Peut-on dire que les moulouk qui l'ont gouvernée ont été maladroits dans l'exercice du pouvoir ? C'est sûr. Mais sous leur règne, celui de Abdellah, Abou Abdallah, Abderahmane 1er, 2, 3, se sont érigées des pensées, des constructions porteuses de marques d'une longue histoire. L'horloge solaire à l'Alhambra en est un exemple à retenir, même si Séville et Tolède avaient donné les signes d'une chute prochaine en leur qualité de creuset des civilisations. Ces capitales bâties par les arabo-musulmans étaient menacées par la Reconquista avec la complicité de quelques monarques arabes. Almoravides et Almohades à la rescousse D'abord, ce furent les Almoravides, fondateurs de Marrakech. Ils traversèrent la Méditerranée pour venir remettre de l'ordre, mais vainement à long terme. Les dirigeants de cette dynastie dont le chef suprême fut Ibn Tachfin n'ont pas agi efficacement et dans le sens d'un renforcement des bases d'une Andalousie déstabilisée par des luttes intestines. Leur influence a même créé des troubles dans le monde de la littérature et du renouveau en écriture, par leur rigorisme religieux. Ibn Khafadja en a fait part dans ses ouvrages. Après les Almoravides, les Almohades essayèrent de reprendre les rênes. Sous la direction d'Ibn Toumert, les Almohades voulaient redresser la situation en redorant le blason des arts. En reconnaissant leur contribution dans l'embellissement de l'Andalousie, tout s'est passé de 1230 à 1240 au cours desquelles la décadence s'était profilée à l'horizon. En 1491, ce fut la famine à Grenade. C'était prévisible avec la division de l'Andalousie en près de 30 royautés entrées en conflit les unes contre les autres. 1147, 1212, 1230, 1240 sont des dates marquantes pour le mythe de l'Andalousie dont le nom connotera désormais un héritage d'une valeur inestimable, celui d'une rencontre fructueuse de l'Occident avec l'Orient. Des siècles durant, la plupart des califes ont créé les conditions d'une œuvre scripturale et d'une civilisation déterminantes pour la Méditerranée, l'Europe, les pays maghrébins, l'Orient. Les rêves d'une unité méditerranéenne brisés L'Andalousie, qui a été pendant des siècles un univers de créations artistiques, de rapprochement entre l'Orient et l'Occident, aurait pu réaliser ce dont rêvent aujourd'hui certains chefs d'Etat, un ensemble capable de constituer une force considérable, mais à la faveur d'une unité. Il n'y a aucune perspective d'avenir dans la division. Ibn Khaldoun, né à Tunis mais originaire de l'Andalousie, père de la sociologie et auteur multi-disciplinaire, est l'emblème de cette Andalousie qui s'est imposée par le savoir-faire et la connaissance. Ibn Rochd, Maïmonide, comme Ibn Hazem, Ibn Chouheib ont été les figures emblématiques d'une littérature qui apportait les signes d'un progrès et d'une influence certaine sur la pensée universelle. 1410 et 1490 sont des dates importantes d'une ère nouvelle pour la civilisation andalouse qui allait au-delà des frontières de l'espace et du temps. A titre d'exemples, les idées d'Ibn Rochd et d'Ibn Khaldoun, pour ne citer que ces deux là, sont toujours d'actualité. Ibn Zaïdoun est l'un des représentants de la beauté de la poésie et de la chanson andalouses. Ibn Hazim, qu'on dit auteur errant, s'est illustré dans tous les domaines prolifiques où il a produit d es œuvres singulières à vocation universelle, comme les théories platoniciennes, les récits et anecdotes de Cordoue. Ibn Rochd nous a laissé la pensée d'Aristote. Sa philosophie qui remonte au Moyen-Age et fondée sur une meilleure connaissance des théories aristotéliciennes n'a jamais cessé d'être là pour éclairer. On n'a pas le droit de ne pas connaître Ibn Awam, auteur d'un traité en agronomie. Il faut dire qu'étant donné les inventions comme le système d'irrigation conçu et mis en pratique pour le développement de l'agriculture par Ibn Awam, les mathématiques par El-Khawarizmi, la poésie inventive des maîtres andalous en versification, les syllogismes d'Ibn Rochd, les philosophies mises à la portée de tous grâce aux traductions, la période andalouse n'a pas fini d'exercer son influence par ses références, même aujourd'hui dans ce monde qui se cherche ou à la recherche de modèles à réactualiser. Les yeux restent toujours braqués vers ce paradis perdu, dans la construction de l'universel.