,Le lectorat en Algérie a connu, de l'avis de nombreux spécialistes de la chose culturelle, une nette évolution au cours des dernières années, un progrès confirmé par le volume des ventes d'ouvrages publiés dans divers domaines notamment en histoire, politique et biographies. Les sociologues et les éditeurs affirment que le peuple algérien, présenté comme un peuple qui ne lit pas, tend à se libérer de ce préjugé, en témoignent, selon eux, les nombreuses publications et le nombre de plus en plus élevé de lecteurs avides de nouveautés même si ce développement demeure en deça de la moyenne enregistrée dans les pays occidentaux. Dans une déclaration à l'APS, le directeur général de la Bibliothèque nationale (BN), M. Azzeddine Mihoubi, a estimé que le nombre d'éditeurs en Algérie ainsi que le nombre d'ouvrages publiés «confirment effectivement la tendance vers l'élargissement de la base du lectorat en Algérie. «S'il n'y avait pas d'intérêt pour les livres en tant que produit de savoir, il n'y aurait pas eu autant d'auteurs et d'éditeurs», a-t-il soutenu. «Mais, renchérit-il, «de cette évolution positive en ressort un fort besoin d'initier un travail complet permettant d'intégrer la lecture dans la vie quotidienne des Algériens.» «Faire du livre un produit de consommation en permanence exige l'adhésion des médias lourds à cet objectif en assurant la promotion de nouvelles publications», a-t-il encore affirmé. Cette démarche impose aussi aux éditeurs d'adopter des critères professionnels dans la promotion du livre en consacrant les usages actuellement en cours dans ce domaine à travers, notamment, la promotion du produit dans les forums culturels, les salons du livre et particulièrement dans les universités et les centres culturels. M. Mihoubi a précisé, en outre, que la BN «est particulièrement fréquentée par les étudiants qui, malheureusement, se limitent aux ouvrages liés à leurs spécialités». Cependant, les différentes initiatives visant à atteindre une plus large catégorie de lecteurs, à l'instar du Salon international du livre et des foires itinérantes ont suscité un engouement pour le livre, notamment les ouvrages d'histoire et politiques. Concernant l'outil linguistique privilégié, M. Mihoubi dira que «le plus important est qu'il y ait des lecteurs francophones et arabophones et le bon ouvrage, selon lui, c'est celui qui s'impose de lui-même et se place facilement sur le marché». Pour le président du Syndicat national des éditeurs, Ahmed Madhi, dire que la lecture en Algérie «piétine» ne correspond nullement à la réalité, arguant que les Algériens toutes catégories confondues «déferlent» sur les bibliothèques et les foires du livre. M. Madhi qui a eu à effectuer de nombreuses visites dans les pays maghrébins affirme n'avoir pas relevé le même enthousiasme chez les populations de ces pays. «Les Algériens affichent un grand intérêt pour la culture, il faut simplement leur donner les moyens d'étancher leur soif de savoir», a-t-il insisté, affirmant que «la meilleure façon de perpétuer ce nouvel élan culturel est de promouvoir les bibliothèques publiques et la lecture en milieu scolaire». Dans le même sillage, M. Madhi a rappelé que, dans un passé récent, la plupart des établissements éducatifs disposaient de bibliothèques extrêmement riches en ouvrages (scientifiques, littéraires et culturelles) gérées par des bibliothécaires. Par ailleurs, les pouvoirs publics, a-t-il estimé, doivent réfléchir à une stratégie pour renforcer les librairies «dont le nombre ne dépasse pas actuellement 150 au niveau national, beaucoup de libraires s'étant tournés vers d'autres activités commerciales plus lucratifs». Cependant, ajoute M. Madhi, cela ne nous dispense pas de reconnaître les efforts consentis par l'Etat pour le soutien de l'industrie du livre et qui «se sont traduits en 2003 par l'organisation de l'année de l'Algérie en France et en 2007, de la manifestation «Alger, capitale de la culture arabe» qui a été marquée par la publication de 1 296 livres touchant à tous les domaines». Mais ce soutien, a-t-il souligné,"ne doit pas être conjoncturel". Evoquant les caractéristiques du lectorat en Algérie, le sociologue Nacer Djabi distingue deux catégories, les jeunes et les personnes de plus de cinquante ans, qui sont le plus souvent des cadres francophones appartenant à la classe moyenne. Les livres d'histoire, les biographies et les mémoires de personnalités nationales et politiques sont, selon lui, les plus prisés par cette catégorie. Une demande accrue à la faveur de l'ouverture culturelle dans les années 1990 a été enregistrée sur ce type de publications qui faisaient auparavant défaut. M. Djabi a, par ailleurs, démenti l'idée selon laquelle les universitaires sont les plus grands lecteurs, précisant qu'ils ne lisent que les ouvrages de leurs domaines tout en relevant le facteur temps et le budget limité des étudiants. Il a, également, lié le phénomène de la lecture à l'environnement familial qui joue un rôle principal dans l'ancrage de l'amour de la lecture chez les générations montantes au vu des carences de l'école en la matière.