« La France, il faut l'aimer ou la quitter » Sarkozy Carrure athlétique - Kader Arif est ancien joueur de rugby de l'équipe de Castres - , cheveu coupé ras, sourire avenant et accent fleurissant le sud-ouest français. L'homme qui nous fait face dans un café parisien, rue Solférino, est le numéro trois du parti socialiste français. Kader, Arif est secrétaire national chargé des fédérations, député européen et premier secrétaire du PS de la Haute-Garonne. Né à Alger le 3 juillet 1959, Kader Arif avait 4 ans quand sa famille a immigré en France. Abdelkader Arif, plus connu sous le diminutif de Kader n'est pas « un beur de service » propulsé, mais un « militant de base », comme il aime se définir, qui a connu une évolution normale. Le parcours militant de Kader Arif, d'abord associatif, a commencé tôt, sur « un coup de cœur ». Sa première « colère » remonte à 1973 et n'a rien à voir avec ses « origines premières ». « J'avais mal vécu le coup d'Etat militaire au Chili », dit-il. C'était une « révolte » d'adolescent. Animé par un idéal de liberté, il voulait, à 14 ans, se rendre au Chili pour combattre la dictature qui venait de s'emparer par la force du pouvoir. « Cette colère avait généré en moi un désir d'engagement. » Et Kader Arif de rappeler que Castres, sa ville d'adoption, est la ville natale de Jean Jaurès. Après une implication dans des syndicats lycéens particulièrement, Kader Arif, entre au Parti socialiste en 1983, à une période où « le PS amorçait un tournant de rigueur », et non pas après la victoire des socialistes à l'élection présidentielle de 1981, parce qu'il ne voulait pas apparaître comme « quelqu'un qui allait à la soupe ». Il est, avec Arezki Dahmani, l'un des fondateurs de France Plus, après la « marche des beurs » de 1983. « La marche des beurs de 1983 n'avait pas donné de résultats patents. Nous avions créé France Plus dans le cadre d'un rapport de forces politique, la France comptait alors plus d'un million d'immigrés d'origine maghrébine. » Il quitte France Plus un an après. Un lien indéfectible Kader Arif affirme n'avoir jamais été partisan du communautarisme, non pas qu'il ne s'intéresse pas à ces questions, mais parce que son engagement c'est sa citoyenneté, dit-il. « Je suis le fruit d'un parcours. C'est la raison pour laquelle j'ai toujours refusé d'être un spécialiste de l'immigration », dit-il. « L'immigration, c'est un lien indéfectible. Ce qui m'aide en politique, c'est d'avoir grandi dans une famille où la parole n'est pas toujours au rendez-vous, où il y a beaucoup de non-dit, où il faut sentir rapidement ce qu'il convient de dire ou pas. » Son engagement c'est aussi pour son père, ouvrier, qui « avait passé 20 ans au marteau-piqueur, la tête haute ». Kader Arif avait failli rejoindre le parti communiste mais il s'est souvenu des « bulldozers contre les foyers Sonacotra » en 1979. « Je connaissais les limites du PS, mais une démocratie interne y prévalait. » En Haute-Garonne il a la « chance » de croiser, en 1987, un élu du nom de Lionel Jospin. Celui-ci écoute le jeune militant, lui fait confiance, et accepte qu'il travaille pour lui. Se produit alors un phénomène d'accélération considérable, non pas dans la carrière de Kader Arif, mais dans son apprentissage politique. « J'ai rencontré un maître qui patine l'esprit, calme l'impatience. » Kader Arif a gardé à ce jour un lien de fidélité à Lionel Jospin. En 1997, Kader Arif entre dans la direction départementale Haute-Garonne. En 1999, le premier secrétaire PS du département est démissionnaire. Kader Arif se porte candidat dans cette fédération (la 5e de France et celle du Premier ministre Lionel Jospin). « Je suis allé voir Lionel Jospin, il m'a alors demandé si j'avais des chances de gagner, puis il m'a dit qu'il m'exprimerait son soutien le moment venu, ajoutant que si un enfant de l'immigration devait être candidat, c'est ici. » Kader Arif est élu. Il entre au bureau national du PS en 2000, à la suite du congrès de Grenoble. En 2001, il est secrétaire national aux relations internationales. Et depuis le dernier congrès, secrétaire national aux fédérations. Il est élu député européen en 2004. « L'ascenseur social ne fonctionne pas » Kader Arif considère le PS comme un parti ouvert aux questions de l'immigration, une réalité qui, longtemps, n'a pas été prise en compte par les partis politiques dans son fonctionnement. « Nous sommes dans une société où l'ascenseur social ne fonctionne pas. Quand on est immigré et pauvre, c'est compliqué. Je me suis senti plus étranger avec l'accent toulousain et pas énarque que d'origine algérienne. Le problème de l'immigration se situe là. Si mon père avait fait l'ENA, j'aurais été enfant d'énarque. » Kader Arif estime qu'il faut arrêter de parler d'intégration. « Quand on parle d'intégration, on fait référence à des étrangers ou à des Français d'origine maghrébine ou africaine et on relie cette espèce de peur obscurantiste de l'autre. Parlons de Français tout court. C'est une question qui est au cœur de la société et du PS. C'est un vrai débat entre la gauche et la droite qui va au-delà de la loi Sarkozy. Faut-il casser la République pour créer une société sur le modèle anglo-saxon et vivre à côté. Le PS se refuse à cela, il faut que la République soit, au-delà de l'immigration, un facteur d'ascension sociale. Il existe de grands chefs d'entreprise d'origine maghrébine, ils ne sont pas mis en exergue. » Kader Arif appelle les enfants d'immigrés à entrer dans les partis politiques. « Quand on est enfant d'immigrés, le temps n'est pas le même que pour un enfant de Français, on a envie d'exister, de s'affirmer et d'être reconnu rapidement, hors la politique offre un temps long. Le talent, élément accélérateur de la reconnaissance, n'est pas pris en compte en politique. A vingt ans on est pressé. » « L'immigration du sud est liée à l'image de la locomotive, il faut créer des conditions pour que des élus issus de l'immigration puissent trouver leur place dans les partis politiques. C'est une question qui est prise à bras-le-corps, bien que tardivement par le PS qui compte une trentaine de conseillers régionaux issus de l'immigration. » Le PS affiche sa volonté de promouvoir des candidatures à l'Assemblée nationale, 7 à 8 députés pourront être élus à la prochaine législature. Sur l'immigration « choisie », préconisée par le ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, Kader Arif, considère qu' « on en a toujours fait » et qu'il s'agit cette fois de « piller la matière grise », après avoir pillé les matières premières et la force de travail des pays du Sud. Dans Libération du 2 mai 2006, Kader Arif signe avec deux autres responsables nationaux du PS, Faouzi Lamdaoui et Juliette Meadel, un article intitulé « Non à l'immigration jetable ». « Une politique de l'immigration cohérente ne peut aboutir que si elle s'appuie sur trois préalables : valoriser le rôle des migrants dans le développement, tant pour le pays d'origine que pour le pays d'accueil, rapprocher les statuts des étrangers de celui des nationaux et ratifier la Convention internationale sur la protection des droits des migrants », préconisent les signataires de l'article. Au Parlement européen Kader Arif est en charge du commerce et des échanges internationaux. Il s'intéresse particulièrement aux échanges euroméditerranéens. Sur les rapports Nord-Sud auxquels il accorde une attention particulière, le député européen estime qu'on n'interdira pas à la pauvreté de s'exporter. « Quand on est pauvre, le seul trésor qu'on possède c'est sa propre vie, on la met en jeu pour exister. » Et d'ajouter qu« Une vraie aide au développement économique et à la promotion de la démocratie des pays du Sud de la Méditerranée doit être mise en œuvre. Quelle politique commerciale ? Quels sont les marchés porteurs pour les uns et les autres ? Il est tout à fait possible d'augmenter le nombre de visas accordés aux ressortissants des pays du Sud sans craindre une installation massive. L'ensemble de ces questions est également lié à la situation mondiale. Je n'ai pas envie de donner raison aux néoconservateurs américains. L'Algérie et la France peuvent être de magnifiques exemples d'échanges et de stabilité géopolitique. » Sur l'écriture de l'histoire commune franco-algérienne, le responsable politique du PS souhaite que « les tabous soient levés en France et en Algérie ». Et de rappeler qu'en France, le premier ministre socialiste Lionel Jospin avait commencé à le faire. C'est sous son gouvernement qu'une proposition de loi a été adoptée par l'Assemblée nationale sur la reconnaissance du terme de guerre en Algérie en lieu et place d'« événements », qualificatif usité jusque-là. « L'histoire de l'Algérie est aussi en France. Les Français d'origine algérienne se sentent orphelins de l'histoire de leurs parents. » - Parcours Kader Arif est né le 3 juillet 1959 à Alger. Il est l'aîné d'une famille de 4 enfants. Sa famille a immigré en France alors qu'il avait quatre ans. Il est père de trois filles, des jumelles de 16 ans, Sarah et Mélissa et la benjamine, Jasmine, 12 ans. Il est titulaire d'une maîtrise en communication à l'Ecole supérieure d'audiovisuel à l'université Toulouse, le Mirail. Entré au PS en 1983, il fait la connaissance de Lionel Jospin en 1987 et commence à travailler avec lui en 1989 en tant que chargé de mission. De 1995 à 2001, il est élu chargé des sports à Castanet-Tlosan, ville de l'agglomération toulousaine. En 2002, il devient l'un des secrétaires nationaux, en charge des relations internationales. En 2003, au congrès de Dijon, il est réélu premier secrétaire du Parti socialiste de la Haute-Garonne ; il devient secrétaire national en charge de la mondialisation. Le 13 juin 2004, Kader Arif est élu député européen. Le 24 novembre 2005, il est réélu premier secrétaire du PS de la Haute-Garonne avec 81,5% des voix. Le 30 novembre 2005, suite au congrès du Mans, il est nommé secrétaire national aux fédérations devenant ainsi le numéro 3 de l'organisation du PS.