Deux scénarios pour l'Algérie 1) Le premier scénario serait le statu quo actuel et qui est suicidaire avec le retour à une gestion administrée autoritaire des années 1970 ignorant les mutations sociales tant internes que mondiales que voile une certaine aisance financière (réserves de changes de 150 milliards de dollars), non pas due au génie créateur mais à la rente des hydrocarbures. Un Etat relativement riche mais une population en majorité de plus en plus pauvre, comme en témoigne cet accroissement du nombre de couffins pendant le mois de ramadan, une réalité voilée par les autosatisfactions de certains responsables, vivant d'illusions au sein de bureaux, mais étant source de névrose collective car déconnectés des réalités sociales, la facilité étant de pondre des lois face aux difficultés mais que contredisent les pratiques quotidiennes. Si l'on prend l'hypothèse la plus optimiste — les derniers rapports internationaux pour l'Algérie donnant un pic pour l'Algérie dans 16 ans pour le pétrole (1 % des réserves mondiales) et entre 20 et 25 ans pour le gaz (3 % des réserves mondiales) — et tenant compte d'une forte consommation intérieure, l'extension du gaz non conventionnel et le nouveau modèle de consommation énergétique qui se mettra en place entre 2015 et 2020 qui prépare les énergies alternatives qui risquent de raccourcir l'échéance pour le gaz, car on peut découvrir des milliers de gisements non rentables, il n' y aura plus de devises provenant des hydrocarbures, comme cela a été le cas récemment pour l'Indonésie mais qui a préparé l'après-pétrole qui interviendra dans vingt ans. Nous devrions assister à la suppression du ministère des Hydrocarbures et, donc, de Sonatrach et, dans la foulée, celui de la Solidarité nationale. Le risque est l'implosion de la caisse de retraite, pas d'attrait de l'investissement, un chômage croissant, des tensions sociales de plus en plus criardes avec une instabilité politique, à l'instar des pays les plus pauvres de l'Afrique subsaharienne et des risques d'intervention de puissances étrangères en cas d'instabilité du bassin méditerranéen. 2- Mais évitons la sinistrose. Le second scénario se base sur les conditions favorables de développement de l'Algérie par une gouvernance rénovée grâce à une plus grande moralisation des dirigeants, se basant sur les principes d'un Etat de droit, l'implication de la société, loin des mesures administratives autoritaires, donc des actions démocratiques, corrélativement à la réhabilitation du savoir, du management stratégique de l'entreprise et des institutions, par une libéralisation maîtrisée grâce au rôle central de l'Etat régulateur. Le défi majeur sera la maîtrise du temps, supposant donc des compétences avérées car, en économie, le temps ne se rattrape jamais, contrairement à la mentalité culturelle rentière. Pour cela, il faudra impérativement avoir une vision stratégique afin que l'Algérie ait un rôle actif dans le monde de demain, turbulent et en perpétuel mouvement, en évitant la bureaucratie, l'instabilité juridique et le manque de cohérence et de visibilité dans la politique économique, en combattant la mauvaise gestion, évitant cette illusion que le développement s'assimilerait à la dépense monétaire via la dépense publique sans se préoccuper des impacts réels à moyen et long terme. Il s'agit également de combattre la corruption qui s'est socialisée en démobilisant toute énergie créatrice, dont la sphère informelle dont l'intégration suppose non pas des mesures autoritaires mais d'autres mécanismes de régulation transparents, existant des relations dialectiques au niveau des différentes sphères du pouvoir, entre la logique rentière dominée par les hydrocarbures et la logique de cette sphère informelle, produit du dysfonctionnement des structures de l'Etat, reflétant la faiblesse d'un Etat de non-droit, sphère contrôlant 40 % de la masse monétaire en circulation avec une intermédiation financière informelle où tout se traite en cash, rendant inopérantes certaines mesures si louables soient-elles comme l'exigence de 500 000 dinars par chèques pour toute transaction, renvoyant d'ailleurs à l'inefficience du système financier, lieu de distribution de la rente. Il faudra favoriser le dialogue économique et social pour éviter la concentration excessive du revenu national au profit de rentes spéculatives destructrices de richesses, garder une partie de la rente pour les générations futures, mettre en place un nouveau modèle de consommation énergétique reposant sur les énergies renouvelables, dont le solaire, et promouvoir des segments, y compris les services à valeur ajoutée, en réhabilitant l'entreprise en levant les contraintes d'environnement (terrorisme bureaucratique central et local, système financier sclérosé, système socio-éducatif inadapté, foncier) et son fondement, le savoir,, actuellement dévalorisé au profit des rentes. Et ce dans un environnement concurrentiel, loin de tout monopole public ou privé, dans le cadre des avantages comparatifs mondiaux car la société algérienne évoluera forcément au sein d'une économie mondiale de plus en plus ouverte. Cette nouvelle approche reposera sur des allocations bien ciblées d'investissement, les infrastructures n'étant qu'un moyen, devant faire un bilan objectif des impacts réels du programme de la dépense publique 2004-2009 afin d'éviter les mêmes erreurs pour le futur programme 2010-2014, du bilan des assainissements des entreprises publiques ainsi que de l'efficacité de la gestion des réserves de changes, notamment des montants placés à l'étranger. En conclusion, gouverner étant de prévoir, les défis qui attendent l'Algérie sont immenses du fait de l'important retard accusé dans la réforme globale, les politiques socio-économiques depuis des décennies s'étant réfugiées dans des actions de replâtrage s conjoncturels en misant sur la dépense monétaire et aux réalisations physiques souvent ne répondant pas aux normes internationales, sans se préoccuper des coûts, au lieu d'une vision stratégique tenant compte des mutations mondiales. L'Algérie a déjà 48 années d'indépendance politique. Or, en 2030, ce sera l'Algérie de demain qui peut soit entrer dans la régression économique et sociale ou devenir un pays pivot au sein de l'espace euro-méditerranéen et arabo-africain. (A suivre) Dr Abderrahmane Mebtoul,