Du côté de Qatar, nul ne peut ignorer l'excès de l'offre des quantités de GNL provoqué par sa production massive, son émir refusant de diminuer la production afin de freiner la dégringolade des prix. Un cartel suppose un certain esprit de solidarité, ce qui n'a pas été le cas entre la Russie et l'Algérie dans le domaine énergétique, malgré le mémorandum de 2006 basé sur un échange d'actifs quand Gazprom a écarté la candidature de Sonatrach du projet de GNL de la Baltique, malgré son expérience. Le volume des exportations de gaz de l'Algérie se réalise sous forme de contrats à long terme. Il est estimé à 80 % et son prix est indexé sur ceux du pétrole et du fioul, lorsqu'il s'agit de contrats à long terme. L'Algérie a toujours défendu le principe de la clause «take or pay», même si, en pleine euphorie de la montée du prix du gaz, elle a mis en place une stratégie de commercialisation à la faveur des marchés spot. Ces pays auront certainement plusieurs cadres de concertation pour discuter de la situation du marché gazier. Ils ont à relever le défi et il y a deux hypothèses : - favoriser les contrats à long terme avec la clause «take or pay», ce qui peut arranger leurs affaires à terme, donnant ainsi moins de chance à la possibilité de toute cartellisation, du moins tant que la situation actuelle du marché perdure, où chaque pays va faire cavalier seul en mettant en avant tout ce qu'il a comme atout à travers une stratégie de différenciation du produit ; - il est de leurs intérêts de dépasser leur égoïsme étroit et d'adopter une attitude plus active en favorisant l'émergence d'une OPEP du gaz afin d'agir sur les mécanismes de l'offre et de la demande. Risques géostratégiques 41 % des réserves mondiales se trouvent localisées au Moyen-Orient, une zone de conflits permanents. N'oublions pas que l'Iran détient 16 % de ces mêmes réserves et l'incertitude pèse sur la réaction d'Israël en ce qui concerne la montée en puissance du programme. L'Union européenne, quant à elle, importe actuellement 60 % de son gaz et a pour objectif essentiel d'éviter les risques liés aux incertitudes géostratégiques mondiales comme l'ont révélé les conflits russo-ukrainiens. La quasi-rupture d'approvisionnement en gaz russe de plusieurs pays d'Europe, survenue au début de janvier 2006 et surtout en janvier 2009 ont révélé la faible sécurité énergétique de l'Europe. L'Europe, qui a pour objectif principal d'accroître sa sécurité énergétique, a mis en place différents projets : - le gazoduc de la Baltique Nord Stream (Nord de l'Europe, gaz acheminé en Allemagne) qui devrait fournir 55 milliards de mètres cubes de gaz naturel par an dès 2013 ; Gérard Mestrallet, le président de GDF Suez, a indiqué clairement que «Sord Stream est un élément clé de la sécurité d'approvisionnement (pour l'Europe) sans aucun pays de transit» ; - le gazoduc South Stream dès 2015, qui devrait relier la Russie au Sud de l'Europe, devrait avoir une capacité de 63 milliards de mètres cubes de gaz par an passant sous la mer Noire vers l'Autriche, la Bulgarie et l'Italie ; - le gazoduc Nabucco alimenté par le gaz de la mer Caspienne, reprenant une partie du tracé du gazoduc Bakou–Tbilissi–Erzeroum et rejoignant l'Europe continentale par la Turquie, devrait être opérationnel en 2014. Christian Stoffaës, président du Conseil du centre d'études prospectives et d'information internationale (Cepii), dans son rapport sur le sujet pour le compte du Conseil d'analyse stratégique, préconise en plus la création d'une centrale d'achat européenne reprenant les souhaits exprimés par Nicolas Sarkozy dans son discours du 5 mai 2009 : «Je veux porter l'idée d'une centrale européenne d'achat du gaz pour que l'Europe ait une vraie force de négociation face à ses fournisseurs.» Au coeur de cette politique de réduction des risques se trouve aussi le renforcement du partenariat euro-méditerranéen dont les structures Femip (facilité euro-méditerranéenne d'investissement et de partenariat) et Meda (Fonds d'aide européen) devraient relancer le processus de Barcelone. Le projet d'intégration progressive des marchés maghrébins de l'électricité dans le marché européen (IMME) s'inscrit dans le cadre de ce partenariat euro-méditerranéen initié par le processus de Barcelone (1995) et par le forum euro-méditerranéen (1977). Il était au centre des discussions de la réunion de Tunis du 26 mars 2010, un dispositif qui devrait permettre là aussi de mettre l'accent sur la filière gaz dans le processus de production d'électricité. La compagnie Sonatrach est le deuxième exportateur de gaz naturel liquéfié (GNL), de gaz de pétrole liquéfié (GPL) et le troisième exportateur de gaz naturel (GN) en Europe grâce notamment à ses projets de gazoducs, le Medgaz, reliant l'Algérie à l'Espagne, et le Galsi, qui la relie à l'Italie, pour approvisionner l'Europe avec une capacité exportée de gaz passant de 62, en 2009, à 85 milliards de mètres cubes en 2012. Le gazoduc Trans Saharan Gas Pipeline (TSGP) serait, en ce qui le concerne, destiné à acheminer 20 à 30 milliards de mètres cubes de gaz naturel du Nigeria vers l'Europe via l'Algérie et le Niger à partir de 2015. On constate ici que l'Union européenne représente un «débouché naturel du gaz algérien». L'Algérie se retrouve donc au coeur du dispositif de sécurité énergétique européen et du partenariat euro-méditerranéen. De plus, le développement de la production du gaz de schiste en Europe devrait faire partie de ce plan d'ensemble. Il ne faudrait cependant pas oublier le problème posé par le dollar en tant que devise internationale, une monnaie dont la fragilité et la fluctuation engendrent de l'instabilité pour le marché de l'énergie. La Bourse de Kish, créée par l'Iran pour vendre des produits énergétiques dans toutes les devises sauf en dollar, en est l'illustration. Face aux incertitudes concernant l'euro et le yuan, la solution pour ma part devrait être trouvée dans le cadre d'une multipolarité monétaire, un panier de monnaies donc à l'exemple des droits de tirages spéciaux. (Suite et fin)