Le directeur du Fonds monétaire international (FMI), Dominique Strauss-Kahn, a pour sa part déploré un affaiblissement de l'esprit de coopération économique mondiale, qui avait prévalu en 2008, au plus fort de la crise financière, dans un contexte de reprise contrastée et fragile. La crainte de voir émerger une guerre des monnaies et des échanges commerciaux, qui furent des détonateurs de la Grande Dépression, sera le cheval de bataille du FMI et de la Banque mondiale lors de leurs réunions prévues ce week-end et devrait également être l'un des principaux sujets de discussion des ministres des Finances du G7 vendredi. Les échanges tourneront surtout autour de la meilleure manière de persuader la Chine de laisser sa monnaie s'apprécier. «Si on laisse le conflit s'installer, ou certaines formes de protectionnisme, alors nous risquons de répéter les erreurs des années 1930», a déclaré à la presse, Robert Zoellick. Le FMI a abaissé mercredi sa prévision de croissance mondiale pour 2011 à 4,2%, alors qu'il prédisait 4,3% en juillet. L'ajustement des budgets des pays industrialisés, grevés par la dette, devrait peser sur leurs économies, a souligné l'institution. La faible croissance intérieure des pays rend leurs économies dépendantes aux exportations, faisant planer la crainte d'une dépréciation intentionnelle de leurs monnaies pour soutenir les échanges. Robert Zoellick a donc suggéré que les institutions internationales, comme le FMI et l'Organisation mondiale du Commerce (OMC), puissent agir pour apaiser ces tensions. Le mois dernier, le Japon est en effet intervenu pour la première fois en six ans pour faire reculer les cours du yen, et plusieurs pays émergent ont pris des mesures pour empêcher leur monnaie de fluctuer trop rapidement à la hausse. La chine au cœur du débat Dominique Strauss-Kahn a déploré un affaiblissement de l'effort de coordination des politiques économiques au niveau mondial, une évolution susceptible de menacer la reprise. «On peut dire que l'élan ne disparaît pas, mais s'affaiblit, et pose une réelle menace, car tout le monde doit bien avoir à l'esprit qu'il n'y a pas de solution à l'échelle locale à cette crise mondiale», a-t-il déclaré à la presse. Concernant les conflits monétaires, il a jugé que l'expression «guerre des monnaies» était «un peu trop militaire. Mais il est vrai que nombreux sont ceux qui considèrent leur monnaie comme une arme, ce qui n'est certainement pas une bonne chose pour l'économie mondiale.» Dans une interview publiée par Le Monde jeudi, il a mentionné la politique monétaire chinoise comme un problème primordial à résoudre pour rééquilibrer l'économie mondiale. «La sous-évaluation du yuan est source de tensions pour l'économie mondiale, et est en train de devenir une menace», a-t-il déclaré au quotidien. «Si nous voulons éviter de créer les conditions d'une nouvelle crise, la Chine devra accélérer le processus d'appréciation (de sa monnaie).» La Chine a maintenu le yuan à un niveau stable pendant la crise financière mais s'était engagée en juin à le laisser le fluctuer plus librement. Mais, depuis, le yuan n'a pris qu'environ 2% par rapport au dollar. Le président du FMI a en outre souligné qu'avoir davantage de poids au FMI, comme le demandent les pays émergents, implique également davantage de responsabilités vis-à-vis de l'économie mondiale. Rôle déterminant des banques centrales Les marchés émergents estiment quant à eux que les pays riches doivent prendre également leurs responsabilités. La Banque centrale européenne et la Banque d'Angleterre ont décidé jeudi de maintenir leur taux d'intervention à un niveau historiquement bas, et la Banque du Japon a abaissé le sien à zéro cette semaine. La Réserve Fédérale envisage quant à elle de faire davantage fonctionner la planche à billet pour racheter des actifs dans l'espoir de soutenir la croissance américaine et de faire baisser le taux de chômage. Mais une telle position a pour effet d'affaiblir le dollar et donc d'alimenter les tensions internationales. Depuis la mi-juin, le dollar a reculé de près de 13% contre un panier de devises, effaçant la plupart des gains enregistrés en début d'année quand les difficultés budgétaires des pays européens avaient encouragé la demande de valeurs refuge comme le dollar.