1ère partie Docteur Abderrahmane MEBTOUL* L'Algérie fêtera le 05 juillet 2010 soit 48 ans d'indépendance politique. Aussi, est- il fondamental de se poser cette question : quelle est la situation de l'Algérie sans verser dans la sinistrose ? Beaucoup de réalisations mais également éviter l'autosatisfaction, beaucoup^d'insuffisances. C'est l'objet de cette modeste contribution car cette situation actuelle est le produit historique de toutes les politiques passées depuis l'indépendance politique reposant essentiellement sur une distribution passive de la rente des hydrocarbures. L'économie comme nous l'ont appris les grands classiques de l'économie Adam Smith, David Ricardo, Malthus, J.B Say, Karl Marx qui est avant tout un théoricien du capitalisme Joseph Schumpeter, Keynes et plus de près de nous tout le courant institutionnaliste prix Nobel 2009 où a été introduit le concept de bonne gouvernance, est politique. En étant conscient que l'histoire fondement de la connaissance ne se découpe pas en morceaux , existant des imbrications dialectiques au cours du temps, que la période coloniale et bien au-delà a toujours des impacts sur la société algérienne, je replacerai mon analyse au sein de la dynamique historique. C'est que les forces sociales conservatrices et réformistes souvent antagoniques tenant compte du poids de l'histoire sont le moteur de la dynamique ou de la léthargie de toute société. 1.-DE 1962 A LA CRISE DE 1986 OU LE SOCIALISME SPECIFIQUE Souvenons nous de la domination idéologique du communisme, l'hymne à la liberté chantée en I962 dans les rues de l'ensemble de l'Algérie indépendante, les espoirs suscités par le socialisme spécifique à l'algérienne, l'autogestion des domaines des colons qui devait élever la production, restituer les paysans dans leur dignité, lutter contre l'injustice sociale, mais aussi les luttes de pouvoir entre l'Intérieur et l'Extérieur des différents clans. Le 19 juin I965, le Président élu auparavant est destitué et c'est le discours du sursaut révolutionnaire du fait que l'Algérie serait au bord de la faillite. Il fallait la redresser, grâce à un pouvoir fort qui résiste aux évènements et aux hommes, à travers trois axes, la révolution industrielle, la révolution agraire, et la révolution culturelle, en prenant comme base le plan économique du programme de Tripoli qui repose sur la dominance du secteur d'Etat, comme fer de relance de l'économie nationale, à travers les grosses sociétés nationales. Ceux sont les discours triomphants de constructions des usines les plus importantes du monde, du bienfait de la révolution agraire, garantie de l'indépendance alimentaire, de l'école et de la santé pour tous et de la promesse solennelle que nous deviendrons horizon 1980, le Japon de l'Afrique avec les lancements du plan triennal 1967-1969, du premier quadriennal 1970-1973 et du second quadriennal 1974-1977. Rappelons nous ces discours de la vertu des fameuses industries industrialisantes et au niveau international l'Algérie leader du nouvel ordre économique international sans sa lutte contre l'impérialisme cause fondamentale du développement du sous développement. Et voilà qu'après la mort du Président après une longue maladie et une lutte de pouvoir qui se terminera par un compromis, et la venue d'un nouveau président, qu'en 1980, nous apprenons que cette expérience a échoué. Du fait de la compression de la demande sociale durant la période précédente et surtout grâce au cours élevé du pétrole, du cours du pétrole, les réalisations porteront sur les infrastructures, la construction de logements et l'importation de biens de consommation finale avec le programme anti-pénurie et la construction sur tout le territoire national des souks fellahs. L'Algérie ne connaît pas de crise économique selon les propos télévisés un d'ex Premier Ministre, qui touchait en ces moments les pays développés avec un baril en termes de parité de pouvoir d'achat 2007, équivalent à 70/80 dollars. C'est alors l'application mécanique des théories de l'organisation, car les grosses sociétés nationales ne seraient pas maîtrisables dans le temps et l'espace. Mais la population algérienne contemple en 1986, l'effondrement du cours du pétrole les listes d'attente et l'interminable pénurie : et c'est toujours la faute de l'extérieur, de cet impérialisme, ce chat noir dans un tunnel sombre que l'on ne voit pas. Et voilà que nous avons un autre discours : les algériens font trop d'enfants, ne travaillent pas assez. L'on fait appel à la solidarité de l'émigration que l'on avait oubliée. IL s'ensuit l'effondrement du dinar dont on découvre par magie que la parité est fonction du cours du dollar et du baril de pétrole et non au travail et à l'intelligence seules sources permanentes de la richesse. On loue alors les vertus du travail, de la terre, l'on dénonce les méfaits de l'urbanisation, du déséquilibre entre la ville et la campagne, la priorité devant être donnée à l'agriculture dont on constate le niveau alarmant de la facture alimentaire. Et c'est le slogan de l'homme qu'il faut à la place qu'il faut et au moment qu'il faut, thème reproduit également aujourd'hui. 2- DE 1988 A 1999, CRISE POLITIQUE ET ECONOMIE DE MARCHE SPECIFIQUE Octobre I988 conséquence de la crise de 1986 qui a vu s'effondrer les recettes d'hydrocarbures de 2/3, contredit ces discours populistes, et c'est le début timide d'une presse libre et d'un multipartisme que l'on tente de maîtriser par l'éclosion de Partis (une famille pouvant fonder un parti avec des subventions de l'Etat) avec la naissance d'une nouvelle constitution en 1989 qui introduit des changements fondamentaux dans notre système politique qui avait un caractère monocratique depuis l'indépendance en consacrant l'existence du multipartisme, conférant ainsi à notre système politique un caractère pluraliste du moins dans les textes. Sur le plan économique, entre I989-I99O c'est l'application des réformes avec l'autonomie de la banque centrale, la tendance à la convertibilité du dinar, la libéralisation du commerce extérieur, une tendance à l'autonomie des entreprises et l'appel, très timidement, à l'investissement privé national et international sous le slogan secteur privé facteur complémentaire du secteur d' Etat, après le socialisme spécifique, de l'économie de marché spécifique à l'algérienne avec la dominance du secteur d'Etat soumis à la gestion privée, des lois portant autonomie des entreprises publiques en oubliant que l'économie de marché concurrentielle a ses propres règles à savoir un Etat de droit qui peut ne pas recouper durant une phase historique le but ultime, la démocratisation politique, et surtout la dominance du secteur privé national ou international en faisant jouer à l'Etat le rôle stratégique de régulateur. Effet de la crise économique, nous assistons à une crise politique sans précédent ? Crise accélérée par des élections législatives, coordonnées par un nouveau Chef de gouvernement issu des hydrocarbures des émeutes dont l'aboutissement sera la démission de ce Président après plus d'une décennie de pouvoir. Le procès est fait cette fois à la décennie noire de 1980/1990. Et c'est la liste interminable de Chefs de gouvernement et de ministres, changement successif du à la profonde crise qui secoue le pays. C'est la naissance du Haut Comité d'Etat (HCE), la venue d'un historique et figure charismatique qui donnera une première lueur d'espoir, présidera à peine une année le HCE avant d'être assassiné, son remplacement par un autre membre du HCE, avec parallèlement, un Conseil Consultatif faisant œuvre de parlement désigné. L'on rappellera comme Chef de gouvernement le père de l'industrie lourde des années I97O qui prônera l'économie de guerre mais avec son départ rapide du fait de la cessation de paiement. Lui succèdera un Premier ministre membre du HCE artisan du programme de Tripoli qui signera l'accord de rééchelonnement avec le FMI, démissionnant tout juste après, l'Algérie étant en cessation de paiement n'ayant pas de quoi acheter un kilo de farine, alors que certains responsables politiques clamaient haut et fort à la télévision et dans la presse que l'Algérie n'irait pas au rééchelonnement. Les accords avec le FMI verront une baisse drastique de la valeur du dinar qui sera dévaluée. La période qui suit verra un Chef d'Etat avec un parlement de transition à savoir le C.NT (conseil national de transition) combinaison d'associations et de partis politiques. Viendrons les élections de ce Président axé sur le rassemblement, pour sortir le pays de la crise et une nouvelle constitution (1996. Elle crée la seconde chambre, dite Conseil de la Nation, et par le truchement de l'article 120, lui donne pratiquement le pouvoir de bloquer un texte de loi voté par l'APN. Mais fait nouveau et important, elle limite le mandat présidentiel à deux étalé sur cinq années. Mais nous sommes toujours dans la même ambiguïté politique en maintenant le caractère dual de l'Exécutif,( ni régime parlementaire, ni régime présidentiel) tout en consolidant le système de Conseils existants dont l'institution d'un Haut Conseil Islamique et d'un Haut Conseil de Sécurité qui est présidé par le président de la République. C'est à cette période que naît le Parti le rassemblement national démocratique (R.N.D) dont le fondement du discours est la lutte anti-terroriste qui raflera presque tous les sièges en 8 mois d'existence tant de l'APN que du Sénat au détriment du Parti FLN et qui provoquera par la suite des protestations interminables et une commission sur la fraude électorale dont les conclusions ne verront jamais le jour. Les parlementaires du fait de la situation sécuritaire de l'époque, auront surtout pour souci de voter pour soi même des rémunérations dépassant 15 fois le SMIG de l'époque alors que la misère se généralise, oubliant naturellement du fait de la généralisation des emplois- rente, qu'un parlementaire aussitôt sa mission terminée retourne à son travail d'origine, et qu'une retraite automatique revient à afficher un mépris total pour une population meurtrie. Dans la foulée, la venue de deux Chefs de gouvernement dont le premier technicien pratiquera le statut quo et le second par l'application des accords du FMI qui aura à son actif le cadre macro-économique stabilisé actuellement mais des retombées sociales négatives du fait de la douleur de cet ajustement. * Docteur Abderrahmane MEBTOUL Professeur d'Université en management stratégique (Economiste - Algérie) NB- Voir le chapitre «rente et logique de la politique socio-économique» reproduit dans mon ouvrage l'Algérie face à la mondialisation OPU Alger ( 420 pages Alger 2001) tome 1: pour une nouvelle culture économique, où nous avons déjà développé les axes fondamentaux de la logique du système rentier.