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Quand enfance rime avec errance
SDF
Publié dans La Nouvelle République le 27 - 07 - 2010

Ali, un handicapé mental a été rejeté par sa famille. Depuis, il est pris en charge par ses copains de la rue. Vêtements sales, lorsqu'ils se sont pas tout simplement en lambeaux, le regard hagard, ils sont toute une meute qui fouinent souvent dans les poubelles à la recherche de quoi manger. Ce n'est pas une séquence d'un fils de Spielberg, hélas, ce n'est que la réalité que vivent quotidiennement les enfants livrés à eux-mêmes, les enfants sans domicile fixe. Une réalité amère qui défile chaque jour devant nos yeux dans les différents coins de la capitale. Voués à un sort qu'ils n'ont pas choisi, ces enfants se font de plus en plus nombreux.
En effet, souvent venus de différents coins du pays, ces enfants qui sillonnent les artères de la capitale vivent généralement en groupe. Il n'est pas rare de trouver que ce denier soit constitué uniquement d'enfants issus d'une même région ou d'une même famille. Chacun d'eux véhicule une histoire triste qui l'a amené à quitter le monde de l'enfance pour tomber dans un autre qui n'est pas le leur, celui des adultes. Livrés à eux-mêmes, sans repères ni refuges, ils se sont enlisés dans le monde de la délinquance malgré eux. La capitale qui est devenue par la force des choses une mégalopole leur a ouvert grandement les bras. Et c'est ainsi qu'ils ont élu domicile dans différents quartiers, tels le square Port Saïd, les Sablettes ou la Grande-Poste. En effet, au niveau de cette dernière, nous avons remarqué la présence d'une dizaine de ces chérubins qui vivent des restes que jettent «généreusement» les habitants dans leurs poubelles. Ils escaladent la clôture de l'éternel chantier du métro pour rester à l'ombre le jour et n'en sortir que la nuit. Ils sont ainsi choisi leur rythme de vie sûrement pour cacher la misère qu'ils traînent ou de peur de faire l'objet des regards curieux et souvent d'insultes proférées par des gens qui ne comprennent pas leur détresse. Comme si ces enfants ne voulaient pas être autrement que ce qu'ils sont.
Un monde parallèle
En questionnant quelques enfants pour connaître la raison de leur état, nous nous sommes retrouvés devant un black-out total. Il est vrai qu'ils sont peu communicatifs sauf entre eux. C'est ce que nous a confié un psychologue : «L'enfant abandonné rejette tout ce qui l'entoure, il construit un monde parallèle propre à lui et ses relations avec l'extérieur sont toutes marquées de méfiance et de crainte, il ne fait confiance en réalité qu'à son instinct. Ayant coupé tôt et tragiquement avec l'enfance, il se retrouve ainsi déséquilibré, vacillant entre le monde de l'enfance et celui des adultes».
Après de multiples essais, nous avons pu entrer en discussion avec eux qui, malgré leurs apparences de délinquants, gardent dans leurs yeux, le regard doux d'un enfant, celui d'un innocent.
Abdelkader, le chef d'un groupe, appelons-le ainsi est un enfant de 13 ans, vivant aux alentours de la Grande-Poste, il ne nous parle qu'après avoir allégé «nos poches de quelques pièces de monnaie». Il nous raconte d'un trait sa vie, sa souffrance, écoutons-le : «Je suis ici de mon propre gré mais aussi forcé par des circonstances. Après la mort de ma mère, mon père s'est remarié. Ma marâtre a tout fait dès le début pour m'envoyer vivre auprès de mes oncles maternels. Mon père lui disait toujours qu'il trouverait la solution pour qu'elle vive seule…» (silence, puis il reprend avec une voix émue) : «Elle m'a toujours maltraité sans que mon père n'intervienne. Jusqu'au jour où elle a inventé l'histoire du vol d'un objet. Ce jour-là, mon père m'a battu comme un chien me laissant passer la nuit dans la cour de la maison. Le lendemain matin, j'ai quitté la maison sans que mon père ne cherche après moi. Même si je ne suis qu'un vagabond et que je vis misérablement, au moins, ici, je ne suis pas humilié quotidiennement».
Parce que handicapé mental
Les langues commencent à se délier, chacun veut apporter son témoignage et se libérer ainsi psychologiquement de ce fardeau qui pèse sur son corps frêle. Abdelkader revient à la charge pour parler de son copain Ali avec lequel il partage ses déboires. Ce dernier ne peut communiquer normalement, étant donné qu'il est atteint d'une déficience mentale. Abdelkader parle donc à sa place : «Ali a été rejeté par sa famille parce qu'il est handicapé mental, c'est une charge pour sa famille. Ses parents ont pris l'habitude de ne pas s'occuper de lui depuis qu'il était très jeune». Délaissé par les siens, Ali entre dans le monde de l'errance jusqu'au jour où il rencontra Abdelkader et consorts qui malgré leur jeune âge l'ont pris en charge.
Pour ce qui est d'Ahmed, un petit enfant de 9 ans qui ne cesse de nous dévisager avec son regard innocent, son témoignage est émouvant : «Lorsque j'avais six ans, ma mère est morte et mon père qui ne s'est pas remarié, s'occupait de nous (lui et ma sœur) à merveille, jusqu'au jour où il a été terrassé par la maladie, je me suis retrouvé entre mes oncles qui m'ont fait sentir qu'ils ne voulaient plus de nous. Ils ne se souciaient jamais de moi quand ils m'envoyaient chercher des provisions à cinq kilomètres du village et que je tardais à venir. Je sais qu'en les quittant, aujourd'hui c'est une délivrance et pour moi et pour eux».
Pour vivre, Ahmed s'installe toujours au carrefour d'Addis-Abeba pour essuyer les pare-brises des voitures, quémandant une pièce de monnaie qu'on lui accorde souvent.
Aussi, avons-nous remarqué la présence d'une fille au sein du groupe, voulant la questionner à son sujet, celle-ci a été moins bavarde que ses copains d'infortune. Tout ce que nous savons d'elle, c'est qu'elle a quitté un milieu familial qui ne voulait pas d'elle. Chose qu'elle a ressentie dans le comportement de sa mère envers elle. D'ailleurs, dès son jeune âge, sa mère l'a placée dans une famille de bourgeois pour qu'elle serve de bonne. En plus des misères qu'elle subissait dans cette famille, sa mère ne lui rendait visite que pour empocher son maigre salaire, c'est ce qui l'a poussée à fuir ce milieu infernal.
Il n'est pas à écarter que cette adolescente ne soit pas victime de sévices sexuels lorsqu'on sait que des hommes sans scrupule tournent tels des rapaces autour d'elle. Nous l'avons constaté lorsque nous l'avons vue en compagnie d'autres délinquants plus âgés qu'elle dans le jardin de la Liberté qui est devenu, il faut le reconnaître, un lieu de rencontre de toutes les bandes de malfaiteurs, et ce par manque flagrant de gardiennage dans ce lieu qui jadis était un vrai paradis pour les enfants… non abandonnés.
Mais là où le bât blesse, c'est quand ces enfants se heurtent à l'incompréhension des gens qui les accusent de tous les maux, au point de voir certains leur cracher dessus. Certes, ils vivent parfois de larcins sans quoi ils ne mangent pas. C'est ce que nous a appris Abdelkader : «Des fois, il nous arrive de ne pas manger puisque nous n'avons pas de sous alors on se met à chercher la nourriture dans les poubelles. Quand des gens nous voient en train de fouiner dans les ordures, il y en a qui nous crachent dessus et nous disent que nous sommes des bâtards».
Un mal porteur de dangers
Continuant sur sa lancée, il nous a rapporté l'anecdote d'un enfant attrapé en flagrant délit de vol : «Un jour, un camarade, en voulant manger est entré dans une boulangerie, il demanda qu'on lui offre du pain, il essuya un refus de la part du vendeur. Alors il lui chaparda une brioche sur le comptoir, mais il fut vite rattrapé par le vendeur qui le conduisit dans l'arrière-boutique pour le corriger. Heureusement, le patron était là. En prenant connaissance de l'histoire, il le laissa partir après lui avoir donné non une correction mais une boîte de gâteaux».
Il est vrai que les habitants de la capitale qui se sentent agressés par la prolifération de ce fléau sont sur le qui-vive, car ce mal est porteur de dangers latents qui minent le tissu social tels que la prostitution, le banditisme ou la drogue.
En ce qui concerne la drogue, les enfants abandonnés ont déjà appris ses «rudiments». Faute d'avoir les moyens de se l'offrir, ils en confectionnent avec les moyens de bord, l'essentiel c'est de s'envoyer en l'air. Pour ce faire, ils achètent du diluant ou de la colle dont ils aspergent un morceau de tissu qu'ils tiennent dans le creux de leur main tout en respirant à fond les poumons les gaz que dégagent ces substances toxiques. Cette méthode s'appelle dans l'argot des drogués «sniffer». Cette pratique qui tend à les faire entrer dans une dimension autre que la réalité est sacrée chez les enfants abandonnés.
Adultes malgré eux
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, ces enfants sont, par la force des choses, des adultes qui en connaissent déjà un bout sur la vie. Ils s'estiment à même de relever les défis que se lancent les adultes entre eux. La constitution des bandes d'enfants abandonnés n'est jamais fortuite. Elle repose sur un point déterminant qui est celui de nommer un chef à la tête de chaque bande.
C'est dire que ces bandes sont loin d'être désorganisées et obéissent bien à une hiérarchisation structurée et bien définie. Toujours selon Abdelkaer, nous avons su que les bandes rivales entrent en rudes batailles entre elles pour qui étalera sa suprématie sur les autres.
Cette suprématie se concrétise souvent par le nombre «d'adhérents» que contient la bande, aussi sur son étendue géographique et le nombre «d'exploits» qu'elle détient. En outre, cette mise en conformité au monde des adultes se caractérise par l'initiation à la consommation d'alcool et surtout à la recherche de la gent féminine. Cette recherche au début n'est pas provoquée, selon le psychologue cité plus haut par une quelconque pulsion «libidineuse» , c'est-à-dire qu'elle n'a aucun aspect sexuel mais elle est due au désir de reconstituer virtuellement le tissu familial dans lequel l'enfant abandonné vivait auparavant.
Force est de constater que ce fléau plus qu'inquiétant ne suscite gère l'attention des services concernés.
Nous nous demandons où est donc passé la responsabilité de l'Etat quant à la protection de l'enfance tant prônée dans les discours officiels et tous ces textes juridiques et ces conventions ratifiées par l'Algérie concernant la protection de l'enfance.
Ne sont-ils en réalité que de la démagogie ?
Après que des personnes âgées soient mises dans des centres spécialisés, quand elles ne sont pas jetées à la rue et que la paupérisation ébranle désormais des pans entiers de la société, c'est le tour d'innocents enfants qu'on vient tirer de leur monde de rêves et de rires pour les jeter dans un monde vicieux où la cruauté règne en maîtresse des lieux.


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