minorité de privilégiés, répartis en soldats, en fonctionnaires et en colons. Elle ne tarde pas à soulever le mécontentement de la population, et particulièrement celui de la classe des mawali, et aussi des Arabes qui n'appartiennent pas à la caste dirigeante. Bien que tenus pour inférieurs dans le système omeyyade, les mawali partent du principe selon lequel tous les musulmans doivent exiger l'égalité dans le domaine économique et social. Une telle égalité entraînerait une diminution des revenus de l'État et une augmentation de ses dépenses. Aussi, loin de répondre à cette revendication, le calife Abd al-Malik adopte-t-il à l'égard des mawali une attitude hostile, qui consiste à réduire leur pression en les chassant des villes vers les campagnes. Avec le temps, évidemment, le nombre des mawali augmente considérablement. Dans les villes, ces derniers s'imposent par l'importance qu'ils jouent dans la vie économique comme ouvriers, boutiquiers, artisans et marchands au service de l'aristocratie locale. Leur hostilité à l'égard de la caste dirigeante n'est pas d'ordre racial ou national ; elle relève plutôt de considérations économiques et sociales. C'est ainsi que les Arabes pauvres de certaines régions d'Iraq et de Bahreïn, par exemple, se confondent avec les mawali, tandis que beaucoup de membres de la vieille noblesse terrienne de l'Iran s'accommodent du régime omeyyade, qu'ils considèrent tolérable. Les mawali, alors, ne tardent pas à trouver à leur mécontentement une expression religieuse. A une époque où l'Islam orthodoxe constitue l'idéologie officielle du régime, ils marquent leur opposition aux Omeyyades en adhérant au mouvement naissant du chiisme, mouvement qui soutient les prétentions au califat des descendants du calife Ali. C'est sous la bannière du chiisme que les mawali se révoltent au cours de l'année 685. Mais cette grande révolte est, finalement, écrasée dans le sang en 687. En dépit de ces graves troubles, le mouvement des mawali reste vivace, surtout en Iran et en Iraq. Ainsi, recrutant ses adeptes essentiellement dans les milieux pauvres, il constitue un élément de troubles et de difficultés pour les Omeyyades. Les Omeyyades et les tribus arabes Les Omeyyades sunnites ne peuvent pas compter, pour affronter ce danger, sur l'appui unanime des tribus arabes. Bien au contraire, le sens tribal d'indépendance demeure vivace parmi les nomades et contribue à miner l'autorité de la dynastie. Le kharidjisme est l'expression religieuse de l'insubordination des nomades. Les adeptes de ce mouvement ne reconnaissent pas d'autre autorité que celle d'un calife de leur choix, qui doit être le meilleur et le plus pieux des musulmans. À la mort de Yazid, en 683, ils fomentent en Iraq une révolte, qui se solde par un échec. Mais ce ne sont pas les mouvements chiite et kharidjite qui inquiètent le plus le régime omeyyade. La faiblesse du califat réside essentiellement dans les dissensions entre tribus arabes, restées, comme avant l'islam, divisées en deux grands groupes antagonistes : celui du Nord et celui du Sud. Cette division traditionnelle se double d'un conflit d'intérêts opposant les Arabes du Sud, infiltrés avant les conquêtes en Syrie et en Iraq, aux Arabes du Nord, venus avec les armées de l'islam. 0Les Omeyyades jouent d'abord un rôle d'arbitres entre les tribus. Mais, en 683, ils sortent de leur neutralité pour combattre avec l'aide d'une tribu du Sud (celle des Kalb), l'une des principales tribus du Nord (celle des Qays), qui refuse de reconnaître le successeur de Yazid. Par la suite, ils s'appuient, selon la situation, sur l'un ou l'autre clan, faisant ainsi du califat un parti associé à un conflit tribal. (A suivre)