Dans le prolongement de cette contribution, j'aurai l'occasion, lors du séminaire international organisé par l'Institut des chefs d'entreprise arabes à Tunis les 10 et 11 décembre 2010 en présence d'importantes personnalités internationales (invitées d'honneur), de présider l'atelier sur la compétitivité des entreprises au Maghreb en versant une communication sur le thème «Face aux mutations mondiales, problématique de l'émergence de secteurs dynamiques au Maghreb». La dynamisation des relations entre les USA et le Maghreb et entre l'Europe et le Maghreb ne sera profitable pour le Maghreb que si les USA et l'Europe aient une approche du codéveloppement loin du mercantilisme et que les pays du Maghreb aient une vision commune de leur devenir I) Le Maghreb et les nouvelles mutations mondiales L'émergence d'une économie et d'une société mondialisée et la fin de la guerre froide depuis la désintégration de l'empire soviétique remet en cause, d'une part, la capacité des Etats-nations à faire face à ces bouleversements et, d'autre part, les institutions internationales héritées de l'après-guerre. Les gouvernements à travers les Etats-nations, et la crise actuelle en est la démonstration, sont désormais dans l'impossibilité de remplir leurs missions du fait de la complexification des sociétés modernes, de l'apparition de sous-systèmes fragmentés, de l'incertitude liée à l'avenir et de la crise de la représentation politique, d'où l'exigence de s'intégrer davantage dans un ensemble plus vaste pour pouvoir répondre aux nouvelles préoccupations planétaires. Se pose alors cette question : les institutions internationales telles que le FMI ou la Banque mondiale, les organisations multilatérales telles que l'OCDE et celles à vocation universelle comme les Nations unies et ses organes subsidiaires (UNESCO, FAO...) peuvent-elles servir de régulation mondiale ? En l'absence d'institutions internationales réformées tenant compte des nouvelles mutations mondiales, notamment des pays émergents, capables de prendre le relais de la souveraineté étatique défaillante, le risque est que le seul régulateur social demeure les forces du marché à l'origine d'ailleurs de la crise mondiale actuelle. Ce qui explique la position officielle de la majorité des pays de l'Afrique demandant l'élargissement du G20 (ce continent étant représenté uniquement par l'Afrique du Sud) et au niveau des instances onusiennes pour une meilleure démocratisation du système des Nations unies, en réclamant deux sièges permanents avec droit de veto au sein du Conseil de sécurité. Cette vision est partagée par Donald Kaberuka, président de la Banque africaine de développement (BAD) qui considère l'actuelle crise financière comme «une crise de confiance, une crise de régulation mais aussi une crise morale due à l'opacité des flux financiers», précisant qu'«à cette crise importée, le continent Afrique est pourtant mieux armé qu'autrefois» et qu'il est «tout à fait normal que les pays émergents et ceux en développement réclament une meilleure représentativité au sein du FMI, ne serait-ce que pour reconnaître leur importance systémique». Il ne faut pas être utopique en ce XXIe siècle, les relations entre l'Etat et le marché durant cette phase sont fortement influencées par l'internationalisation de l'économie. Les grosses firmes qui éclatent en vastes réseaux à travers le monde tissant des relations complexes entre les circuits réels et financiers transgressent les frontières géographiques nationales grâce à la révolution dans les domaines de la télécommunication, de l'informatique avec prédominance des services qui deviennent des activités marchandes à forte valeur ajoutée. Le caractère des Etats se transforme pour s'adapter à cette métamorphose au sein d'espaces plus vastes. Les institutions internationales ont tendance à jouer comme support de coordination de ces grands ensembles et le rôle des Etats se concentrent sur leurs vocations naturelles que sont la cohésion sociale et l'adaptation à ces mutations. La constitution des grands espaces régionaux sont des sous-éléments de cette mondialisation de l'économie. Aussi l'articulation entre Etat et marché doit prendre en compte les flux commerciaux, de capitaux, les régimes de change sur l'efficacité des politiques économiques qui ne sauraient opérer en vase clos utopique. Les différentes relations internationales du Maghreb avec le FMI, la Banque mondiale, la Communauté économique européenne et l'Organisation mondiale du commerce (OMC) constitueront des éléments déterminants de la future politique économique. La stratégie tripolaire mondiale à travers l'ALENA (USA-Canada-Mexique) devant être étendue à l'ensemble du continent américain), l'APEC avec l'Asie et l'entrée des pays émergents entraîneront des bouleversements géostratégiques considérables étant passé du G7 au G20 lors des dernières conférences internationales relatives à la crise d'octobre 2008. Pièce maîtresse dans la région euro-méditerranéenne, le Maghreb est sollicité par l'Union européenne et plus récemment par les USA dans le cadre d'une compétition entre ces deux pôles dans leur recherche d'une hégémonie économique. Le problème central qui se pose aujourd'hui au Maghreb est le suivant : après plusieurs années, est-ce que l'accord d'association avec l'Europe a permis une coopération économique, financière et sociale orientée vers une véritable accumulation du savoir-faire organisationnel et technologique ? Le chemin de la croissance ne peut être retrouvé que si l'appareil productif est modernisé et managé selon les techniques actuelles. Deux conditions qui ne peuvent être remplies que si les pays du Maghreb se mettent en partenariat avec des firmes qui participent à l'innovation. Pour que de telles firmes s'intéressent au Maghreb, il s'agit d'acquérir la crédibilité sur les plans institutionnel et politique et surtout d'offrir une lisibilité et une visibilité économiques qui autorisent le calcul économique et donc le risque sur le moyen et le long terme, évitant l'instabilité juridique. C'est donc dans ce contexte que doit s'insérer la compréhension de la dynamique économique et sociale tenant compte tant de la stratégie des réseaux internes et externes ainsi que de l'urgence de nouvelles structures pour que le Maghreb soit un vecteur actif au sein de l'économie mondiale dont l'espace euro-méditerranéen et arabo-africain constitue son espace naturel. En fait, pour s'adapter à la logique des catégories marchandes internationales supposant des organisations souples dont la régionalisation économique qu'il ne faut pas confondre avec le régionalisme néfaste et destructeur constitue le support. Aussi, je propose à cette importante rencontre de livrer quelques aspects qui ont été au centre des résolutions du mouvement international européen qui s'est tenu à Alger du 24 au 26 février 2006 et dont j'ai eu l'honneur de présider l'atelier investissement. Pour cela, il a été recommandé une harmonisation des législations, l'institutionnalisation d'une banque dédiée au développement des économies des pays du sud et de l'est de la Méditerranée, la création d'une agence euro-méditerranéenne des investissements étrangers, la promotion d'un groupe de travail sur la promotion de l'image des pays du Sud, notamment du risque qui est surévalué, la professionnalisation de la micro-finance devant conduire à réserver les dons et les fonds publics à la couverture du risque et à l'accompagnement des projets en association avec les organismes de miro-crédit en impliquant la société civile et, enfin, le soutien aux PME, du micro-crédit et l'investissement dans le capital humain(promotion des compétences) qui conditionne tout le reste. Je considère, en effet, que le sous-segment de l'intégration maghrébine au sein de l'espace euro- méditerranéen, tout en développant les échanges avec d'autres continents, dont l'Amérique, l'Asie et les pays émergents, intégration vitale pour la région du Maghreb, ce n'est pas une utopie mais une nécessité économique et historique pouvant être un puissant catalyseur de développement. (A suivre)