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L'Afrique du Sud, le pari réussi
Coupe du Monde
Publié dans La Nouvelle République le 22 - 06 - 2010

C'est fou ce que la balle ronde réunit, désunit, dévoile, dénonce et met à nu les intentions des uns et des autres. C'est un formidable refrain qui est chanté tous les quatre ans.
Qualifié ou pas, la Coupe du monde intéresse. C'est la période où l'on a l'impression que la terre s'arrête pour souffler un peu et prendre donc congé des différentes activités socioéconomiques, culturelles et sportives. Nous avons tous remarqué cet étrange et justifié changement de comportement de ceux qui font tourner la mécanique économique, sociale…
Ce phénomène n'est pas propre aux Algériens, puisque en Europe, Afrique, Asie et Amérique, cette attitude est observée et dérange un faible pourcentage, ceux qui ne s'intéressent pas au foot. Pour beaucoup de citoyens, «à certaines heures de la journée, il est quasiment impossible de joindre un collègue, un ami ou un cadre d'une administration publique ou privée. «Fous de joie ou au contraire de mauvaise humeur quand, ô miracle, ils daignent répondre au téléphone, rassemblés autour d'un écran, petit ou grand, chez eux, dans la rue ou au café, parfois même sur leur lieu de travail, ils vibrent au rythme de la Coupe du monde de football, de ses exploits, de ses déceptions, des rires et des larmes qui inondent nos télés, nos radios et nos journaux.» Chez nous et certainement chez nos amis du Maghreb, d'Afrique ou d'ailleurs, l'image est identique.
Tout le monde parle de foot dans les administrations, les couloirs des immeubles, cafétérias, restaurants ou même avant le début d'une réunion. La Coupe du monde est à l'affiche. C'est dire que tout est mis, ou presque, de côté.
Attention, cela est encore plus valable lorsque l'affiche est de plomb comme l'Algérie au programme ou un autre pays d'Afrique. A ce niveau, c'est le stress, donc l'énervement qui se propose d'occuper le terrain, mieux encore de ne pas se coller à la personne. Tout le monde est devant la télé, écrans d'ordinateur et postes radio collés à l'oreille – les trois quarts de la population en âge d'ouvrir un œil ou de tendre une oreille –, une Coupe du monde de la Fifa sur ses terres, pour la première fois, imaginez ce que cela peut donner…
Au pays de Nelson Mandela, l'icône parmi les icônes, il faut le reconnaître et savoir ne pas verser dans l'afro-optimisme béat. C'est une pression énorme qui pèse sur les Sud-Africains.
A la moindre anicroche, au moindre coup de sang, c'est l'Afrique tout entière qui en prendra pour son grade. «On vous avait prévenus, cela ne pouvait que déraper», pourra-t-on lire ou entendre à Paris, Londres, Milan, New York ou Buenos Aires. Organisation, hébergement, transport, sécurité… Quatre mots qui, associés à l'Afrique, peuvent parfois sembler antinomiques.
Et ce serait franchement faire preuve de mauvaise foi ou d'aveuglement que de nier les lacunes continentales en la matière… «Naïveté et méthode Coué ne résolvent rien», écrit le journaliste du Jeune Afrique. Dans les supérettes, vous croisez un collègue, vous en avez pour 20 à 30 minutes de discussion sur le dernier résultat et sur le prochain. Chez le boulanger, la chaîne prend forme, le débat aussi et la discussion s'anime avec ceux que l'on connaît ou l'on ne connaît pas. Une merveilleuse occasion pour rapprocher amis et ennemis. Parce qu'il s'agit de l'Algérie, du Maghreb et de l'Afrique. Le dernier dossier de la «honte» qui éclabousse l'équipe de France n'est pas à l'ordre du jour, il ne fait que passer dans les débats. «L'essentiel est que chez nous, dira le buraliste, de pareils événements ne se produisent pas, même dans le cas contraire, en tout les cas pas de cette dimension.»
Quelle belle démonstration de force que dégage l'Afrique du Sud, même si nombreux sont ceux qui «doutent de sa capacité à se hisser au niveau requis». L'assassinat du leader extrémiste Eugène Terre Blanche, le 3 avril, n'a fait que raviver le spectre de tensions raciales – et sociales – qui couvent comme le feu sous les braises. Un tragique épisode qui aura, hélas, servi de bref révélateur médiatique en Occident, avec son inévitable corollaire de clichés et de raccourcis.
Ceux qui pensent que la nation Arc-en-Ciel avait définitivement chassé ses vieux démons se sont trompés. Mais ceux qui imaginent qu'elle n'est que violence et inégalités également. «L'Afrique du Sud d'aujourd'hui est une nation jeune, encore en construction. Elle apprend en marchant, sans repères, trébuche et peine à tracer une ligne droite et sans écueil, entre son passé écrit dans le sang et les larmes de l'apartheid, et un futur que nous lui souhaitons radieux», souligne avec force et professionnalisme un journaliste du Jeune Afrique, auteur d'un reportage sur cette nation. Panser les plaies, dont certaines sont encore béantes, d'une Histoire marquée par une indescriptible violence et des discriminations extrêmes, se reconstruire, rééquilibrer une société où la majorité peut légitimement rêver de revanche, voire de vengeance, compte tenu des souffrances qu'elle a eu à endurer des décennies durant et où la minorité jadis au pouvoir vit parfois dans l'acrimonie et la peur, souffre chaque jour de la perte de ses privilèges et de l'inversion brutale d'un rapport de force…
Tout cela ne se fait pas en un jour. C'est un long cheminement, le travail de plusieurs générations de Sud-Africains, toutes origines raciales confondues, comme d'autres peuples sont parvenus à le faire ailleurs dans le monde, malgré un passé parfois tout aussi délicat à dépasser.
L'Afrique du Sud a tenu son pari, la Coupe du monde se déroule sans difficultés, la qualité de l'accueil, démontre aisément qu'il fait bon vivre dans ce pays jeune qui étonne plus d'un dans son mode de vie et son acharnement à aller vers un développement qui ne fera que renforcer son image. Image justement, combien étaient-ils ceux qui pensaient que cette terre africaine du Sud serait incapable d'accueillir un tel événement.
C'est tout juste si on ne souligne pas que seuls les autres continents sont à même d'accueillir de pareils événements. C'est toute l'Afrique qui vient de faire la plus grande et plus belle démonstration. Celle d'organiser la manifestation la plus populaire de la planète.


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