, Zoubir Souissi, journaliste et écrivain, et son roman le Caméléon, étaient tous deux à Annaba la fin de la semaine écoulée. Le premier est connu par sa plume depuis 1966 année où il fit ses premiers pas dans le journalisme au bureau régional de Constantine à Alger Républicain. Le second né de cogitations intellectuelles traduites par cette même plume, est inscrit sur les registres des éditions Casbah. Dans ce roman, l'auteur nous transporte dans les arcanes de la versatilité avec une fraîcheur d'esprit et un non-conformisme intellectuel bien agréables qui conduisent le lecteur à nuancer ce qu'il croit savoir. Surtout après avoir fait connaissance avec «Bouguerra» que l'auteur a choisi parmi six adolescents de même niveau social, pour être le roi de la versatilité, le parfait opportuniste, l'hypocrite et le faux dévot. En démontrant avec une grande précision que le caméléon est un art de la simulation que seuls les spécialistes de la lècherie maîtrisent parfaitement, Zoubir Souissi met en relief avec insistance la mesure des enjeux de la vie de tous les jours avant et des lendemains de l'indépendance. Avec doigté et l'expérience d'un homme de la plume qu'il a toujours été et qu'il est toujours, il a laissé ramper son «caméléon» comme s'il s'agissait de déployer une immense fresque représentant une Algérie, à ce jour, encore soumise à tous les caprices de ses dirigeants. Ceux qui ont déjà lu la Tête des orphelins sa première œuvre parue aux mêmes éditions et qui liront le Caméléon, ne manqueront pas de dire que Souissi, le journaliste chroniqueur et grand reporter, a préféré aux évidences du présent, les incertitudes du passé. C'est-à-dire se laisser emporter par les couleurs d'antan. Dans son dernier roman, il n'y a pas de métaphores mais des phrases honnêtes et des phrases passe-partout comme pour donner plus de mordant aux écrits et permettre à l'auteur de mettre à nu avec une grande précision ceux qui, comme le caméléon, changent au gré de leurs instincts, bassesses et vilenies. Des accessoires du romanesque, Zoubir en a fournis. L'on retiendra le décor qu'il a planté dans une petite ville des profondeurs de l'Est du pays, écrasé de chaleur et d'ennui, assoupie sous la contrainte d'un quotidien plus que dur. C'est là qu'entre en scène «Bouguerra » dont le comportement versatile trouble le narrateur qui refuse de se laisser guider vers la neutralité. L'on ne se perd pas dans le récit. La préface est révélatrice de cette l'histoire intervenue au moment même où retentissaient les premières salves de la Révolution pour l'indépendance de l'Algérie. Le temps où les réels habitants de cette terre bénie qu'est l'Algérie étaient considérés comme des sous-humains, des indigènes tout juste admis à vivre pour servir le colon français. Souissi a su pimenter son roman de comportements qui tiennent des cauchemars que les Algériens vivront au lendemain de l'indépendance. Qu'il le veuille ou non, Souissi appartient bel et bien à cette littérature qui nous manque et qui relate avec art, tempérance du style et allure romanesque notre identité avec ses qualités et ses défauts. Dans le Caméléon tout semble superbement déployé ou murmuré, des nostalgies d'un journaliste qui en a vu de toutes les couleurs sur notre continent et ailleurs. Dix-huit chapitres sur une certaine période où notre identité clignotait comme une lampe avant de s'éteindre sous la pression d'un passé au goût répulsif. «Je travaille sur un autre roman. Je ne vais plus m'arrêter. Ecrire sera ma seule occupation», dira-t-il quelques minutes avant qu'il ne soit assiégé par de nombreux lecteurs des deux sexes, de tous les âges et de différentes conditions sociales à la librairie du Cours de la Révolution d'Annaba où il s'était installé pour une vente dédicace de ses deux œuvres.