Dans un entretien accordé à la Chaîne III de la Radio nationale dont il était l'invité de la rédaction, le Dr Mustapha Khiati, président de la Fondation nationale pour la promotion de la santé et le développement de la recherche (Forem), estime que rien n'est fait sur le terrain de la lutte anti-drogue, en dehors de l'aspect sécuritaire. Il fait notamment allusion au travail de sensibilisation et d'information. Il constate que la drogue commence à entrer dans les collèges d'enseignement moyen. Pour le Dr Khiati, la saisie de 70 tonnes de cannabis (kif) est comme un voyant rouge qui s'est allumé sur ce danger. Il fait remarquer que l'Office national de lutte contre la drogue et la toxicomanie est devenu un service du ministère de la Justice alors qu'il était rattaché à la présidence de la République. Concernant les chiffres avancés par cet Office sur le nombre de consommateurs de drogue en Algérie, il estime qu'il n'y a pas de chiffres fiables, dit-il, et ça ne sert à rien de les sortir, ce chiffre peut être un million, ajoute-t-il. Par contre, précise-t-il, les sondages doivent permettre de travailler car les données évoluent. Il faut, dit-il, distinguer entre la consommation occasionnelle et la consommation chronique. Il signale que c'est la catégorie des 15-30 ans qui consomme de la drogue, y compris en milieu féminin et dans les établissements d'enseignement. A partir de 15-16 ans, les chiffres explosent. A 12 ans, la consommation de tabac ouvre la voie à la consommation de drogue. Il souligne que les femmes, notamment les étudiantes qui viennent de l'intérieur du pays mais aussi celles qui sont sans travail, consomment de plus en plus de la drogue, seules et non pas en groupes. Il fait observer qu'à Dely Ibrahim, Ben Aknoun et dans des quartiers de l'est-algérois, la consommation de drogue par les femmes va de 11% à 17%. Le Dr Khiati estime qu'il est nécessaire de dégager une stratégie commune et de créer un mécanisme de coordination. Il constate que la société civile est marginalisée dans la lutte contre la drogue. La situation n'est pas meilleure, fait-il remarquer, dans d'autres pays arabes comme l'Egypte où 35% des jeunes consomment de la drogue ou dans les pays du Golfe où il y a la drogue dure avec un nombre de décès par overdose inquiétant. La Forem propose la formation d'éducateurs de quartier dans des wilayas ciblés sur la base d'une stratégie nationale adaptée aux régions. Il faut aller vers les jeunes et travailler avec eux. Le Dr Khiati cite en exemple les cellules de protection des jeunes mises en place par la Gendarmerie nationale qui vont vers les établissements d'enseignement. Il faut, insiste-t-il, créer des points d'écoute pour aider le jeune drogué à dépasser sa situation. Il y a des milliers de psychologues qui sont en chômage et qui seraient utilement employés dans cette démarche d'écoute et d'aide, ajoute-t-il. Il attire l'attention sur la consommation des drogues dures telles que la cocaïne dans les grandes villes qui prend de l'ampleur. Le Dr Khiati propose que les jeunes soient pris en charge par des comités thérapeutiques constitués par des psychologues et d'anciens drogués pour casser la spirale, quand il s'agit du kif. La désintoxication reste le moyen à utiliser quand il s'agit de médicaments ou de drogues dures, mais pour éviter que les sortants de l'hôpital récidivent (65% le font), il faut une surveillance après, recommande-t-il. La loi de 2004 est bonne, dit-il, et il propose la dépénalisation pour le consommateur occasionnel et d'aggraver les peines en étant «sans pitié» pour ceux qui distribuent la drogue aux abords des lycées et écoles.