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L'Histoire accable ses bourreaux!
TRAITE D'AMITIE ALGERO-FRANÇAIS
Publié dans L'Expression le 08 - 09 - 2005

C'est alors que pour les tenants du colonialisme, encore plus virulents dans leurs propos, l'étude des moeurs religieuses des groupes musulmans dont ils avaient la charge, sinon des âmes, dans les pays d'Afrique septentrionale qu'ils avaient conquis et dans ceux où ils devaient pousser encore irrésistiblement les besoins de leur politique, du commerce et de la civilisation, présentait pour eux un intérêt capital. Ainsi, l'école coloniale commença son entreprise de falsification et de mystification dans la formation des jeunes Algériens, et des autres, par un enseignement indigne d'une nation comme la France, en particulier, et de l'Europe en général. Francis Moheim, journaliste-écrivain belge, ne disait-il pas dans un témoignage : «Je constate que pendant mes six années «d'humanités», mes professeurs m'ont toujours donné une fausse image de l'islam, du monde musulman, de la civilisation arabo-islamique. Que ce soit dans les cours d'histoire, de religion, de littérature ou de morale, la civilisation arabo-islamique a toujours été présentée comme rétrograde, intolérante, décadente. Dans le cas concret de l'Algérie, elle n'aurait même jamais existé...»
Le docteur Fanon expliquait pour sa part: «Le colonialisme ne se contente pas d'imposer sa loi sur le présent et le futur du pays dominé...Par une sorte de logique perverse, il se tourne vers le passé du peuple opprimé, le déforme, le dénature et le détruit.» Or, pour acquérir cette force de pénétration sans laquelle tout leur serait difficile, affirmait le colonel C. Trumelet, dans l'Algérie légendaire: «Il nous faut d'abord étudier les choses cachées, les mystérieuses pratiques des groupes que nous sommes exposés à rencontrer sur notre route ténébreuse, silencieuse et muette.»
En effet, la légende est l'Histoire des peuples qui n'en ont point d'écrite. Mais Trumelet, l'écrivain colonisateur, s'était lourdement trompé car l'Histoire de l'Algérie remonte à des milliers d'années et est parsemée d'épopées glorieuses et de luttes opiniâtres pour la justice et la liberté.
Plus loin, dans le même livre, ce membre de la société des gens de Lettres, de la société historique algérienne ainsi que la société d'archéologie et de statistiques de la Drôme, - que de titres honorables et de responsabilités déterminantes - rabaissait les saints hommes de l'islam au niveau de ces bêtes immondes, ces barbares avides de massacres et de sang et, quand il se voulait plus clément, il les comparait à ces illusionnistes ou à ces forains maso-exhibitionnistes. Il écrivait: «Dans le pays des horizons infinis, les saints aiment les chevaux et la guerre, les mêlées furieuses; ils aiment les beaux coups de lance qui ouvrent de larges blessures, d'où jaillit le sang noir en flots bondissants; ils aiment ces merveilleux coups de sabre où les lames vont fouiller les entrailles des guerriers jusqu'au fond des reins ; ce sont des thaumaturges à cheval dont le coeur est chauffé à la haute température de la république des sables (...) Nous verrons aussi de saints anachorètes, des extatiques, dont les macérations, les mortifications, les tortures qu'ils s'imposent pour dépouiller leur matérialité, leur terrestréité, pour dompter leur chair, pour se rapprocher de Dieu, dépassent toutes les folies mystiques, toutes les sublimes frénésies des solitaires de la Thébaïde.»
Ces hommes décrits par cet auteur et qui étaient, en général, des hommes très doués dans les Sciences et les Lettres, des docteurs de réputation et, en même temps, des gens de prière et d'ardente dévotion, ont été peints en tant qu'adeptes du prosaïsme le plus vulgaire. Quelle incongruité dans le discours ! Quelle répugnance pour des hommes saints, voués à l'adoration, liés à Dieu, et quelle impertinence à l'égard d'une religion enseignant la fraternité, la tolérance et la recherche des conditions les plus favorables pour mener à bonne fin des oeuvres qui exigent de la science et de l'habileté!
Ces soi-disant écrivains qui s'étaient octroyés, en l'espace de quelques brûlots, le titre d'orientalistes éprouvés, n'ont rien compris de l'islam et de l'Arabe en général, parce qu'ils ne les ont jamais étudiés dans leurs profondeurs et leurs vertus. Ils ne sont jamais allés au fond des choses pour dire, consciemment et sans parti pris surtout, concernant l'Islam particulièrement — quand bien même s'il s'agit d'un culte qu'ils ne pratiquent pas — ce que recèle comme grandeur cette belle religion et notamment chez les Arabes, chez qui l'on trouve la véritable caractéristique du génie individuel et de l'esprit philosophique. Ils n'ont certainement pas poussé leurs recherches pour découvrir «ces grands moments de la pensée qui sont nés dans l'incroyable mélange d'incrédulité, de hardiesse d'esprit et souvent d'impiété». Ils n'ont pas fait d'études. Ils ont été très terre à terre et nous ont appris, comme pour nous convaincre, que «les indigènes sont mentalement incapables de penser et d'être structurés pour accepter les sciences». E. Guernier le disait éloquemment dans son livre : La Berbérie, l'islam et la France quant il affirmait sans aucune gêne que: «Tous les peuples d'Outre-mer, placés sous l'autorité de la France, possèdent à des degrés divers des civilisations propres, des connaissances peut-être limitées, des conceptions originales...telles que notre arsenal de doctrines mathématiques, juridiques,
médicales, artistiques et morales s'adaptent mal aux formations intellectuelles préexistantes.»
Caricatures mensongères
Plus grave encore a été ce «discours renanien» qui ne différait pas de celui de Jules Ferry, respecté et adulé par l'ensemble des laïcs et francophiles, y compris ceux de chez nous. Un Jules Ferry qui soutenait péremptoirement, dans sa politique coloniale, «le droit des races supérieures» en tenant, pratiquement, le même langage que Renan. Quelle innocente coïncidence ! Effectivement, Renan affirmait pour sa part: «Toute personne un peu instruite des choses de notre temps voit clairement l'infériorité actuelle des pays musulmans, la décadence des Etats gouvernés par l'islam, la nullité intellectuelle des races qui tiennent uniquement de cette religion leur culture et leur éducation». Il continuait sa diatribe contre l'islam dans un style plutôt insultant qu'académique et disait, sans rougir, dans l'amphithéâtre de ce sanctuaire du savoir qu'est la Sorbonne: «Pour la raison humaine, l'islamisme n'a été que nuisible, il a fait des pays qu'il a conquis un champ fermé à la culture rationnelle de l'esprit.»
Enfin, pour conclure, il n'hésitait pas à montrer la supériorité judéo-chrétienne, dans une caricature mensongère et un langage qui brouillait les esprits, en déniant à la civilisation musulmane tout apport au patrimoine culturel et scientifique en pays musulmans. Il affirmait encore une fois: «Ce beau monument est l'oeuvre de chrétiens, de Juifs... et de musulmans intérieurement révoltés contre leur propre religion.» Son émule Henri Martin écrivait dans Histoire de France populaire ses impressions sur la Bataille de Poitiers: «C'était le sort du monde qui venait de se décider. Si les Francs eussent été vaincus, la terre eut été à Mahomet...Et alors l'avenir du monde et de l'Europe eut été perdu, car l'activité qui pousse les hommes vers le progrès n'était pas dans le génie des musulmans. Leur génie se résume dans l'idée qu'ils ont de Dieu.
Le Dieu des musulmans qui, après avoir créé le monde, se repose dans sa solitude et dans son immobilité, n'excite pas les hommes au progrès.» C'est de la méchanceté ou plutôt de l'infamie venant de propagandistes représentant la culture coloniale, une culture qui ne tient compte, malheureusement, d'aucune objectivité historique et, encore moins, qui ne répond à aucune honnêteté intellectuelle. Ainsi, les mérites de cette culture universelle se trouvent partagés entre les pays d'Occident, selon ces gens aux plumes redoutables, et le monde musulman, selon eux, doit souffrir du complexe de n'avoir pas alimenté l'Histoire ancienne et contemporaine, et vivre les frustrations pour n'avoir pas été, comme l'Europe, le berceau de l'universalité et du progrès. Renan, Martin et de nombreux autres, n'avaient-ils pas entendu parler de nos Algériens, les Abdallah El Fassi et El Betradji, qui furent grandement appréciés par les savants d'Europe au XIIe siècle, pour ne citer que ceux-là, dans le foisonnement de savants et d'érudits qui ont fait de la science la jumelle de la religion?
Paul Krauss, Louis Gardet ou Maurice Bucaille, eux, savent très bien ce qu'ont laissé nos doctes dans le cadre des découvertes et des recherches qui ont été effectuées dans les universités islamiques. Leurs témoignages suffisent amplement, aujourd'hui, pour savoir que nos savants ont toujours chéri l'idée de progrès. Prenons un parmi ces trois, Maurice Bucaille, et écoutons ce qu'il dit attentivement: «Que de dettes avons-nous envers la culture arabe en mathématiques, astronomie, physique, géologie, botanique, médecine, etc... La science prit pour la première fois un caractère international dans les universités islamiques du Moyen âge.» N'est-ce pas là une bonne réponse?
Poursuivons encore ces déclarations hostiles qui traduisent la haine et la rancoeur à l'égard de l'islam. Depuis l'archevêque Lavigerie et ses sbires, aux colons venus avec cette hargne pour spolier les terres d'Algériens, ne ressassait-on pas ces sarcasmes: «Tout le monde tombera d'accord pour reconnaître que les principes du christianisme, sont, à tous égards, préférables aux principes débitants, immoraux et barbares du Coran.»
C'est dire que la haine et le racisme se conjuguaient au temps et au mode de la xénophobie du colonialisme français. Hélas, aujourd'hui encore, ce racisme et cette haine se perpétuent et se conjuguent au rythme des fantasmes occidentaux que façonnent des médias, avec une certaine hystérie et dans une démarche quasi manichéenne, à travers le prisme déformant du terrorisme. En effet, l'image qu'a l'Europe du musulman est au désavantage de notre communauté. Voyons ce que dit Jean Monlaü, dans son livre paru en 1964:
«Les hommes de Barbarie auraient ainsi manqué à l'instant nécessaire de l'énergie indispensable ou de la capacité d'adaptation et d'organisation, de la volonté d'innover hors de la tradition qui, non renouvelée, n'est que routine, et aliéné en une véritable abdication, leur pouvoir de décision d'eux-mêmes et de leur temps. L'Histoire semble ainsi pareillement vouer au sous-développement certaines civilisations orientales du rêve et tropicales de l'insouciance. Certains aspects du devenir historique des pays arabes, arabisés, voire islamisés paraissent y figurer de même une civilisation du désordre...»
Amalgames
Quelle histoire coloniale...toujours à sens unique! On sent effectivement qu'elle a toujours considéré l'Arabe et le musulman comme un être mineur, primitif, incapable et indigne de considération. Pis encore, elle ne lésinait pas sur «les bonnes formules» nous qualifiant. Ecoutons la suite, à travers un témoignage de l'écrivain Mahdjoub Bentebria : «Du coup, le musulman, dans des amalgames innommables, est assimilé à celui qui, par nature, peut tuer. Cette façon de percevoir le musulman n'est naturellement pas dénuée d'arrière-pensées politiques. Mal admis en Occident de par sa culture, il l'est encore davantage en l'assimilant à un criminel potentiel.»
Barbe broussailleuse, cheveux hirsutes, kamis, oisif, pris sur le vif dans des endroits obscurs ou malfamés, voici selon le même écrivain, l'archétype du musulman. Et quand, dans une quête vaine du musulman «idéal», on n'en trouve pas, on arrive même à en fabriquer. La preuve, affirmait-il, encore une fois, la télévision française n'a-t-elle pas, en 1998, au cours d'un débat sur l'islam, manipulé des images en ajoutant de fausses barbes aux interviewés?
En fait, la religion musulmane n'est ni cruelle, ni despotique, comme elle ne vit pas de chimères, d'utopie, d'abdication et de résignation. L'islam, ce n'est pas l'Orient et son infini, comme le prétendait Pascal, dans un écrit sarcastique, et ce n'est pas non plus «les Mille et Une nuits», comme le décrivaient les spécialistes des contes et légendes. C'est encore moins Shéhérazade, Abou Nouas, les derwiches tourneurs, les avaleurs de sabres, ou Sidi «je ne sais quoi» qui guérit, comme nous l'avons déjà dénoncé, la stérilité, l'impuissance ou la folie.
Ainsi donc, nous nous sommes proposés d'expliquer, dans cet écrit qui se voudrait réparateur, que l'islam dans notre pays a toujours été appliqué correctement, dans son rite le plus simple, le plus originel, avant que ne viennent le maculer des pharisiens sous des prétextes fallacieux d'un intégrisme exacerbé. Nous avons dit comment étions-nous dans une Algérie paisible spirituellement, tournée vers la foi, sous la conduite d'hommes pieux qui attachaient du prix à la mobilisation et à la sensibilisation des fidèles autour de bonnes oeuvres et qui, à partir «de leur mûre réflexion, semèrent dans ce vaste territoire la semence qui fit fleurir leur pensée et améliorer leur mode de perception du présent et du futur». Nous allons dire, plus loin, ce que l'islam a apporté à notre pays depuis les premiers contacts avec le gouverneur d'Egypte, Abdellah Ibn Saâd, désigné par le calife Othmane Ibn Affane, en l'an 27 de l'hégire, et ensuite avec Okba Ibn Nafaï, quelques années après, en l'an 45.
En entreprenant ce travail, nous avons vu d'abord, pour mieux saisir le sujet, les incompréhensibles attitudes de soi-disant fervents du christianisme. Ces attitudes pour le moins burlesques, démontrent l'étroitesse de vue de gens au parti pris singulier et nous confortent dans notre conviction que l'islam, même s'il vit quelquefois de problèmes dus aux pratiques surannées et aux contradictions fabriquées de toutes pièces, demeure ce bastion contre lequel viennent se briser toutes les tentatives de dépréciation et les campagnes sordides aux préjugés charriés par la peur du fanatisme ou de la «xénophobie sous l'emblème de la guerre sainte». Parce que, tout simplement, il est le symbole de l'élévation, de l'essor et du progrès. Avant de voir les différentes étapes de son évolution en terre algérienne, avant de faire connaissance avec les prédicateurs qui l'ont enseigné et qui ont fortifié sa pratique, nous pouvons affirmer que si l'islam n'a pas connu les mêmes déboires qu'il avait connus ailleurs, le mérite revient en grande partie à toutes ces populations calmes et paisibles qui l'ont accepté et adopté sans aucune réticence en s'investissant entièrement dans sa propagation et dans l'expansion de sa culture.
Les jeunes sauront, à travers cet écrit, que l'islam a servi de catalyseur dans notre pays pour affermir notre union, et renforcer nos liens avec le monde islamique. Il a permis à nos pieux fidèles, sous la conduite de nos ancêtres - qui n'étaient pas des Gaulois -, de nous transmettre une tradition solide et des pratiques saines. Dans ce qui va suivre donc, nous nous attacherons à présenter un ensemble d'informations qui vont leur donner une vision, quoique modeste, sur une plus juste approche de l'islam dans son évolution historique et culturelle depuis Okba Ibn Nafaï El Fehri. Nous évoquerons ces Hommes de foi qui plaçaient leur idéal dans la permanence d'une vie simple, dans une société fraternelle et dont l'apport fut indéniable à la société algérienne.
Les jeunes doivent savoir que l'islam, le vrai, n'est pas venu, dans notre pays, comme on a essayé de leur faire croire, avec l'arrivée de cette campagne de vitalité spirituelle ou de «recrudescence du fondamentalisme et d'agressivité des doctrinaires du néo-traditionalisme», mais qu'il est là, parmi nous, depuis des siècles, à travers les sentences remarquables de nos aïeux, ces apôtres au prosélytisme ardent, à la foi inébranlable, à la vaste culture, aux pratiques simples et à la tolérance éprouvée. C'est le sujet principal de notre analyse.
Notre culture avant 1830 et le désordre des occupations pour réduire son influence
Coeur battant du Maghreb, l'Algérie affrontait des préoccupations identiques à celles que connaissaient ses voisins. Nos rapports avec eux étaient très étroits et il semblait, pour tous, notamment pour les voyageurs et ceux qui y venaient avec cette soif d'apprendre les sciences, que les frontières se confondaient à défaut de n'avoir jamais existé. Un même peuple, des traditions identiques, à quelques exceptions près, une culture ancestrale nourrie par les mêmes valeurs spirituelles et morales, disposant de nombreuses ramifications dans les trois pays et même au-delà, de la Cyrénaïque jusqu'au Fezzan, faisaient du Maghreb une même entité que des invasions étrangères et des divisions internes, pour le pouvoir temporel, allaient sérieusement ébranler pour en faire une région fragilisée soumise aux aléas des mutations politiques qui lui seront imposées, au fil du temps, par les différentes dynasties décadentes qui se sont succédées. Les savants algériens se déplaçaient facilement de Béjaïa à Kairouan, à Marrakech, à El Mardj (Barqa en Tripolitaine), au Caire, à Damas et à Bagdad, comme s'ils allaient d'Alger à Tlemcen. Tous étaient mus par la nécessité de se rendre utiles à la communauté et, par voie de conséquence, d'agir selon le précepte qui recommande de «prendre et donner» pour être fidèle aux enseignements de l'islam, en constante relation et en parfaite harmonie avec les gens de sciences, dans leurs études et leurs découvertes. Ainsi donc, Béjaïa, Tlemcen, Alger, étaient aussi renommées à travers leur culture que les autres villes du Maghreb et du Machreq. Elles se distinguaient par le nombre de leurs savants, de leurs écoles, de leurs bibliothèques et par leur importante vie économique, car elles regroupaient les meilleurs artisans qui en firent des centres d'exportation de produits façonnés. Ces villes s'imposaient comme pôles où foisonnaient les idées de progrès et où les recherches, dans les domaines de la jurisprudence, de la littérature, de la philosophie, des sciences humaines, de l'astronomie et de la médecine, alors en gestation en Europe, mobilisaient les doctes et les étudiants avec autant de volonté que de désir de bien faire. Elles étaient, de ce fait, des centres névralgiques de civilisation. L'Algérie n'était pas ce qu'ont prétendu démontrer les colonisateurs, c'est-à-dire un pays au visage rébarbatif qu'il fallait occuper pour le domestiquer ou, selon leurs propres formules, pour le civiliser. Dans Formation de la nation algérienne, Mahfoud Smati rapporte que Lucette Valensi affirme dans son livre Le Maghreb avant la prise d'Alger que le pays était sous-peuplé et ses habitants fractionnés. «La pauvreté en hommes se double d'un extrême fractionnement de la population. Sept peuples, quatre rites ou religions, autant de langues ou de genres de vie : cette diversité illustre la formule du calife Omar selon laquelle l'Afrique divise», écrivait-elle. La réponse de Smati est la suivante: «Voilà de quoi induire en erreur le lecteur non averti. Nous ne pensons pas que Lucette Valensi ne distingue pas le rite de la religion, notamment en islam où les quatre rites orthodoxes ne diffèrent que sur quelques points de détails insignifiants». Luciette Valensi était moins accablante, moins humiliante et certainement moins cynique par rapport à Augustin Bernard, membre fondateur de l'école coloniale algérienne, qui affirmait sans retenue : «On peut dire, sans exagération, que l'Algérie n'existait pas avant l'arrivée des Français. Nous l'avons véritablement tirée du néant, nous lui avons donné son nom et sa personnalité.»
Quant à Robert Aron, cité par le même auteur algérien, il n'hésitait pas à porter un jugement négatif sur la culture et l'agriculture dans notre pays: «L'Algérie de 1830 ne possédait aucune culture systématique, aucune voie de communication, aucun échange si ce n'est à l'état sporadique (...) La plaine de la Mitidja était un foyer pestilentiel, véritable bouillon de culture des moustiques, de la malaria, immense cloaque dont le général Berthezène, successeur de Bourmont, disait qu'il serait le tombeau de tous ceux qui oseront l'exploiter.» Travestir la réalité des faits historiques ne rebutait en rien les historiens et les penseurs occidentaux quand il s'agissait d'accommoder l'Histoire à leurs propres intérêts.
Hamdan Khodja, cet enfant d'Alger d'une vaste culture, polyglotte et grand dignitaire du régime turc, révélait ainsi: «Je ne m'attache donc à cette plaine qu'à cause de sa proximité de la ville et parce qu'elle a des fermes et du bétail près d'Alger où je cultivais le coton (...). Lors de l'invasion des Français, j'ai perdu cette culture et beaucoup d'autres avantages que j'ai été forcé d'abandonner.»
Mohamed Cherif Sahli, l'historien, rapporte dans son livre intitulé: Décoloniser l'Histoire une chanson populaire qui exprime l'état d'âme fortement affecté des fellahs de la région après l'occupation:
Où es-tu, belle Mitidja,
Toi qu'on nommait la mère du pauvre?
Tes troupeaux se comparaient à des degrés;
On les voyait défiler vers le soir.
Où es-tu, la chérie des malheureux?
On préférait ton séjour à celui des villes .
Tes biens coulaient comme des rivières
Et ton orgueil consistait
A nourrir qui avait faim.
En termes de chiffres, les terres cultivées entre les mains des Algériens, avant 1830, étaient de l'ordre de 14 millions d'hectares. Un siècle de colonialisme a ramené ce chiffre à la moitié (7 millions d'ha) Où sont donc passées les terres de nos ancêtres ?100.000 cultivateurs vivaient dans cette Mitidja que les Algériens surnommaient «l'ennemie de la faim» ou «la mère du pauvre» et qui finit par occuper, selon Sahli, une place de choix dans les prétentions des Français quant à leur apport civilisationnel et de développement en Algérie.
Le député de Sade s'écriait devant l'Assemblée nationale française, le 28 avril 1834, pour stigmatiser le vandalisme de ses coreligionnaires, perpétré dans Alger: «Alger était entourée jadis de jardins et d'habitations de plaisance. Ses environs offraient le même spectacle que ceux de Marseille. Tout cela a disparu. Les jardins ont été dévastés, les maisons ont été abattues et les charpentes prises pour faire du bois de chauffage (...) Et quand cette ressource a manqué, on a coupé les plantations, les arbres fruitiers. Voilà jusqu'à maintenant, le seul défrichement que vous ayez opéré.»
Parlons maintenant de la culture. Nombreux étaient les foyers de propagation culturelle qui existaient grâce à la civilisation arabo-islamique. Dans les principaux centres prévalait une ambiance culturelle, encouragée également par différents facteurs dont, d'une part, l'arabisation d'une grande partie des Berbères qui furent encouragés par les Hammadites à rentrer de plain-pied dans le mouvement culturel et intellectuel et, d'autre part, la confrontation de cette ambiance culturelle maghrébine avec celle de l'Andalousie. Cette confrontation s'exerçait à l'occasion de nombreux échanges et principalement après les événements qui ont suscité l'exode de grands savants dans la partie occidentale, au moment où les chrétiens se préparaient à reconquérir plusieurs villes.
Plusieurs régions du pays ont adhéré à ce mouvement culturel et, en fonction de leurs moyens et de la qualité de leurs éducateurs, ont fini par s'imposer également dans leur environnement immédiat et quelquefois un peu plus loin, quand le flambeau était repris par de bonnes mains. Indépendamment d'Alger, qui devint par la suite le siège de la Régence, Guelma, Kalaât Beni Hammad, Boudjelil, Beni Oughlis, Khenguet Sidi Nadji, Dellys, Makouda, Cherchell, Ténès, Miliana, Médjadja, Mostaganem, Mazouna, M'Sila, Bou Saâda, Aïn Madhi, Adrar, et tant d'autres villes ont été, dans l'Histoire récente de l'Algérie, c'est-à-dire avant l'occupation française, des foyers d'où des hommes pieux et fidèles à leurs principes propageaient la science, entreprenaient des études et des recherches et éditaient des ouvrages de valeur. Ces villes ont été également des foyers d'où partaient les orientations de la pratique saine de l'Islam et les meilleures méthodes de dialogue et d'enrichissement par les observations qu'ont pût faire leurs érudits et leurs savants au cours de leurs études. En matière d´éducation, les Français eux-mêmes, par l´intermédiaire de leur corps expéditionnaire, ont été contraints d´admettre qu´à leur arrivée en Algérie, le nombre d´élèves dans les écoles algériennes était supérieur à celui de la France, proportionnellement, bien sûr, au nombre d´habitants. Cela a été bel et bien mentionné dans des rapports, avec une certaine pointe d´amertume, et envoyé au gouvernement français, comme si les rédacteurs se forçaient d´admettre, non sans honte, que la réalité était tout autre. N´écrivaient-ils pas eux-mêmes : "Les barbares que nous sommes venus civiliser sont plus en avance que nous sur le plan de la culture". Ils ne s´étaient pas trompés car de l´Algérie soufflait, il y a bien longtemps, avant la colonisation, le vent de la science et du progrès, pendant que l´Europe vivait ses jours les plus sombres.
Quant à l´enseignement et à la culture générale avant l´occupation coloniale, l´exemple de Tlemcen "est considéré comme un mi-racle permanent", selon un historien français, relevant qu´il y avait, en plus d´un bon nombre d´écoles primaires, cinq établissements secondaires et supérieurs du temps des Zianides. Abdel Basset Ibn Khalil El Malti et El Hassen El Ouazzen (Léon l´Africain) le confirmaient dans leurs écrits. Et, après la venue des Ottomans, il y a eu multiplication d´écoles. Ainsi, au moment de l´occupation de l´Algérie par les Français, Tlemcen comptait cinquante écoles primaires et deux instituts supérieurs qui ont été réhabilités et réorganisés sous la forme d´une fondation pieuse par le Bey Mohamed El Kebir. Constantine aussi n´était pas en marge de cette activité éducative et culturelle. Elle avait connu son apogée du temps des Hafcides, une apogée qui s´était perpétuée jusqu´aux temps des Ottomans. Et, comme pouvaient le constater les Français au début de l´occupation, Constantine avait quatre-vingt-dix écoles primaires et sept établissements secondaires et supérieurs. Les chercheurs de l´époque confirmaient que chaque enfant en âge d´être scolarisé, c´est-à-dire entre six et dix ans, avait sa place à l´école.
Pour ce qui est d´Alger, plusieurs historiens confirment qu´il y avait un nombre avoisinant les cent établissements scolaires ainsi que trois instituts supérieurs: El Qachachia, Cheikh El Bled et El Djamaâ El Kebir. Ce nombre important atteste le fait que la population et ses dirigeants se sentaient concernés par la réalisation et l´ouverture d´écoles. Du pacha au simple citoyen, en passant par le bey et le haut fonctionnaire, tous mettaient la main à la pâte et contribuaient financièrement à leur construction. Des richissimes d´Alger intervenaient d´une façon discrète et souvent anonyme, en allouant des sommes importantes à ce qu´ils considéraient comme étant une oeuvre de grande noblesse. Quant aux établissements d´enseignement, dans d´autres régions ou villes du pays, nombre d´entre eux ont connu une réputation établie en matière de l´éducation et de la formation. De grands érudits et de grands savants en sont issus. Nous avons à l´esprit les importants instituts de Khenguet Sidi Nadji et de Mazouna.
Le premier institut El Madrasa En Naciriya, fondé par Ahmed Ibn Nacer Ibn Mohamed Ibn Tayeb, enseignait la grammaire, la jurisprudence et le Hadith. Il rayonnait sur toute l´étendue de l´est algérien et accueillait les élèves du Ziban, de Oued Souf, des Aurès, de Constantine et de Annaba.
Le deuxième institut de Mazouna rayonnait, quant à lui, sur les régions de l´ouest algérien. Il avait une solide réputation du fait qu´il était imprégné des traditions des écoles de Tlemcen, du Maghreb et de l´Andalousie.
Les savants, quant à eux, étaient nombreux. Notre pays connaissait déjà une vie culturelle. Il y avait effectivement une activité des plus intenses marquée par une production intellectuelle qui rivalisait avec les autres capitales et grands centres du Maghreb et du Moyen-Orient. Que ce soit à travers les sciences religieuses ou à travers la scolastique, la philosophie, l´ascétisme, l´histoire, la géographie, l´astronomie, l´astrologie et les mathématiques. A la même époque, il était aisé d´y relever l´existence d´une action dynamique et continue pour se délivrer de l´obscurantisme et recourir à l´arbitrage de la raison, de la logique, de l´indépendance d´esprit, à la sagesse, à l´approfondissement de la réflexion sur les enseignements divins révélés et la transformation de la vie individuelle et collective selon les règles édictées par Dieu. L´attachement de ses savants à la démocratie et à la justice sociale a été très grand, précisément parce qu´il répondait à l´application des lois divines et conduisait à la formation d´une société saine. Ainsi donc, la recherche du savoir utile et l´incitation à l´appliquer dans l´édification de cette société saine, a été l´une des caractéristiques de nos hommes de culture qui ont oeuvré, en leur temps, pour instaurer un climat favorable marqué de vertus morales et spirituelles.
Pour les musulmans d´Algérie, la religion marche de pair avec la science dont elle respecte l´autonomie. El Ghobrini disait dans son livre : "les Hammadites avaient un comportement exemplaire avec les hommes de science". L´Emir Abdelkader, l´humaniste, le prônait en insistant dans ses écrits: "Ceux qui affirment que les connaissances scientifiques sont opposées à la religion, pêchent contre la religion".
Déjà, au XIIe siècle, Abdelmoumen El Koumi, qui encourageait les hommes de science, était un fervent poète. Abou Bekr Ali Es-Sanhadji, plus connu sous le nom d´El Baydhaq et Abdelwahab El Mùrakchi étaient de grands historiens. El Idrissi Es-Sebti se distinguait par ses synthèses après ses longs voyages qui lui ont fait découvrir le Moyen-Orient et l´Europe. Géographe et ethnologue émérite, sa renommée, à l´instar des autres savants en la matière, le fit admettre à la cour du roi normand qui gouvernait la Sicile. Il y eut un autre, peut-être le plus célèbre, il s´agit d´Ibrahim Ibn El Kacem Abou Ishak, connu sous le nom d´Erraqiq, qui fut le secrétaire du palais de Bologhine Ibn Ziri Ibn Menad, puis au cabinet de son fils El Mançour et enfin de ses petits-fils Badis et El Mûïz. Auteur également de la source la plus sérieuse de l´histoire de l´Etat sanhadji Histoire d´Ifriqya et du Maghrib, en 10 volumes.
(A suivre)


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