De notre correspondant à Constantine Nacer Hannachi «C'est l'histoire d'un de ces personnages qui est raconté dans cet ouvrage. Le récit se passe dans une Algérie contemporaine ravagée par l'insécurité et le terrorisme. Il aurait pu se dérouler ailleurs tant le sujet qui nous intéresse est véritablement mondialiste. Mais au niveau national, comme au niveau local, les caméléons de tout acabit ont encore de beaux jours devant eux. Ainsi est faite la nature humaine.» C'est là l'intégrale de la 4ème de couverture du roman le Caméléon de Zoubir Souissi paru récemment aux éditions Casbah.L'auteur, qui a déjà produit il y a quatre ans la Tête de l'orphelin, change son fusil d'épaule dans le présent ouvrage pour explorer la société algérienne dans tous ses états d'opportunisme et de volte-face. Caméléon, le personnage principal du roman incarné par Bouguerra, fils d'un richissime commerçant, pendant la période coloniale deviendra au fil des années «opportuniste» politique. Pourtant, les prémices de la jeunesse ne lui prêtaient pas un avenir aussi «opportun» tant il était limité et secouru à chaque fois par ses amis avec lesquels il forgeait son adolescence. Malek, Tahar, Abdallah, Mokhtar, chacun avait son propre profil d'adolescent : bagarreur, dragueur, «intellectuel». Une compagnie disparate mais soudée et soucieuse de l'avenir du pays sous la domination «coloniale». Elle voulait prendre part aux manifestations de 1961 après avoir songé au maquis. La libération du pays allait briser ce maillon qui unissait les potes. Souissi focalisera son projecteur sur Bouguerra qui représentera désormais le prototype de l'Algérien. Et la saga du caméléon entame son itinéraire politique et «matériel» «sans gêne» d'être débusqué. D'abord, il s'en prend à Malek, son ombre, face auquel il éprouve un sentiment d'infériorité, voire de culpabilité. Malek son pote «emmerdeur» jalousement envié pour sa persévérance et sa clairvoyance de se transcender. «Malek serait toujours et constamment sa mauvaise conscience et il redoutait que cette idée à elle seule, lui empoisonne la vie pour le restant de ses jours.» Preuve en est lors du mariage de Bouguerra, après la mort de son père qui lui a légué toute sa fortune, «ce peureux de caméléon» a vu ses vieux démons se réveiller par la présence de deux de ses amis d'enfance. Malek et Rachid sont venus le féliciter pour son mariage. «Pourquoi cette arrogance ? Nous sommes venus te voir en amis pour te féliciter et tu nous prends de haut. C'est l'argent de ton père qui te donne cette assurance ?» répliqua Malek, l'antagoniste «intelligent». Bouguerra ne veut plus être «le souffre-douleur». L'argent confortait sa position pour tenter d'en finir avec les taquineries, voire les remarques sensées de ce Malek «inchangé». «La fortune que t'a léguée ton père ne pourra jamais compenser ton indigence intellectuelle, ta lâcheté légendaire et ta paresse proverbiale.» Bouguerra ne sera pas découragé par ces vérités acerbes émises par Malek. En opportuniste, il fera son entrée politique dans l'unique parti. Et plus tard, aux élections municipales. Garantie tribale ! «Bien sûr, ta jeunesse ne te permet pas de postuler à la fonction de maire, mais ce sera pour toi un tremplin pour l'avenir», le rassure son partiteur Si Belgacem. «Tu seras élu, je te dis ; tout est réglé dans le moindre détail», lui promet-il. Le caméléon se métamorphose au fil des années pour emprunter encore une voie politique minée par l'obscurantisme et le fondamentalisme religieux. Il y fait face. Sauf que le faux barrage des terroristes lui dressa soudainement un écueil, freinant son éternel élan pour le pouvoir. D'où le retour à l'incertitude et l'indécision. Bouguerra allait prendre conscience de son incapacité mentale et même physique à déjouer ses tracas. D'ou «l'attentisme et l'incapacité de décider». Zoubir Souissi ne verrouillera pas les accès à ce caméléon de Bouguerra. «Adepte de la fuite en avant», il est rattrapé – probablement - par l'évidence de jugement de Malek.