L'équipe de France a dû quitter le Mondial sud-africain par la petite porte. Une élimination sans gloire et une implosion qui laisse penser que l'œuvre de sa reconstruction sera ardue pour Laurent Blanc, le successeur de Raymond Domenech. Reconstituer un puzzle qui a perdu des pièces n'est pas une sinécure. L'échec des Tricolores était prévisible tant l'équipe a connu, depuis sa très controversée qualification devant l'Irlande, moult tiraillements sans susciter une réaction salutaire du président de la Fédération française de football, Jean Pierre Escalettes ou de la ministre des Sports Roselyne Bachelot. Très critiqué depuis le dernier Euro des Bleus, Raymond Domenech s'est initié au jeu du chat et de la souris avec les responsables de la FFF qu'il avait mis au défi de mettre fin à ses fonctions. Il s'était taillé une équipe sur mesure, qui répondait au profil tant recherché par la droite française au pouvoir qui se gargarise d'un discours qui vante l'intégration mais qui fait tout pour «refranciser» le faciès du coq gaulois en bottant très loin tous ceux qui ont des origines arabes et en mettant au pas, les joueurs de couleur et donnant de la matière à Eric Zemmour et ses compères de «on n'est pas encore couchés» pour partir à la chasse du musulman dans le groupe tricolore. Et à ce jeu-là, Domenech avait le beau rôle et le dos rond. Il était celui qui partait au charbon pour justifier des choix et il était le bouc émissaire tout trouvé pour servir de paravent qui cachait ceux qui ont programmé le clash. L'équipe de France singeait le coq gaulois mais n'arrivait plus à séduire les poules de la basse-cour, malgré un battage médiatique qui devenait parfois indécent. Son amour propre écorché depuis son passage par les barrages pour composter son billet pour l'Afrique du Sud, et son honneur bafoué par une heureuse (ou malencontreuse) main de Thierry Henri, elle est devenue une équipe où s'affrontent toutes les politiques et toutes les forces qui font et défont la vie des petites gens de France. Le débat sur l'intégration trouvait dans les vestiaires, un terrain de prédilection et celui sur la liberté du culte servait à meubler la pause-citron entre les mi-temps. Jouer au football dans cette atmosphère délétère ne devenait plus possible pour des joueurs qui retrouvaient dans le lieu du stage, la gouaille des pauvres banlieues et qui devaient se disputer le droit de dire bonjour sans se faire rabrouer par l'autre, celui qu'on présente comme un coéquipier mais qui n'était plus qu'un Français venu d'ailleurs, un fils de bourgeois qu'on oppose au fils de l'ouvrier qui affiche sa préférence pour Force ouvrière, un fils d'émigré qu'on ose encore affubler du sobriquet réducteur de bougnoule. L'équipe de France est devenue alors une somme d'entités antagonistes qui ne pouvaient plus former un bloc homogène en mesure de défendre une cause, ou encore l'honneur et les valeurs d'une nation. L'équipe de France a préparé son échec en trucidant Thierry Henry, auteur d'une main qui a pourtant sauvé la tête de Domenech et jeté en pâture à une opinion de droite un Ribery présenté comme un barbe bleue, prêt à se payer toutes les Zahia des Champs-Elysées, Lolitas en herbe qui font la joie des extrémistes qui n'ont pas hésité à appeler à la rescousse, Rama Yade, venue en «pompier pyromane» pérorer sur le niveau de vie des Bleus, le faste qui les entoure et sur leurs exigences financières. Finalement, la reconstruction de l'équipe de France ne pourra être réussie sans l'émergence d'un nouveau discours qui consacre l'intégration au lieu d'élargir le fossé entre les composantes de la société française. La France avait bien fait un effort en reconnaissant le talent et le mérite de Zinedine Zidane. Aujourd'hui, elle a renié ses engagements et ce n'est que justice si elle paye les pots cassés. Sa libération, elle, ne l'avait gagné qu'au prix de cohortes de «Français d'outre-mer» utilisés comme chair à canon lors de la seconde Guerre mondiale et sa Coupe du Monde, elle ne l'a obtenue que grâce à Zidane, Dessailly, Abidal ou encore Ludovic Djorkaef, un Arménien venu d'ailleurs lui également. Elle doit reconnaître les droits de la mosaïque qui la compose. Elle doit être plurielle pour pouvoir se supporter le temps d'une pause-citron dans un minuscule vestiaire d'un terrain de football.