Somia Oulmane mérite largement sa place dans la catégorie des écrivains atypiques en Algérie, vu son parcours scolaire et sa vocation de poétesse. Mais, bien d'autres comme elle ont apport la preuve qu'il n'y a pas de frontières entre le domaine scientifique et celui des lettres. Après de brillantes études de médecine, ici et à Paris, l'auteur a entrepris un autre cursus universitaire, celui de la sociologie pour mieux comprendre la réalité sociale et démêler l'écheveau des relations entre individus qui constituent la société. Du drame familial à la tragédie palestinienne Les épreuves difficiles que le destin a voulu pour frapper de plein fouet sa famille la rapprochent du peuple palestinien qui vit au quotidien les horreurs d'une guerre multiforme qui lui a été injustement imposée depuis la partage inexpliqué d'un pays qui avait été libéré dans sa totale unité par Salah Eddine El Ayyoubi en 1197. Ces Anglais qui avaient été les colonisateurs et à l'origine du partage de cette Palestine, sont les mêmes que ceux qui ont procédé au partage des pays d'Afrique comme la Gambie devenue anglophone malgré elle comme enclave du Sénégal dont elle est historiquement partie intégrante, le Ghana par rapport à la Guinée, les deux Congo, etc. Quant à la Palestine, elle est devenue le théâtre d'opérations pour une guerre de religions entre musulmans et chrétiens, juifs. Cette guerre s'est perpétuée depuis des siècles. Aujourd'hui, c'est Israël qui fait le travail des croisades européennes qui avaient comme seul objectif, d'avoir la main sur la Palestine. Ces poèmes sont venus comment ? Spontanément, pourrait-on dire. Se sentant touchée par le destin tragique d'un peuple, Somia a voulu apporter une touche personnelle et non des moindres à l'édifice national d'écriture de l'histoire. Le drame palestinien, depuis les origines, rappelle celui des peuples qui n'ont jamais connu le bonheur, même dans l'indépendance. L'histoire de la Palestine est unique dans le monde et tous ceux qui peuvent arrêter le génocide et l'humiliation au quotidien, lui tournent le dos faisant semblant de ne rien pouvoir y faire alors qu'ils ont tous les moyens de faire obstacle au processus de dislocation. Une poésie pour témoigner Ses poèmes sont datés et ils retracent au fil des années l'histoire palestinienne depuis 1948, en insistant sur les événements les plus marquants. Il faut d'abord parler de novembre 1947, au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale. Les pays impliqués dans cette guerre mondiale et voulant se faire pardonner les camps de concentration conçus pour la race juive, sont ceux-là qui ont subitement désiré le partage de la Palestine au profit des Israéliens qui ont nourri le désir d'avoir une patrie. Partage inéquitable (1947) en parle en des termes clairs et sous forme versifiée : «Soixante-cinq pays ont été/L'ONU a officialisé/La Palestine sera divisée/En deux Etats bien séparés/Ainsi, la tragédie a commencé/Faisant de la Palestine et de son peuple opprimé/Une entité qu'il faut absolument broyer/Faire disparaître et même faire oublier.» La répression qui en a découlé a apporté les preuves d'une volonté de faire des Palestiniens un peuple errant, sous peine de se faire massacrer en s'obstinant à ne pas abandonner la terre de leurs ancêtres. Première page de l'horreur suivi d'un sous titre : Deir Yassine, Neuf avril 1948, nous donne un aperçu convaincant de la politique expansionniste d'Israël et de ceux qui le soutiennent : «Une petite bourgade, Deir Yassine. D'un pays frère, la Palestine/Avec ses collines, ses vergers/Ses figuiers et ses oliviers/Des commandos suréquipés/Assiègent la petite localité/Leur mission sera accomplie/Des centaines de personnes tuées/Des dizaines de maisons saccagées/Même les troupeaux n'échappent pas/A la sauvagerie des soldats.» En 1956 (29 octobre), l'auteur retrace une des péripéties les plus dures à supporter. C'était plus que révoltant, mais personnes n'avait osé lever le petit doigt pour mater ceux qui organisaient l'extermination ou l'élimination des Arabes. Le sinistre alibi est un poème bien élaboré et qui raconte clairement le sinistre événement : «Des cadavres par dizaines/Des exilés que l'on emmène/Encore un village de Palestiniens/ Qui aura été pris aux siens/C'est le début d'une longue histoire/De massacres, génocide notoire/Qui va souiller l'humanité/Qui parle pourtant de fraternité.» (extrait du long poème, choisi pour avoir relaté les moments forts). Weinkoum ya'a aârab ?, nous rappelle cette Palestinienne qui criait à tous ceux qui pouvaient l'entendre son dégoût de voir les Arabes ne pas bouger devant un massacre dans la population palestinienne. Nous avons choisi un quatrain, le plus représentatif du poème par son contenu synthétique : «Les sauvagerie/De pauvres êtres démunis/Venus de Palestine, expatriés.» Le recueil est assez copieux par le contenu et le contenant. La forme émanant de quelqu'un qui maîtrise la langue est trop belle pour passer inaperçue. Une étude exhaustive de l'œuvre poétique serait un travail de longue haleine, mais possible. Silence, on tue, mai 2003, rappelle par le fond la légende des siècles : «A treize ans, il rencontre la mort/Qui le ravit sans un remord.» Et lorsque les Palestiniens auront recouvré leur droit à la dignité et à une patrie, des hommes de plume viendront apporter un plus à cette légende des siècles. Boumediene Abed Palestine (1948–2009), Ephémérides d'une tragédie, Oulmane Somia, Poèmes, El Faïrouz Edition, 96 pages, 2010.