L'objet de cette modeste analyse certainement imparfaite se limitant aux aspects socio-économiques et se veut une contribution pour dépasser la crise multidimensionnelle à laquelle est confrontée l'Algérie, personne n'ayant le monopole du nationalisme, d'où la vertu du dialogue permanent entre toutes les forces socles sans exclusive. 1) La période 1962-1979 ou l'économie socialiste spécifique C'est de l'hymne à la liberté chantée en I962 dans les rues de l'ensemble de l'Algérie indépendante, les espoirs suscités par le socialisme spécifique à l'algérienne, l'autogestion des domaines des colons qui devait élever la production, la restitution des paysans de leur dignité, mais aussi les luttes de pouvoir entre l'intérieur et l'extérieur des différents clans. Le 19 juin I965, le président élu auparavant est destitué et c'est le discours du sursaut révolutionnaire du fait que l'Algérie serait au bord de la faillite. Il fallait la redresser avec un pouvoir fort qui résisterait aux évènements et aux hommes, à travers trois axes, la révolution industrielle, la révolution agraire et la révolution culturelle, en prenant comme base le plan économique du programme de Tripoli qui repose sur la dominance du secteur d'Etat comme fer de relance de l'économie nationale à travers les grosses sociétés nationales. Ce sont les discours triomphants de constructions des usines les plus importantes du monde, du bienfait de la révolution agraire, garantie de l'indépendance alimentaire, de l'école et de la santé pour tous et de la promesse solennelle que nous deviendrons, à l'horizon 1980, le Japon de l'Afrique avec les lancements du plan triennal 1967-1969, du premier quadriennal 1970-1973 et du second quadriennal 1974-1977. Le système d'information socio-éducatif participait à ces slogans idéologiques comme façonnement des comportements. Nous assistons aux discours de la vertu des fameuses industries industrialisantes avec la priorité à l'industrie dite lourde et au niveau international l'Algérie, leader du nouvel ordre économique international, dans sa lutte contre l'impérialisme, cause fondamentale du développement du sous-développement. Et voilà qu'après la mort du président après une longue maladie et une lutte de pouvoir qui se terminera par un compromis avec la venue d'un nouveau président qu'en 1980, nous apprenons de la part des responsables politiques que cette expérience a échoué et que la période passée était une décennie rouge. Les nombreuses commissions, dont les résultats sont jetés dans les tiroirs après des exploitations politiques, contribueront à ces dénonciations. Du fait de la compression de la demande sociale durant la période précédente et surtout grâce au cours élevé du pétrole, les réalisations porteront sur les infrastructures, la construction de logements et l'importation de biens de consommation finale avec le programme antipénurie avec la construction sur tout le territoire national des souks el-fellah. L'Algérie ne connaît pas de crise économique selon les propos télévisés un ex-Premier ministre, qui touchait en ces moments les pays développés avec un baril en termes de parité de pouvoir d'achat 2010 équivalent à 70/80 dollars. C'est alors l'application mécanique des théories de l'organisation, en les fractionnant, car les grosses sociétés nationales ne seraient pas maîtrisables dans le temps et l'espace. En 1986, la population algérienne contemple l'effondrement du cours du pétrole, les listes d'attente et l'interminable pénurie. Et voilà que nous avons un autre discours : les Algériens font trop d'enfants, ne travaillent pas assez... C'est à cette période que s'élaborent les premières ébauches de l'autonomie des entreprises publiques avec la restructuration organique. On fait appel à la solidarité de l'émigration que l'on avait oubliée. Il s'ensuit l'effondrement du dinar dont on découvre par magie que la parité est en partie fonction du cours du dollar et du baril de pétrole et non au travail et à l'intelligence, seules sources permanentes de la richesse. On loue alors les vertus du travail, de la terre, on dénonce les méfaits de l'urbanisation, du déséquilibre entre la ville et la campagne et on redécouvre les vieux débats entre partisans de l'industrie lourde qui serait néfaste, les bienfaits de l'industrie légère et la priorité à l'agriculture dont on constate le niveau alarmant de la facture alimentaire. Et comme par enchantement c'est le slogan de l'homme qu'il faut à la place qu'il faut et au moment qu'il faut. 2) La période historique 1980-1999 ou crise politique et économique Après une période d'euphorie (investissement essentiellement dans les infrastructures, programme antipénurie entre 1980 et 1985 avec les grandes entreprises commerciales étatiques), c'est la crise de 1986 avec l'effondrement des cours de pétrole de plus de 70 %. Comme conséquence, c'est le début timide d'une presse libre et d'un multipartisme que l'on tente de maîtriser par l'éclosion de partis — une famille pouvant fonder un parti avec des subventions de l'Etat — avec la naissance d'une nouvelle Constitution en 1989 qui introduit des changements fondamentaux dans notre système politique qui avait un caractère monocratique depuis l'indépendance, conférant ainsi à notre système politique un caractère pluraliste. Elle était cependant porteuse d'une vision hybride de la société dans la mesure où certains articles renvoyaient à des options politico-économiques et politico-idéologiques contradictoires traduisant un non-consensus sur la voie économique à suivre. Sur le plan économique, entre 1989 et 1990, c'est l'application des réformes avec l'autonomie de la banque centrale à travers la loi sur la monnaie et le crédit, la libéralisation du commerce extérieur, une tendance à l'autonomie des entreprises et l'appel, très timidement, à l'investissement privé national et international sous le slogan «Le secteur privé, facteur complémentaire du secteur d'Etat». Après le socialisme spécifique, c'est l'économie de marché spécifique avec la dominance du secteur d'Etat soumis à la gestion privée. Effet de la crise économique, nous assistons à une crise politique sans précédent qui couvait déjà puisque un ex-chef de gouvernement qui agissait dans le cadre de la Constitution de 1976, amendée en 1989, s'est opposé au chef de l'Etat, refusant de démissionner en invoquant la responsabilité politique de son gouvernement devant la seule Assemblée nationale, qui était aux mains du FLN et dont le président n'était autre que le même président. La crise fut accélérée par des élections législatives, coordonnées par un nouveau chef de gouvernement issu des hydrocarbures. Une explosion sociale s'ensuivit avec des élections remportées par le courant islamique dont l'aboutissement sera la démission de ce président après plus d'une décennie de pouvoir. Le procès est fait cette fois à la décennie noire de 1980-1990. Et c'est la liste interminable de chefs de gouvernement et de ministres, changement successif dû à la profonde crise qui secoue le pays.