Il a 47 ans, député et secrétaire national du PS, chargé de la rénovation, militant anticolonialiste, Montebourg manifeste une sensibilité particulière pour les thématiques du développement et de la coopération avec l'Afrique. Connu pour ses positions sur le contentieux mémorial entre la France et l'Algérie, il marque aussi son indignation et dénonce avec force les actes de piraterie de l'Etat d'Israël. Dans un entretien accordé à Afrique-Asie, il répond aux questions du journaliste avec une transparence qui lui est sienne. «Le blocus de Ghaza, dira- t-il est illégal et il a été condamné par la communauté internationale en tant que violation du droit international,» et d'ajouter que «l'attaque de la flottille de Ghaza est une illégalité de plus, commise dans les eaux internationales… Je note que le Conseil de sécurité de l'ONU n'a pas été capable de prononcer le mot condamnation.» Personne ne peut s'attaquer à l'Etat hébreu, il le fait savoir à travers cette interview où, selon lui, le Conseil de sécurité et les institutions multilatérales «sont aujourd'hui paralysées» et les protecteurs de l'Etat Israël sont nombreux et ne souhaiteraient pas que soit dérangé dans ces actes barbares ce pays. Il est vrai, comme il le souligne, qu'être complaisant avec ce pays est une solution pour régler le problème de la colonisation : «Quand un des protagonistes d'une crise est plus fort et abuse de la force, il faut agir pour le modérer… J'ajoute que les humiliations et la misère du peuple palestinien me vont droit au cœur. Elles ne peuvent plus laisser inactive et indifférente la communauté internationale. La dernière guerre de Ghaza a été une guerre contre les civils, les femmes, les enfants, et elle s'est poursuivie par un blocus illégal, inadmissible aussi bien sur le plan juridique que sur les plans politique et moral.» Montebourg n' a pas été tendre avec ceux qui continuent à condamner sans évoquer l'indépendance du peuple palestinien. Il ne mâche ses mots, il condamne le ministre français des Affaires étrangères qui tolère que la France «vote un texte demandant la création d'une commission d'enquête où ne figure pas le mot ‘indépendante' Il en avait pourtant fait la demande devant les députés mais ne l'a pas fait à New York.» Le secrétaire national du PS condamne sans retenue et avec une fermeté exemplaire les actes que ne cesse de commettre cet Etat hébreu. Il profita d'ailleurs pour marteler : «Il faut intensifier les expressions de protestation contre Israël. Je suis favorable à l'application des sanctions contre ce pays. La France pourrait aussi décider de mesures de rétorsion sur le modèle de ce qui a été entrepris par d'autres pays européens.» Abordant la question brûlante de la régularisation des sans-papiers qui exercent un travail, il ira droit au but sur ce volet sensible en relevant que cette politique relève du choix de Sarkozy et là il évoque une «stratégie de division du pays visant à opposer les Français aux étrangers, les bons et mauvais Français, et cela à un moment où nous aurions besoin de nous unir et de nous donner la main.» Le pays s'inquiète de son avenir, devait il lâcher avant d'ajouter : «Ce pays se demande quelle est sa trajectoire, où il va, pour servir quels buts et dans quel intérêt. Questions irrésolues et même non pensées par les dirigeants actuels. La France se replie sur elle-même, donne le sentiment de s'enfermer dans ses inquiétudes. Quand on met tous ces éléments bout à bout, on remarque qu'il n'y a pas qu'une stratégie de la division, il y a aussi une stratégie de la tension, la recherche de la confrontation sur la question identitaire. Le débat sur l'identité nationale était un artifice destiné à monter les Français contre d'autres Français qui ont une certaine culture, celle du monde arabo-musulman. C'est une manière d'organiser la coupure entre compatriotes, et cette stratégie a d'immenses conséquences. Elle a été aggravée avec le discours de Dakar(en juillet 2007, au cours duquel le président français avait affirmé que l'Afrique n'était pas assez entrée dans l'Histoire, ndlr), qui fut pour moi une monstruosité, et pour lequel j'ai ressenti une honte physique.» Il insiste : «Quand j'ai rencontré à Niamey le professeur Kassé, de l'université qui avait accueilli Sarkozy, je lui ai demandé comment il avait supporté ce discours jusqu'à la fin. Nous avons dû partir, a-t-il répondu. La France fait fuir ses meilleurs amis avec de telles attitudes.» Abordant le sujet de la burqua qui du reste est au cœur de l'actualité, le secrétaire national du PS s'est voulu transparent dans ses propos et surtout profite de cette interview pour étaler au grand jour la position de son parti «qui désapprouve la burqua et a voté la résolution contre elle mais a rejeté la loi qu'il considère anticonstitutionnelle qui vise à pourchasser les femmes qui la portent dans la rue. Que cette burqua soit interdite dans les services publics, cela est constitutionnel mais violer la Constitution, pour que les policiers interviennent dans la rue, afin d'arracher aux femmes ces oripeaux, cela me paraît excessif… Je ne veux pas que, sous couvert de défense de la laïcité, nous en venions à organiser la guerre d'une France contre une autre, une guerre moderne des religions dans la rue.» «La France a reconnu sa responsabilité pour Vichy, a fait une loi sur le génocide arménien où elle n'était aucunement impliquée, mais n'a pas assumé ses responsabilités historiques en Algérie…» A cette recherche de réponse objective, Montebourg se laisse aller en commençant par reconnaître qu'il souffre beaucoup, comme beaucoup d'amoureux de l'Algérie en France, de cette mésentente. «Je crois que la question mémorielle est centrale. Il y a eu trois générations aux prises avec les guerres entre la France et l'Allemagne, cela a duré un siècle, mais, après la dernière guerre, la France et l'Allemagne ont écrit la même histoire. La France et l'Algérie doivent aussi faire ce travail de mémoire. Le passé doit être soldé. Notre passé commun, notre histoire et notre proximité géographique nous dictent un futur à écrire ensemble. Les archives montrent que la conquête a été une barbarie. Ma famille Ould Cadi a été au coeur des méfaits de la colonisation : le régime impérial de Napoléon III et ses généraux ont voulu lui prendre des terres pour les donner à des colons qu'on avait expatriés de force. Il y a eu spoliation et sang versé. Toutes les preuves sont sur la table. Il faut remercier Rachid Bouchareb pour son très beau film Hors-la-loi. J'ajoute qu'il n'y a pas le Bouchareb d'Indigènes, qui rend justice aux tirailleurs maghrébins ou sénégalais ayant fait la Guerre de 39-45, et celui de Sétif qui a commis un crime de lèse-histoire. C'est absurde, il s'agit de la suite de l'Histoire. Les faits de Sétif sont réels, écrits, il y a consensus aujourd'hui quand l'historien Benjamin Stora s'exprime sur le sujet. On connaît l'étendue du massacre, les provocations qui ont eu lieu. Je suis de l'avis que les deux gouvernements désignent une commission pluripartite composée d'historiens pour écrire l'histoire commune. Des intérêts politiques et électoraux empêchent ce travail d'être fait en toute sérénité. La droite en France n'accepte pas de faire des avancées mémorielles, car elle cherche les voix de l'extrême-droite, issue de l'OAS,» devait-il lancer en direction du journaliste qui enchaîne sur la fragile question du refus de la France de porter un regard lucide sur son passé. C'est une opportunité qui s'est présentée a lui pour rappeler tout d'abord qu'il est à la fois petit-fils d'Algérien et fils d'appelé du contingent en Algérie, un enfant de la France-Algérie en quelque sorte, à la fois du FLN et de l'armée française en Algérie. Il poursuit en mettant en valeur le fait qu'il soit «issu par mes parents de cette génération militante qui s'est battue pour la décolonisation et contre la SFIO, qui était à l'époque d'orientation coloniale. Guy Mollet avait été élu en 1956 pour faire la paix. Il fit la guerre et toléra la torture.» Il conclut avec cette déclaration qui renforce la position algérienne en l'occurrence :«La France doit solder ce passé et assumer sa responsabilité.» D'ailleurs dans cette discussion révélatrice de beaucoup de faits et de méfaits, le secrétaire national du PS est allé jusqu'à évoquer le volet mondialisation. Pour lui, rien ne peut aller dans le sens de la construction mais plutôt dans le sens d'une mondialisation destructrice. Pour lui, c'est la fête au village plutôt une occasion pour une parfaite recolonisation et de marchandage. Il dénonce le fait que les terres soient rachetées par des états émergeants provoquant une folle compétition pour faire main basse sur cette richesse. Une compétition engagée sur le terrain entre les Etats émergeants et les grands pays consommateurs «Chine, Etat-Unis notamment.» Le seul but, dira-t-il est de contrôler et d'exploiter le sous-sol africain riche en minerais et hydrocarbures. Dans son réquisitoire, il livra ses impressions sur les pays pauvres qui sont «devenus encore plus pauvres, les pays émergents ont vu leurs inégalités exploser, tout comme les pays riches. Inégalités, donc, entre le Nord et le Sud, et au sein des pays du Sud comme du Nord. La révolte contre la mondialisation s'est généralisée. Aux Etats-Unis, on rejette le système mondial tel qu'il s'est constitué et, hormis pour les Bric (Brésil, Russie, Inde, Chine, ndlr), ces pays émergents qui ont tiré leur épingle du jeu de la mondialisation, le système est contesté.» S'agissant de l'OMC, il qualifiera le «nouveau round de Doha» de hors champ, «complètement paralysé en l'absence de consensus .... Nous n'éviterons pas la marche vers des économies continentales». Faisant référence à des repères qui précisent le degré de développement des relations d'une union à l'autre, il expliquera que «les pays africains ne sont pas encore organisés pour négocier leurs intérêts d'Union à Union, pour la construction des stratégies préférentielles, comme celles existant entre les pays du continent américain ou ceux d'Asie.» Il se dit être favorable à une nouvelle approche des relations Europe-Afrique, on retrouve l'esprit des accords de Lomé dans lesquels, au nom du développement et de la coopération, la production des pays africains bénéficiait d'accords préférentiels. C'était une bonne idée, qui n'a guère duré puisqu'au nom de la mondialisation et des engagements auprès de l'OMC, en particulier le principe de réciprocité, on lui a coupé les jambes. «Les Africains doivent inventer leurs stratégies macroéconomiques et leurs mécanismes microéconomiques. Pour cela, ils devront faire eux-mêmes le ménage. L'Union africaine, qui s'est attelée à la pacification diplomatique, politique ou militaire, doit devenir un instrument du développement économique performant, construire des stratégies avec des partenaires étrangers et imaginer des programmes d'investissement pour que l'Afrique devienne une zone d'émergence économique». devait-il-conclure.