Le livre de Merdaci montre bien que cette ville, l'une des plus prestigieuses d'Algérie par ses hommes historiques, sa culture aux origines lointaines, sa diversité architecturale, a vu évoluer en son sein des genres musicaux d'horizons divers et liés à de grandes civilisations. Comme son nom l'indique, ce Dictionnaire des musiques citadines de Constantine donne à lire des biographies d'artistes accompagnées, parfois, d'interviews qui authentifient leur itinéraire, des genres et instruments musicaux, mouvement créatifs, études thématiques élaborées dans la perspective d'ouverture vers des publics de chercheurs. Un livre assez copieux et qui permet de retracer l'histoire de la musique constantinoise dans toute sa diversité. On y trouve aussi «les institutions qui ont maillé ces évolutions - associations, cercles, presse, radiotélévision, éditions, salles de spectacles – font aussi l'objet de présentation avec le souci de la précision de l'information et celui du nécessaire éclairage historique», des propos de l'auteur indicateurs de la vocation de l'ouvrage assez bien fouiné pour être complet. Des traditions musicales et le mur du temps A la différence des autres villes, Constantine a perpétué en les valorisant tous les genres musicaux issus des plus vieilles civilisations, à l'exemple de la musique andalouse. Ce dictionnaire est arrivé à point nommé pour pallier les défaillances de la mémoire collective. C'est un voyage que l'auteur nous fait faire dans l'univers musical de Constantine. En guise d'associations ayant apporté un plus à la musique constantinoise, Merdaci parle de Si Brahim Ammrouchi qui dit dans cet extrait de ses mémoire : «A part ces musiques, andalouse, le malouf et le zadjel, j'avais un grand goût pour mettre en musique les chants patriotiques ou même scolaire». Un grand ami Boutaleb El Khadir voulait qu'il y ait une société artistique à Constantine, une société fut créée, Mouhibi et Fen, ce fut la première société artistique reconnue par l'administration et cela se passait en 1933». Si Brahim a cultivé un genre musical avec des orientations à caractère didactique. Ce qui lui valut de s'attirer un intérêt particulier des membres des Ulémas. Abdelhamid Ben Badis l'avait même chargé de mettre en musique Chaâb El Djazaïr. Puis, pour quiconque s'intéresse à des courants déterminants qui ont marqué l'histoire, on peut y trouver des éléments d'information sur Ennahda, les institutions confrériques Khouan, Mouhibi El Fen. Les grande figures de proue Il y a beaucoup de noms, de générations, différentes, mais si inventifs qu'ils ont marqué par leur originalité leur temps et le patrimoine musical. Le luthiste Aouabdia Ahmed, né en 1965, paraît être le plus jeune par rapport à Azzizi Mohammed né en 1947, Bach Khaznadji Mostefa, mandoliniste qui a vu le jour en 1906 ; il pourrait être le grand-père des deux premiers cités, comme Belguechi Khellil dit Zouaou (1904-1990). Et que de noms propres de chanteurs et de musiciens constantinois que l'auteur a pris soin de présenter dans un ordre alphabétique, même si leur genre musical est différent ! En parcourant le livre, on se rend compte que Constantine a su devenir le berceau de la musique qu'elle soit ancienne ou moderne. C'est pourquoi, des chanteurs musiciens, il en naissait beaucoup à chaque génération. Il s'agit de grands chanteurs sachant jouer à la perfection d'un instrument. C'est le cas de Fergani et de Benani. Mais Constantine a vu un maître en son sein des juifs vivant aujourd'hui ailleurs comme Leyris Raymond, Enrico Macias parti en 1960. On ne peut pas terminer cette présentation sans parler des chants religieux relevant des principales confréries actives en Algérie, depuis longtemps, comme la Rahmaniyya, la Tidjaniya, la Taïbiya, la Qadiriya, la Aïssaouiya, chacune au fil des décennies, s'est constituée un répertoire assez riche pour être négligé. Les Khouan ont exercé pour la plupart dans les zaouias, certaines d'entre-elles sont restées actives jusque de nos jours, cela fait partie de la différence ; Le Dictionnaire des musiques citadines de Constantine est un livre de référence à posséder dans sa bibliothèque. On le consulte lorsqu'on a des doutes sur des musiciens, des genres musiciens, des mouvements. C'est un dictionnaire à avoir constamment Boumediène Abed Abdelmadjid Merdaci, Dictionnaire des musiques citadines de Constantine. Ed du Champ libre, 2008, 280 pages