Le folklore populaire constitue une facette du patrimoine culturel séculaire que la communauté «Imouheg» des Touareg de la grande région du Tassili, dans la wilaya d'Illizi, a su préserver. Cet héritage artistique targui, qui a été depuis la nuit des temps entretenu de génération en génération, revêt une importance particulière chez les Touareg, relève Abdennebi Zendri, chercheur en anthropologie du centre universitaire de Tamanrasset. Le folklore populaire chez les Touareg d'Imouheg est composé d'une panoplie de genres artistiques chantant des poésies populaires du terroir. «Il traite différents thèmes puisés d'anciennes us et coutumes et met en exergue un des pans culturels ancestraux de la région, à travers le chant, la danse, les rites, les mélodies musicales et des instruments de musique impairs, apanage des Imouheg», explique M. Zendri. Entre autres activités culturelles pérennisées, M. Zendri reconnaît aux Imouheg qui, dit-il, détiennent encore un riche répertoire artistique, archives immatériel et matériel, les parfaits mélomanes usant d'instruments de musique, souvent baptisés du nom d'artistes célèbres ou de titres de chanson, en signe de valorisation de la réputation des poètes et de leurs úuvres. Il cite parmi les genres musicaux les plus courants dans la région du Tassili en général, et chez les Imouheg en particulier, l'art de «Imzad», un instrument local puisant son nom de la langue targuie, et l'úuvre de la femme targuie pour chanter les hauts faits des tribus touarègues et exprimer ses sentiments à l'occasion des différentes manifestations, locales notamment. Cet instrument musical renferme deux cordes issues de la crinière de cheval, tendues sur le manche d'une caisse de résonance hémisphérique, dérivée de la plante de citrouille, recouverte d'une peau de caprins, pour produire un son devenu par la finesse de l'audition le timbre sonore de l'Imzad. Les Imouheg continuent, selon la description de l'anthropologue, de glorifier leur instrument qui avait charmé, selon plusieurs versions, la reine Tinhinane laquelle avait fabriqué elle-même son propre Imzad, usant de la crinière de son cheval. Il y a aussi d'autres types d'instruments, dont le «Tindi» en forme de large mortier à piler recouvert d'une peau de caprins, joué par deux percussionnistes maîtrisant l'art de cadencer l'instrument aux danses rythmiques locales exécutées harmonieusement par des femmes. «Le jeu de Tindi constitue un cérémonial sur la stature sociale, sur la guerre et la paix, sur la fête et les funérailles», explique M. Zendri, ajoutant que ce genre «Tindi- Akerhi» est encadré par une présence féminine, parée de beaux habits et d'un voile noire, «Aneila» ou «Alchou», couvrant la tête que les cavaliers en mouvement autour du groupe de chanteuses s'efforcent d'arracher (l'Alchou) pour entrer en "course nuptiale" que remportera le premier à récupérer l'Alchou. S'agissant de la musique «Tizengraht», ce genre est étymologiquement lié à «Azengrih», signifiant la production vocale et consistant en une déclamation exécutée par des groupes de femmes formant un cercle d'orchestre supervisé par la diva «Timaouayt» aidée en répétition de refrains par les «Tisakbaline». Les hommes, quant à eux, prennent part à ce cérémonial par la répétition et les applaudissements ponctués de cris stridents d‘«Azengrih», dont l'influence audible pousse fréquemment les danseurs à la transe. Le Tihaguelt (célibat), genre musical à intérêt exclusivement féminin, consiste en l'expression, à travers des chants poétiques raffinés, l'aspiration à la vie conjugale, la sérénité et la progéniture. Ce genre n'est pas loin de «Alioune», chant féminin faisant l'éloge, durant les fêtes sociales, du raffermissement des liens sociaux, du mariage et de la convivialité. L'autre danse, «Iswat», dont l'appellation dérivant de «Issout» indique l'affrontement guerrier, est exécutée par les jeunes targuis «Imarkadhen» sous les applaudissements de «Tisekbalin», accompagnatrices de la chanteuse «Timawit», explique encore M. Zendri. Outre ces genres lyriques, le répertoire artistique ancestral de la tribu Imouheg s'affiche aussi lors de la fête de la «Sbeiba», organisée tous les ans par les habitants des vieux ksour d'El-Mihane et Azelouaz, à Djanet. Cette fête donne lieu, la veille de l'Achoura, à l'exécution de danses au rythme des tambours, représentation d'un affrontement entre guerriers, suivi d'une réconciliation et d'une fête collective entre les différentes tribus. Faisant le point sur ce répertoire ancestral riche en genres culturels et artistiques, l'anthropologue a souligné que la consécration de ces genres artistiques identitaires, à travers l'organisation de différents regroupements et manifestations, se veut une traduction de l'attachement des Touareg à leurs traditions ancestrales. Ce legs ancestral, d'une dimension socio-culturelle reflétant la nostalgie du targui à son milieu, est transmis, par voie principalement orale, par le biais de récitants chevronnés en vue de pérenniser un patrimoine immatériel dont seuls les fils de la tribu saisissent la véritable valeur, selon M. Zendri. Ces arts millénaires, folklore populaire notamment, puisant leurs noms de l'ancien Tifinagh, témoignent de la pérennité d'une culture ancestrale dont la femme targuie, surtout, assure l'authenticité et l'originalité. Pour M. Zendri, les effets vestimentaires, les outils et armes de guerre et le choix des couleurs sont également des éléments de ce patrimoine, matériel et immatériel, que les Imouheg et autres tribus touarègues oeuvrent à valoriser, en plus de son importance dans le raffermissement des liens sociaux entre les différentes tribus touarègues du Tassili.