Dans sa chambre au premier étage du service d'urologie du CHU Oran, M. Belamri Abdelkrim fait presque rire avec le masque vert qu'il porte sur sa bouche et son nez. Allongé sur son lit, mettant un petit poste radio en sourdine pour lui tenir compagnie, il ne donne aucunement l'impression de quelqu'un qui vient de subir une lourde opération chirurgicale. Il paraît presque épanoui. D'ailleurs, il y a quelques jours qu'il s'est débarrassé de la tenue hospitalière qu'on lui a fait porter après la greffe de rein qu'il a subie il y a quinze jours. Sur sa table de chevet, on relève deux bouteilles d'eau minérale et quelques flacons de médicaments. Sur une autre, un petit amas de journaux. « Pour meubler le temps, je lis trois quotidiens par jour, dont Le Quotidien d'Oran », lance-t-il. Son séjour dans ce service lui a permis d'établir des relations presque familières avec le personnel. Il connaît et appelle les infirmières et médecins par leur prénom. On retiendra, de sa bouche, que Mokhtar s'occupe de la pharmacie, puisqu'une néphrologue a déposé ses médicaments dans un frigo. Abdelkrim est de la wilaya d'El-Bayadh. Père de deux enfants, dont l'aîné a quinze ans, il travaille comme chef magasinier dans un lycée de la ville. Il y a une dizaine d'années, suite à un choc émotionnel, il commence à avoir des complications de santé qui se sont transformées en insuffisance rénale. Dix ans durant, il devait subir trois fois par semaine une séance d'hémodialyse. La séance durait quatre heures, nous affirme-t-il. En 2006, de passage à Oran chez des parents à lui, il se retrouve dans le cabinet du professeur Attar Abderrahmane. La perspective de la greffe commence à se dessiner devant lui. Et pourquoi pas puisqu'il n'avait que 44 ans à cette époque. Le premier obstacle qu'il fallait surmonter est celui du donneur. En Algérie, dans ce genre de situation, la famille est le premier et dernier recours. Une soeur et un frère à lui se sont proposés. Les examens préliminaires permettent d'éliminer la piste du frère et du coup tous les espoirs se sont fixés sur la soeur âgée de 40 ans. A partir de ce moment, on passe aux choses sérieuses. Pour un examen dit HLA, les deux sont envoyés dans une ambulance du CHU Oran à Blida où ils effectuent ce test. Consultant son protocole, une femme médecin qui a fait partie de l'équipe de l'intervention nous dira que l'opération a duré plus de quatre heures. La greffe proprement dite a nécessité une heure et demie. Revenant sur cette opération, le Pr Attar reconnaîtra qu'il l'avait appréhendée avec beaucoup de peur. «J'avais tellement peur que j'ai mis ma blouse à l'envers». «Heureusement que tout s'est bien passé», ajoute-t-il. La donneuse a quitté le service d'urologie au bout de quatre jours. Quant au receveur, il fallait le garder en observation jusqu'à ce que les globules blancs atteignent le seuil normal. Dimanche, il s'apprêtait à quitter les lieux. Il nous a affirmé qu'il se portait mieux et qu'il a renoué avec un acte naturel d'uriner normalement. Cependant, il émet le souhait de voir ses « frères de calvaire » (les dialysés d'El-Bayadh) connaître le même sort heureux que lui. Dans ce sens, il nous apprendra qu'ils étaient à peine 12 personnes en 2000 et qu'actuellement ils sont presque 100 personnes. Il nous confirme que la question du don d'organe constitue un des blocages les plus insurmontables pour ce type de malades. Dans ce cadre, le Pr Attar estime qu'un débat de société doit être engagé le plus rapidement, avec la participation des hommes de culte, des spécialistes des questions de l'éthique et la communauté hospitalo-universitaire. Soulignons que le cas d'Abdelkrim est la huitième opération de greffe réalisée avec succès au service d'urologie du CHU Oran. Ce qui signifie que l'équipe travaillant autour d'Attar peut se targuer de bon droit d'avoir acquis une expérience dans ce domaine. Tant mieux, puisque le nombre d'insuffisants rénaux ne fait qu'augmenter...