Il faut d'abord féliciter le vainqueur. Le «plan de sauvetage» de la Grèce sur lequel sont tombés d'accord les 16 membres de l'Eurogroup, jeudi au soir, après des mois de pénibles tractations fait un heureux : Georges Papandréou, le Premier ministre grec. Il va pouvoir obtenir des fonds pour accompagner la spartiate rigueur qu'il doit appliquer à son pays. Il va accessoirement en terminer avec le débat sur la sortie de l'euro. Il y a, ensuite, les demi-gagnants de ce sauvetage. La première est Angela Merkel. La chancelière a, certes, dû accepter que les pays européens se portent au secours d'un pays tricheur et dispendieux, contre l'avis très remonté de son opinion publique, mais elle l'a fait à ses conditions. Elle conserve un droit de veto et les pays de l'euro se voient adresser un sérieux rappel à la discipline budgétaire. Autre demi-gagnant,: Nicolas Sarkozy. Le Président français impose à l'Union de faire un pas en avant dans la coordination économique (le nouveau vocable pour «gouvernement économique»). La voilà dotée d'un mécanisme de crise qui lui manquait. Mais il a dû accepter que le FMI participe, alors qu'il estimait que les Européens pouvaient se sauver eux-mêmes, sans faire appel à cette institution «étrangère», sise à Washington et dirigée par Dominique Strauss-Kahn. Cette même considération désigne le perdant : Jean-Claude Trichet, le président de la Banque centrale européenne, qui expliquait que «quand la Californie a eu un problème de dette, l'Amérique n'a pas appelé le FMI». L'Europe fait la preuve de sa faiblesse : elle a besoin des experts et des fonds venus d'ailleurs. L'Europe est parvenue à un accord, demi-victoire demi-défaite. L'examen des détails et des incertitudes montre, d'ailleurs, que le FMI, une fois entré, va peu à peu s'imposer. La condition. Il faut que le pays en difficultés échoue à lever des fonds pour qu'il puisse déclencher la procédure européenne. Il aura assez logiquement intérêt à aller directement au FMI avant. Les taux. Ils correspondront aux taux des pays prêteurs «sans subvention». Les prêts du FMI sont, eux, bonifiés par une subvention. Cet avantage pourrait aussi pousser un pays en difficultés à avoir intérêt à aller directement au FMI, souligne Laurence Boone de Barclays Capital. Les montants. Le plan va mêler des prêts bilatéraux de pays européens et des prêts du FMI. Dans quelles proportions? Sans doute les 20 ou 22 milliards dont la Grèce a besoin immédiatement (avant juin) seront-ils partagés en 2/3 Europe, 1/3 FMI. L'Europe reste chez elle, peut-on penser. D'autant qu'il faudra l'unanimité des seize pays de l'Eurogroup sur le package. Au passage, cela signifie que l'Allemagne garde un droit de veto. Mais, calcule Laurence Boone, le plan convient pour des petits pays. Si un plus grand pays tombe en faillite, le Portugal ou l'Espagne, il en coûterait trop aux autres Européens et l'appel au FMI serait la solution obligatoire. Cela arrivera-t-il pour la Grèce qui doit lever 22 milliards mais plus de 50 ensuite? Le FMI aujourd'hui entré dans la zone va forcément voir son rôle croitre. Athènes sera-t-elle sauvée pour le prix de cette demi défaite/demi-victoire politique européenne? L'austérité que doit imposer Georges Papandréou a des implications sociales très douloureuses. Le FMI a une expertise pour ce genre de situation : par ce biais aussi, il va s'imposer. Le Premier ministre peut s'appuyer sur ce «plan de sauvetage» pour consolider son assise politique mais la Grèce en a pour des années de diète.