Dauphin désigné du chef de l'Etat sortant, Santos a recueilli 47 % des suffrages, loin devant l'ancien maire de Bogota Antanas Mockus, du parti Vert, crédité de 22 % des voix. L'ancien ministre de la Défense, descendant d'une riche famille de l'élite colombienne, n'a pas réuni les 50 % des suffrages nécessaires pour gagner dès le premier tour, mais il apparaît en position de force avant le second tour. En l'absence du Président sortant, favori s'il avait été candidat mais privé d'un probable troisième mandat par la Constitution qui n'en autorise que deux d'affilée, les sondages donnaient les deux hommes au coude à coude au premier tour. Mais les études ont semble-t-il sous-estimé le soutien dont a bénéficié Juan Manuel Santos dans les campagnes, où les résultats de son action à la Défense sont les plus perceptibles et ont marqué la population. «Président, c'est votre triomphe, ainsi que celui de tous ceux qui ont voulu préserver votre immense legs», a-t-il dit à ses partisans enthousiastes, dimanche soir. Pour l'analyste et ancien ministre Eduardo Pizano, ce résultat «est un soutien évident à la politique de sécurité et de démocratie du président Alvaro Uribe dans les provinces, qui ont dû faire face à des violences marquées». Juan Manuel Santos a appelé les petits candidats éliminés après ce premier tour à se rallier autour de son Parti U (U comme Uribe), le plus important en nombre de sièges au parlement. Les alliances en vue du second tour pourraient être la clé de la victoire, que ce soit pour Santos ou pour Mockus. Campagne réorientée Economiste formé aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, chef d'orchestre de la campagne d'Uribe contre la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), Juan Manuel Santos était en début de campagne le grand favori de l'élection. Mais il a vu Mockus, fils d'immigrés lituaniens de 58 ans, lui aussi ancien professeur d'université et candidat d'un parti écologiste ne comptant qu'une poignée de députés, s'envoler dans l'opinion en promettant un gouvernement «propre» et d'en finir avec la corruption. Face à la progression fulgurante d'Antanas Mockus, Juan Manuel Santos a modifié sa campagne et a réorienté son discours sur l'emploi. Son rival a, en outre, plafonné dans les intentions de vote durant les derniers jours, conséquence d'une série de bévues lors des débats et de ses interventions à la télévision. Les deux hommes ont, néanmoins, affirmé qu'ils poursuivraient la politique de fermeté en matière de sécurité lancée par leur prédécesseur et perpétueraient sa politique économique libérale. Lassés par une série de scandales ayant marqué la fin de la présidence Uribe, les Colombiens semblent, aujourd'hui, davantage préoccupés par le chômage, l'éducation et la santé que la violence des rebelles, à en croire les sondages. Le président sortant quittera toutefois ses fonctions en août avec une cote de popularité élevée à l'issue de deux mandats au cours desquels il a affaibli les Farc et réussi à attirer les investisseurs étrangers. Bien que Santos soit en position de force compte tenu de son avance, les alliances nouées en vue du second tour pourraient être décisives. L'ancien ministre devrait chercher le soutien des partis conservateur et du Cambio Radical. Mockus devrait se tourner, lui, vers les formations centristes. German Vargas Lleras, candidat du Cambio Radical, est arrivé troisième au premier tour avec environ 10 % des suffrages, devant le candidat de gauche Gustavo Petro, proche de s'allier avec Mockus avant ce tour de scrutin, avec 9 %. «Avec le second tour, vous disposez d'une occasion pour provoquer une transformation culturelle profonde qui libérera notre pays de la violence, du trafic de drogue et du clientélisme (...), et qui nous libèrera également d'une inégalité extrême», a déclaré Mockus à ses partisans.