La civilisation antique, en particulier, celle de la Grande Rome, a laissé à la postérité un riche legs culturel comme le célèbre poème de Virgile que La Nouvelle République présente dans ces pages. L'Enéide est un poème épique en 12 chants, composé par le poète romain Virgile (70-18 av. J.-C.) dans les onze dernières années de sa vie, de 29 à 18 avant J.-C. ntroduction Atteint de la maladie qui devait l'emporter, Virgile voulait brûler son œuvre, encore imparfaite. Retenu par ses amis Tucca et Varius, interprètes des volontés de l'empereur Auguste, il leur enjoignit de n'y rien ajouter ni retrancher. Sauf de simples corrections de détail, nous possédons l'Énéide avec sa forme originale, même avec des vers inachevés. Le sujet traité par Virgile est l'établissement d'Énée en Italie, à la tête des Troyens échappés à la ruine de leur patrie; sujet puisé dans les traditions nationales des Romains, capable de les intéresser et de flatter leur orgueil, en rapportant leur origine et la fondation de Rome à un illustre héros. Le but final est le tableau des glorieuses destinées réservées à l'empire dont Énée devait être le fondateur, principalement dans la personne de ses descendants, où figurait Auguste, rattaché à Énée lui-même par la famille Julia, issue disait-on, d'Iule ou Ascagne. L'Enéide La fable de l'Énéide est celle-ci : Énée parti de la Sicile, vogue sur la mer Tyrrhénienne, lorsqu'une tempête le jette sur les côtes d'Afrique, où il trouve Didon occupée à fonder Carthage. Elle le prie de lui raconter la prise de Troie et ses propres malheurs depuis son départ de cette ville : le 2e et le 3e chant du poème sont consacrés à ce récit. Didon s'éprend d'Énée, qui, après s'être oublié quelque temps auprès d'elle, l'abandonne à son désespoir. Le héros, contraint par une tempête de relâcher à Drépanum, y célèbre des jeux funèbres en l'honneur de son père Anchise, mort au même lieu l'année précédente; puis, ayant, avec l'aide de Jupiter, sauvé sa flotte, que les femmes troyennes, inspirées par Junon, voulaient incendier pour rester en Sicile, il aborde en Italie. La Sibylle de Cumes lui annonce les maux qui l'attendent en ce pays, et le conduit aux enfers; il y voit dans le Tartare les supplices des méchants, et, au milieu des Champs-Élysées, Anchise qui lui dévoile les destins de sa postérité. Les Enfers selon Virgile Les anciens n'attachaient pas au mot Enfers la signification que lui donnent les modernes. Par Enfers, ils entendaient le séjour qu'habitent toutes les âmes des morts, aussi bien les âmes pieuses que les âmes criminelles. Virgile divise ce séjour en plusieurs parties; il en désigne trois principales, qui se subdivisent en neuf : le Tartare, habité par les grands coupables ; les Champs-Élysées, séjour des justes; et les lieux où sont les âmes de ceux qui, aux yeux des anciens, n'avaient pas commis de crimes, mais qui n'avaient pas non plus pratiqué de vertus. Ces Enfers étaient placés dans les profondeurs de la Terre; plusieurs entrées y conduisaient, entre autres l'Averne (Énéide, chant VI, vers 237), que le poète dépeint de manière à inspirer une terreur religieuse. L'Averne est situé au milieu de sombres forêts, protégé par un lac aux eaux noirâtres, reflux de l'Achéron : En un lieu sombre, où règne une morne tristesse, Sous d'énormes rochers, un antre ténébreux Ouvre une bouche immense; autour, des bois affreux, Les eaux d'un lac noirâtre, en défendent la route. L'odeur pestilentielle qui s'exhale du gouffre tue les oiseaux qui tentent de le franchir dans leur vol. Pour qu'un vivant pût passer cette redoutable entrée, il lui fallait la visible protection des dieux, un rameau d'or qu'il devait offrir à Proserpine. Après avoir traversé de vastes et ténébreux espaces, royaume du Vide, on arrivait aux Enfers, et, comme c'est la Mort qui noire en ouvre les portes, les anciens y avaient placé les Maladies, les Douleurs, les Vices, compagnes ou ministres de la Mort (ch. VI, v. 274). Aux portes des Enfers Habitent les Soucis et les Regrets amers, Et des Remords rongeurs l'escorte vengeresse; La pâle Maladie et la triste Vieillesse, L'Indigence en lambeaux, l'inflexible Trépas, Et le Sommeil son frère, et le dieu des combats; Le Travail qui néant, la Terreur qui frissonne, Et la Faim qui frémit des conseils qu'elle donne... Sous les feuilles légères d'un orme antique (vers 283), se jouaient les vains Songes qui abusent notre sommeil. Bientôt on s'approchait des ondes infernales; mais pour les franchir il fallait avoir reçu les honneurs de la sépulture (vers 329). ...Tant qu'ils n'obtiennent pas les honneurs dus aux morts, Durant cent ans entiers ils errent sur ces bords. L'Antiquité avait voulu, par cette ingénieuse fiction, rendre la religion des tombeaux respectable. C'était là qu'étaient le redoutable Styx, entourant neuf fois les Enfers de ses ondes, et la barque du nocher Charon (v. 299). Charon, le nautonier horrible, Qui, sur les flots grondants de cette onde terrible, Conduit son noir esquif. De l'autre côté de ces terribles eaux se trouvait, Cerbère (v. 417). Cette première partie était réservée aux enfants morts à l'entrée de la vie. Malheureux qui, flétris dans leur première fleur, A peine de la vie ont goûté la douceur, Et; ravis en naissant aux baisers de leurs mères, N'ont qu'entrevu le jour, et fermé leurs paupières. Dans la deuxième partie, où siégeait Minos (v. 432), étaient ceux qui avaient été victimes d'une sentence injuste de mort (v. 430). La troisième enceinte (v. 435) était assignée à ceux qui s'étaient donné la mort. La quatrième (v. 441) portait le nom de Champ des Larmes; c'était le séjour des victimes de l'amour; il leur fallait des lieux conformes à leur tristesse : elles y trouvaient la solitude et l'ombre des forêts. Dans la cinquième partie s'étendaient de vastes campagnes, habitées par les guerriers illustres dans les combats (v. 478); ils y retrouvaient ce qui avait fait le charme de leur vie, des armes, des chars et des coursiers. En quittant ces lieux, la route se séparait en deux (v. 540) : l'une, à gauche, conduisait au Tartare; l'autre, à droite, aux Champs Élysées. Le Tartare, sixième enceinte, était entouré d'un triple mur (v. 549) baigné par les eaux du Phlégéton. La porte, soutenue par des colonnes de diamant (v. 553), assez solides pour résister aux efforts des hommes et des dieux, était protégée par une haute tour de fer (vs 554). Le diamant massif en colonnes s'élance; Une tour jusqu'aux cieux lève son front immense... Les dieux eux-mêmes, arrêtés devant cette tour, ne pouvaient arracher du Tartare les grands coupables qu'avait frappés la justice éternelle. Tisiphone y veillait sans cesse, et Rhadamante (v. 566) gouvernait ces terribles royaumes, dont les profonds abîmes retentissaient sans cesse du bruit des fers et du sifflement des fouets. l'Achéron et le Cocyte étaient les fleuves du Tartare (v. 297). Là l'Achéron bouillonne, et, roulant à grand bruit, Dans le Cocyte affreux vomit sa fange immonde. (A suivre)