Vous serez présent au 1er Symposium des achats à Alger ; pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs ? Salvator Maira : je suis ingénieur et j'ai fait l'essentiel de ma carrière dans le groupe Schneider-Electric. Après avoir développé la fonction Assurance qualité fournisseurs, j'ai pris la responsabilité à la Direction des Achats de la direction d'un segment de marché technique. En 2001, la direction des achats Corporate Schneider Electric me confie le poste de chef du projet «e-sourcing- Corporate» et j'ai déployé la place de marché Schneider.SourcingParts.com au niveau mondial. En 2005, j'ai rejoint Grenoble Ecole de management en tant qu'enseignant-chercheur, directeur de l'enseignement achats et responsable pédagogique et scientifique des mastères spécialisé en achats. Après avoir audité de nombreuses organisations achats de grands groupes, je refonde en 2004 les nouveaux MS Management de la fonction achats intégrant la notion d'achats collaboratifs et l'innovation du management de la fonction achats En Janvier 2008, je fonde l'Institut de recherche et d'innovation en management des achats dont je suis actuellement le directeur. J'ai collaboré à la rédaction d'articles et d'ouvrages particulièrement sur les outils d'aide à la décision et du management collaboratif achats. Pouvez-vous nous parler beaucoup plus d'éclairage sur l'évolution du métier d'acheteur ? Nous pouvons décliner l'évolution de la fonction achat dans les entreprises en quatre étapes : 1) L'ère du renouveau industriel La fonction achats a vraiment démarré juste après la dernière guerre lors du renouveau industriel. Nous étions dans une économie de production où seul l'objectif était d'obtenir le prix le plus bas à chaque commande. Nous étions alors plus proches d'une fonction approvisionnement que d'une fonction achats. Le but était simplement d'acheter ce dont on avait besoin quand on en avait besoin, sans aucune autre préoccupation de maîtrise des coûts ou de la valeur non plus que des relations avec nos fournisseurs. 2) L'ère de l'économie de marché Vers les années 1970, le marché est devenu plus tendu et mondial. Les différents chocs issus de ces tensions rendent au métier d'acheteur une valeur et un positionnement de gestionnaire d'un budget achats. 3) L'ère de l'économie globale Début 1990, les grandes entreprises industrielles, en particulier les secteurs automobile et électronique, reconnaissent la position stratégique de la fonction achats. L'optimisation du coût global et la mise en place le plus en amont possible du processus industriel de la fonction achats deviennent des objectifs jugés stratégiques. L'intégration des pôles fournisseurs dans les plateaux de développement projet permet une optimisation des coûts et des développements. 4) L'ère de l'économie de l'immatériel En 2000, on voit apparaître le positionnement des achats au cœur de la stratégie globale de l'entreprise. Dans un contexte économique où l'entreprise se concentre sur son «core business», du fait d'une complexité des processus ainsi que des innovations technologiques incessantes, les modes de création de valeur sont transformés. Cette transformation provoque un recours de plus en plus important à des compétences externes à l'entreprise. La relation interne et externe passe par la mise en place de relations davantage coopératives, privilégiant un relationnel collaboratif et des stratégies commerciales gagnant-gagnant. Dans un environnement économique de plus en plus compétitif, que peut apporter un acheteur à son entreprise ? L'impact de la mondialisation induit le recentrage sur le cœur de métier et accroît l'importance qu'il y a à mettre en place une politique et une organisation d'achats optimales. La mondialisation c'est en premier lieu une concurrence exacerbée qui implique une stratégie de survie plutôt qu'une stratégie de croissance. Mais, pour survivre, il faut quand même, dans certains secteurs, viser à se développer mondialement, donc à devenir de plus en plus gros pour être plus puissant afin d'amortir les investissements, la recherche et le marketing. C'est une condition sine qua non pour être plus innovant, flexible et réactif, à condition de maintenir une organisation mobile, c'est-à-dire une organisation plagiant le fonctionnement des bancs de poisson : peu de centralisation, une autonomie laissée aux agences locales proches de leurs marchés, mais une cohérence managériale et de fonctionnement. Cette notion, qui s'applique aux organisations stratégiques des entreprises, s'applique également aux politiques et aux stratégies des achats car il est devenu clair que le premier pas vers la maîtrise des coûts comme de la création de valeur se fait en amont de toutes les activités de l'entreprise, c'est-à-dire au niveau des achats. Mais cette notion remet surtout en cause les organisations actuelles et développe l'efficacité collective au détriment de l'efficacité individuelle, l'agilité au détriment de la quête du pouvoir. Les entreprises qui s'attaquent à leur réorganisation affichent des objectifs et des résultats très important par : 1) la recentralisation totale des achats au niveau du groupe par une centralisation importante de leurs achats, la globalisation des besoins, la gestion de la relation fournisseurs 2) la décentralisation des fonctions achats et approvisionnements : la séparation des achats et des approvisionnements permet de clarifier les positionnements des fonctions au sein du processus achats et professionnalise les fonctions auprès du prescripteur 3) le développement du marketing amont : le potentiel mondial du groupe et l'approche commune de l'innovation déterminent une expertise de l'acheteur dans la fonction du marketing amont, en faisant appel à de nouveaux fournisseurs permettant de développer les éléments différenciant. 4) la maîtrise de l'innovation : a. l'entreprise se recentre sur son métier, elle renonce donc à maîtriser l'ensemble des technologies et fait appel aux compétences de ses partenaires, en particulier ses fournisseurs ; b. la grande majorité de l'innovation et de la compétitivité viendra de la bonne gestion des relations entre les partenaires et de l'ingénierie collaborative. Dans cette nouvelle organisation, les achats ne sont plus des maillons d'un processus, mais un vecteur de création de valeur. Il faut dès lors capturer la valeur créée par les deux parties et la porter au client final. Le recentrage des entreprises sur leur cœur de métier a conduit à une augmentation rapide et conséquente de la place du management de la fonction achats. Cette augmentation du volume des achats conduit mécaniquement à une pression plus importante sur la maîtrise des coûts, de la qualité et des délais . Elle s'accompagne d'une évolution de la fonction achat où les acheteurs, en plus de gérer les relations, auscultent le marché pour y détecter les nouvelles tendances et les avancées techniques qui sont capitalisées par des innovations technologiques. La crise économique de 2009 a mis les entreprises, en particulier les services achats, dans une situation particulièrement difficile. La fonction achats est donc particulièrement sollicitée pour trouver des solutions afin de préserver la santé financière des entreprises. Les acheteurs sont les premiers leviers d'action pour limiter les dépenses, en particulier dans des entreprises industrielles où ils gèrent plus de 65 % du chiffre d'affaires. Cependant, la fonction achat se trouve confrontée à un dilemme : diminuer les dépenses de façon significative sans accentuer la pression sur des fournisseurs en difficultés. Les acheteurs doivent donc gérer les risques et préparer la sortie de crise en modifiant en profondeur les pratiques d'affaires et en consolidant des avantages concurrentiels liés à une meilleure gestion de la relation fournisseurs. C'est pour cette raison que notre formation mastère spécialisé en management de la fonction achats prépare les futurs managers à ces grands défis d'aujourd'hui et surtout de demain. Avec MDI, vous comptez lancer à la prochaine rentrée un mastère achat, peut-on en savoir plus ? La fonction achats devient aujourd'hui très stratégique pour toutes les entreprises : c'est un vecteur essentiel de leur capacité d'innovation et de leur compétitivité. Au-delà de sa maîtrise des processus achats, le manager achats doit être un leader d'équipes pluridisciplinaires, un acteur du changement en phase avec la stratégie et en veille permanente. Tout manager de cette fonction doit ainsi savoir intégrer les problématiques émergentes afin d'être toujours une force de proposition dans son entreprise. Son rôle va désormais bien au-delà de la maîtrise des traditionnels qualité/coûts/délais. C'est cette approche intégrée de la fonction achats que vous trouverez au centre de notre programme. Cette formation accueille à la fois des professionnels des achats, des responsables et des experts en métiers (logistique, production, RH, marketing, finance, juridique, gestion…), des acheteurs seniors, des chefs de groupe et des responsables achats en PME/PMI souhaitant accéder rapidement à un poste à forte responsabilité, des directeurs de grandes fonctions de l'entreprise (logistique, industrielle, technique, projet, financière, commerciale…) désirant accéder à terme aux plus hautes fonctions d'une entreprise et des consultants à forte expertise achats souhaitant renforcer leur dimension managériale.