Hakima est une jeune femme bordjienne originaire de Zemmoura, qui vit actuellement à Bordj Bou-Arréridj. Elle a la trentaine, est mariée et a deux jeunes enfants. Après ses études supérieures, elle a travaillé dans l'enseignement, mais depuis la naissance de ses garçons, elle a décidé de ralentir son rythme et collabore professionnellement, de manière épisodique, en donnant des cours particuliers d'anglais à son domicile. Pour elle, le Ramadhan est une période particulière sur le plan religieux et social, et cela se ressent dans la vie quotidienne pendant un mois. Elle a très gentiment accepté de nous relater sa vie à cette période. Une vie pratique quotidienne qui prend un rythme différent. «Mes enfants de 2 et 5 ans sont cette année en vacances. Leur rythme de vie n'est donc pas vraiment perturbé, comme peut l'être le mien. Car je suis obligée de me lever pour leur préparer le petit déjeuner et malgré la veillée, je ne peux pas faire la grasse matinée. Pour les courses, il faut savoir que les horaires d'ouverture et de fermeture des magasins changent. Ils ouvrent généralement plus tard, vers 10-11h du matin, ferment avant le f'tour (rupture du jeûne, cette année aux alentours de 19h30 à Bordj Bou-Arréridj), et rouvrent, pas tous, vers 21h jusqu'à tard dans la nuit. On est tenté d'acheter plus de choses que de coutume, car faire les courses avec l'estomac vide provoque une certaine envie quelquefois. Moi, par exemple, j'ai remarqué que je mange beaucoup plus de fruits que normalement, sous forme de jus principalement. Je fais des jus de banane, pomme, raisin, mélangés ou non à du lait, c'est très bon en début de repas. A Bordj Bou-Arréridj, le f'tour du mois de Ramadhan est différent d'une région à une autre, et la table est garnie de façon à satisfaire tout le monde, famille et invités, chacun trouve ce qu'il aime. Traditionnellement, le f'tour consiste à rompre le jeûne. On commence d'abord par le jus, ou le lait accompagné des dattes ou des figues, sans oublier la zlabia, friandise par excellence. Sur la table de f'tour, on met plusieurs plats : traditionnellement, il y a bien sûr la chorba frik ou la harira, soupe à base de pois chiches et tomates, bien consistante et accompagnée de dattes et de citron, qui permet de reprendre ses forces après une journée de jeûne. On en sent l'odeur alléchante dans les rues vers 17h, quand le repas mijote dans les casseroles. Je présente aussi des briques fourrés à la viande, aux crevettes, à la charcuterie hallal. Faire cuire les cervelles préalablement salées et poivrées à la vapeur en les plaçant sur une assiette sur une casserole d'eau, ajouter du jus de citron. Faire revenir la viande hachée dans une cuillère d'huile et de beurre et l'oignon, la cannelle, le sel et le poivre noir durant 10 minutes. Battre les œufs et les battre dans un bol avec le persil finement haché. Faites cuire de façon à ce qu'elle soit baveuse dans une grosse cuillère de beurre. Sur chaque feuille de brick, déposer une cuillère à café du mélange d'œuf, de cervelle ou de viande hachée. Rabattre les bords pour enfermer la farce et ne pas la laisser couler. Puis rouler en forme de cylindre tout en serrant bien. Faire dorer dans l'huile chaude à feu doux. Il est conseillé d'arroser d'un peu de citron avant de servir. Le tajine lahlou est un plat traditionnel des tables ramadanesques. C'est un plat où le sucré se ménage au salé. Ce mélange de viande d'agneau, de pruneaux pochés et de raisins secs ultra-fondants dans cette sauce sirupeuse aux épices douces ne laissera personne indifférent tant le mélange de toutes ces saveurs, de tous ces parfums est indescriptible. Un véritable incontournable de la cuisine traditionnelle algérienne et une fois que l'on y a goûté, on comprend pourquoi. Nous mangeons des salades, accompagnées d'un plat de résistance ou grillade. Je précise que tous ces plats ne sont pas servis au cours du même repas, sinon ce serait pantagruélique ! Je varie selon les soirs, mais nous avons toujours quelques sucreries, un peu de viande, des œufs, une soupe, du lait, des jus et de l'eau. Après le repas, je sers le café ou le thé, accompagné de viennoiseries. Mon mari a ensuite pour habitude de sortir faire la prière d'el-icha et des tarawih ensuite il va rencontrer ses amis au café. Moi, je suis plutôt casanière et j'apprécie de rester à la maison avec mes enfants. Mais la vie nocturne bat son plein en cette période, surtout que c'est l'été. Les magasins restent souvent ouverts tard dans la nuit et nombre de familles se promènent en faisant du lèche-vitrine et s'attablent aux terrasses des cafés (cela dépend de la température !). Le centre-ville et les alentours des mosquées regorgent de monde et dans les cafés on voit souvent des hommes jouer aux cartes entre amis. L'ambiance est festive, même en pleine semaine. Ma famille et celle de mon mari ne vivant pas dans la même ville que nous, cela réduit nos invitations. Mais ceux qui séjournent à Bordj Bou-Arréridj, ils viennent bien sûr très souvent partager nos f'tour. Nous allons de temps en temps chez des amis, mais comme chacun a ses habitudes alimentaires, j'aime bien manger chez moi et retrouver les plats que je préfère sur ma table. Je porte souvent des tenues traditionnelles à cette période. Beaucoup de femmes se font préparer des tenues à l'avance puisqu'il faut sortir souvent. On est tentée de ne pas porter la même tenue deux fois et pour être à la mode, il faut connaître les couturières qui proposent les modèles derniers cris. Aujourd'hui, de nombreuses boutiques proposent des coupes alliant tradition et modernité, plus pratiques et dans des matériaux divers. C'est très élégant et j'apprécie beaucoup de les porter avec des châles et des babouches très légers. Le budget de cette période, vous l'aurez compris, est relativement élevé. Cette année, le Ramadhan tombe en plein été et juste après vient la rentrée scolaire et certaines familles modestes seront certainement dans l'embarras. On dépense beaucoup, car on reçoit plus, on s'offre une variété de plats plus large, et on s'habille bien. Pour une femme, c'est une période qui demande beaucoup d'énergie, en particulier si elle travaille et qu'elle n'a pas d'aide à la maison. Bien sûr, il y a les horaires continus qui facilitent un peu la vie, mais elle doit jongler entre le bureau, les transports, les courses et la préparation quotidienne des repas, tout cela avec l'estomac vide, et sans compter les enfants. Je finirai par une des obligations de tout musulman, qui revêt un relief particulier lors du Ramadhan : il est en effet de coutume d'aider les pauvres et c'est le moment de donner ce que l'on peut à des associations caritatives. Implantées dans les quartiers populaires, elles distribuent souvent des f'tours aux déshérités. Dans les maisons ou immeubles, il est normal pour les familles de partager une partie de son repas avec les gardiens, les passagers ou les routiers. Mon mari ne mange jamais seul, de retour de la mosquée, il ramène toujours une ou deux personnes à table et quelques fois plus.